AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   

-o- DOSSIER SPECIAL -o-

S O S    NAPLOUSE

 

 

 

 

Association France-Palestine Solidarité Nord/Pas-de-Calais

Le mur et l’indifférence
qui isolent la Palestine

Israël bâtit actuellement un mur qui isole davantage les Palestiniens. Deux jeunes Lillois de retour de Naplouse (jumelée avec Lille) témoignent.

L’Association France-Palestine Solidarité Nord/Pas-de-Calais a lancé récemment, dans la région, la campagne internationale " contre les murs de l’apartheid ". Quant à Odile et Ludovic, deux jeunes Lillois de retour de Naplouse après un séjour de trois mois, ils ont pu témoigner du quotidien invivable de la population palestinienne, soumise aux humeurs de l’armée israélienne.

Depuis juillet 2002, des centaines de bulldozers s'activent pour construire un mur censé séparer la Cisjordanie de l'Etat d'Israël. En réalité, cette séparation, large de trente à cent mètres et s’élevant, par endroits, jusqu’à huit mètres, ne suit pas la " Ligne verte ", c’est-à-dire la limite reconnue internationalement, depuis 1967, entre Israël et les territoires palestiniens. Son tracé, très étudié, inclut dans l’Etat israélien le plus grand nombre possible de colonies. Il serpente à l'intérieur de la Cisjordanie occupée, au plus près des zones d'habitation. Les plus fertiles terres sont traversées, de même que de nombreuses réserves aquifères.

Un tracé très étudié

La campagne de l’AFPS Nord/Pas-de-Calais vise à montrer à l’opinion la monstruosité de ce mur, dont cent quarante kilomètres sont déjà une réalité. Des maisons rasées, des oliviers déracinés, des serres démolies, des kilomètres de canalisation d'eau détruits, rien ne peut stopper le mur conçu par Israël. Sauf peut-être des vestiges archéologiques. C’est tout dire.

Tel-Aviv poursuit impunément, au rythme qu’il s’est choisi, la mise en place de cette ligne de la honte. Pire, le gouvernement israélien peut s’appuyer sur l’indifférence presque totale des dirigeants internationaux.

Après la guerre de 1967, la Palestine, “ Etat viable et indépendant ”, était réduite à 22 % de la Palestine du mandat britannique. Que lui restera-t-il si cet Etat est créé un jour ?

L’exemple de Naplouse est édifiant si l’on veut ouvrir les yeux sur ce qui se passe aujourd’hui dans les territoires occupés. Odile, qui parle en son nom et en celui de Ludovic, est nerveuse rien qu’à décrire ce qu’elle a vu. Elle souligne d’emblée que “ beaucoup de jeunes palestiniens veulent s’expatrier ”. Des heures durant, elle pourrait parler des exactions commises par les soldats israéliens, des vexations les plus écœurantes qu’ils improvisent. Mais aussi de l’impossibilité, pour un Palestinien habitant Naplouse, d’organiser “ une vie normale ”, même dans le registre des actions les plus banales. Rien que se déplacer, faire quelques kilomètres, est “ extrêmement compliqué ”, dit Odile. Puis la voilà évoquant ce mineur de seize ans qui a purgé six mois d’emprisonnement. “ En fait, les prisons sont des tentes. Pas de téléphone, pas de droit de visite. Les familles ne sont pas averties ”. Des conditions de détention humiliantes. “Dans le camp de Ouara, on fait ses besoins dans des sacs-poubelles ”. Trois toilettes pour cent vingt personnes.

Les nuits à Naplouse ont également marqué Odile. “ A huit heures du soir, la journée est finie. Sinon, on risque sa vie ”.

L’armée multiplie les opérations dans la vieille ville. “ Il n’y a pas d’urgence, pas de danger, mais les soldats sont là, à lancer des clins d’œil aux filles… ”.

Odile insiste sur la terreur imposée par les gardiens d’Israël : “ Ce n’est pas une occupation sécuritaire. Ces jeunes militaires s’amusent des gens, sont arrogants, railleurs, pas nets. Ils n’ont de respect pour rien. Ils ont dépassé une limite”.

Terreur et arrogance

On est toujours au bord d’une horreur possible et le sentiment dominant des habitants est celui de la peur.

Dans la nuit du 28 au 29 décembre 2003, les soldats “ sont repartis après avoir bousillé la ville pendant deux jours ”. Puis “ ils sont revenus la nuit d’après, pour rester neuf jours cette fois ”. Couvre-feu, destructions. “ Ils y sont allés à la pelleteuse dans un quartier de la vieille ville classé par l’Unesco ”.

Dans la nuit du 6 au 7 janvier 2004, “ un double assassinat : un homme qui était recherché et son meilleur ami qui n’avait rien à voir… ”

Pas besoin d’être un criminel pour être poursuivi. Il suffit d’avoir construit une maison sur une terre convoitée par Israël. Cet Etat, qui prétend être la seule démocratie du Moyen-Orient, démolit systématiquement les habitations d'une communauté.

Le mur qui grandit dans les territoires est une barrière tyrannique, dont l'impact ne sera pas diminué par la création d'un Etat palestinien.

Plus que jamais, la Palestine est dans l’impuissance et a besoin de l’aide internationale.

Albert LAMMERTYN

 

 



n° 1840 - Semaine du 6 février 2004

Odile et Ludovic, deux jeunes lillois, reviennent de Palestine
"La vie des palestiniens est invivable"
De retour d'un séjour de trois mois à Naplouse, deux lillois disent l'urgence d'une réaction de la part de la communauté internationale. "Ce qui me choque le plus, c'est l'humiliation permanente vécue par les Palestiniens", témoigne Odile.
NAPLOUSE. Des snipers, des tanks, des conditions de vie épuisantes, des blessés et des morts. Le récit d'Odile et Ludovic, jeunes lillois de 28 et 29 ans n'a rien d'un film. Ils sont revenus de Palestine mardi 20 janvier, après trois mois au cœur du conflit israélo-palestinien. Ludovic est muet, Odile est virulente, perturbée, en colère.
Elle raconte sans s'arrêter ce qu'elle a vu, entendu pour "que sachent ceux qui ne savent pas encore". Par le biais de l'association France Palestine Solidarité, ces deux jeunes gens (lui est intérimaire, elle bientôt enseignante) se font l'écho de la réalité quotidienne du pays.
Le quotidien déboussolé
Odile raconte d'abord les check-points israéliens, frontières fixes imposées aux voyageurs où "la décision d'autoriser ou d'interdire l'accès répond à l'arbitraire le plus total".
"Ces points, qui permettent de passer d'une ville à une autre, sont fermés le plus souvent le samedi, jour où les étudiants regagnent leur lieu d'études. Ils se voient donc dans l'obligation de passer par les montagnes, d'effectuer des heures de route à pied, risquant de se faire tuer".
Elle poursuit son récit et quelquefois s'emporte. "Les soldats israéliens se marrent. C'est un jeu pour eux. Ils ont 18 ans et ils rigolent. Au risque que le jeu dérape ... et qu'ils tirent dans le tas. Ce qui me choque le plus, c'est cette humiliation permanente vécue par les Palestiniens. Des choses qui semblent anodines mais qui sont là pour montrer aux gens que jamais, on ne les laissera en paix".
Odile se souvient de ce jeune de 16 ans qu'elle a rencontré à sa sortie de prison. "Il y est resté six mois après un procès de 30 secondes dont le chef d'accusation était tenu "top secret". Sa famille n'a pas su où il avait été emmené: ni droit au téléphone, ni droit de visite. D'abord parqués dans des tentes, les prisonniers ont ensuite été envoyés au camp de Naplouse. Là-bas, ils n'étaient pas trois par cellule mais vingt dans une même pièce, éclairée 24h/24 pour leur faire perdre toute notion de temps. Trois yaourts pour vingt au petit déjeuner, un seul WC ...".
26 décembre, 19h45
Le lendemain de Noël, peu avant 20h, heure fatale où personne ne se risque plus à sortir, les tanks envahissent Naplouse. Le couvre-feu est prononcé et l'évacuation immédiate. "Les soldats israéliens ont réquisitionné les maisons et ont parqué les gens dans une seule pièce", explique Odile. Durant deux jours, les rues sont désertes. Les membres des ONG présentes, dont Odile fait partie, distribuent du pain, du lait aux enfants et des soins pour les malades. Les forces militaires israéliennes partent dans la nuit du 28 au 29 ... pour revenir la nuit suivante et rester cette fois, neuf jours. N'allez pas me dire qu'ils sont venus pour sécuriser la zone, s'étonne Odile. Pourquoi partir, puis revenir si ce n'est pour terroriser la population!"
Les maisons du quartier de la vieille ville sont détruites à la pelleteuse, des tirs de tanks brisent les vitres des immeubles et les morceaux de verre retombent sur les occupants. Bilan des neufs jours : dix-neuf morts, environ 150 blessés. Le 6 janvier, tout reprend vie. Les passants envahissent de nouveau les rues et découvrent l'ampleur des dégâts.
"J'ai rencontré au jour le jour des gens qui soupirent profondément et qui disent simplement vouloir vivre normalement. Beaucoup d'associations en Israël travaillent aussi pour rétablir la paix. S'il n'y a pas de condamnations de la communauté internationale, Israël lui-même en pâtira".
Odile et de nombreuses associations de la région présenteront leur témoignage dimanche 15 février à la mairie de Wazemmes.
Karine G.

 


Vendredi 30 janvier 2004

"Stop the wall" : contre la mur de l'isolation

Pour l'association France Palestine Solidarité, c'est moins la sécurité d'Israël que la volonté d'isoler les Palestiniens qui préside à la construction du mur. Un isolement d'autant plus difficile que des observateurs lillois rapportent la violence extrême des rapports entre la population et l'armée israélienne.

"Je ne peux pas croire que le mur soit érigé pour des raisons de sécurité", affirme avec force Odile Thouron, une Lilloise de retour d'un séjour de trois mois à Naplouse, où elle a connu, pendant dix jours, les rigueurs d'un couvre-feu total au cours duquel dix-neuf Palestiniens ont été tués. Pour elle, les pratiques de l'armée israélienne démentent l'argument sécuritaire. Décrivant les files d'attente aux différents check-points dressés par l'armée, Odile Thouron rapporte ainsi que "lorsque la file d'attente est très longue, l'armée décide parfois de faire passer la moitié des gens, sans aucun contrôle, avant de remettre la barrière en place".
De même, lorsque les points de contrôle sont fermés à l'entrée de Naplouse, les gens sont forcés d'emprunter un chemin de montagne pour les contourner. "C'est théoriquement interdit. Mais les soldats ne disent rien, alors qu'ils voient les gens passer sur ce chemin. Leur but est simplement de faire perdre du temps et de rendre la vie plus difficile".
L'instauration du couvre-feu permanent, entre le 26 décembre et le 6 janvier, a rendu la situation encore plus difficile. Lorsqu'elle a pris ses quartiers dans la ville, l'armée a installé ses hommes dans des maisons particulières, interdisant les habitants d'en sortir afin qu'ils soient une protection contre d'éventuelles attaques.
Au fil des jours, l'attitude des soldats s'est faite plus dure, plus violente. Les actes de violence gratuite se sont multipliés. Un jour, c'est un tank qui tire en pleine rue, sans raison apparente. Un autre, ce sont les médecins venus porter secours aux populations bloquées dans le quartier El Karaïon qui ne peuvent en sortir avant le lendemain matin. Plusieurs témoins rapportent qu'un homme a été tué en pleine rue, par un sniper isolé. Des opposants supposés sont arrêtés en pleine nuit, puis retrouvés morts, criblés de balles ...
Pour Nabil El-Haggar, co-président de l'AFPS Nord Pas-de-Calais, qui a lancé un appel a soutenir la campagne internationale "Stop the Wall", l'Etat d'Israël veut faire disparaître une culture. Sa politique est encore conduite par l'idée que "le Palestinien fait barrage à Israël par sa simple existence". S'appuyant sur les cartes réalisées pour la campagne, il affirme également que "le tracé du mur ne respecte pas les frontières de 1967: il fait de larges incursions dans les territoires palestiniens, le privant ainsi, de fait, de plus de la moitié de leur superficie". Selon lui, une carte des ressources en eau serait des plus utile pour comprendre les raisons du tracé, qui coupe les villages en deux et sépare des familles entières, créant de fait quatre enclaves parfaitement délimitées.

Ma. Mil.

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Mardi 13 janvier 2004

Une Lilloise témoigne de Naplouse

" Dans une terreur constante "

"La situation est extrême, les gens vivent dans une terreur constante, ils sont traumatisés ..."
Dans ses mots, dans ses inflexions de voix, Odile, militante associative lilloise, porte tout le poids de la souffrance dont elle a été le témoin depuis son arrivée à Naplouse, en octobre dernier.
Venue "créer des liens avec des associations culturelles locales, pour que le jumelage Lille-Naplouse soit également un jumelage associatif", Odile et Ludovic, qui sont partis dans le cadre d'une mission de l'AFPS 59.62 (Association France Palestine Solidarité) se sont soudain retrouvés plongés au cœur d'une ville occupée. "Ils ont commencé par prendre Balata, un camp de réfugiés à l'intérieur de Naplouse. Puis, dans la nuit du 26 au 27 décembre, ils ont investi la vieille ville. Ils ont détruit de nombreuses maisons, à l'explosif ou au bulldozer. Lorsqu'elle s'installe, l'armée réquisitionne des bâtiments entiers, et conserve les familles parquées à l'intérieur pour leur propre protection. Nous avons essayé dix fois de porter de la nourriture, du lait en poudre à ces familles, sans succès."
Poussés par les événements, les deux lillois se sont retrouvés dans la rue, aux cotés des secouristes. 
"Le matin du 30 décembre, nous nous sommes réveillés sous couvre feu total. L'armée s'est montrée particulièrement agressive et violente. Il y a eu 19 morts et plus de 200 blessés au cours des affrontements. Un jour que nous étions dans la rue pour porter secours aux blessés,  une jeep israélienne s'est arrêtée  à notre hauteur, et ont lâché une grenade sonore à nos pieds..." Les deux militants associatifs lillois, exténués, seront de retour samedi.

Ma. Mil.

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