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Le Hamas fait son entrée en politique à Naplouse

 Dan Damon - BCC   publié le mardi 3 janvier 2006.

 Avec les élections parlementaires palestiniennes dans moins d’un mois,
le groupe militant Hamas parait devoir renouveler son succès des récentes élections municipales.
Mais que se passe-t-il quand un groupe militant arrive au pouvoir ?

Le Hamas dispose d’un fort soutien populaire dans la ville de Naplouse. Le nouveau maire de la ville, Adli Yaish, a salué une grande partie des visiteurs qui étaient venus pour le féliciter de sa victoire.

De profession, Mr Yaish est vendeur de voitures. « Je n’aime pas conduire une voiture neuve », dit-il, « car à Naplouse il y a beaucoup de gens pauvres. Je ne peux pas conduire une très bonne voiture tandis que des gens ne peuvent trouver à manger ».

Alors que la ville a été un moment le centre des activités en Cisjordanie, Naplouse n’est à présent plus que l’ombre d’elle-même. Le chômage, les restrictions israéliennes sur tous les déplacements à l’intérieur et à l’extérieur de la ville, la rivalité entre gangs palestiniens armés à l’intérieur de la ville, ont durement affecté la vie des habitants.

Une réputation d’intégrité et de générosité vis à vis du peuple représente la raison pour laquelle les hommes politiques du courant islamique, comme Mr. Yaish, avec le soutien du Hamas, ont emporté 74% des voix à Naplouse.

Bénéfices politiques

Une autre raison de ce succès est l’affrontement à l’intérieur du Fatah, le parti du Président Mahmoud Abbas. Le dirigeant du Fatah à Naplouse, Ghassan Shakkah, admet que le Hamas a remporté un succès.

« C’est tout bénéfice pour le Hamas d’être au conseil municipal ou au Parlement. Ils devront alors agir comme un parti politique et non pas seulement comme un parti de résistance. Ils devront avoir des contacts avec les israéliens, et ils peuvent être bénéfiques pour la cause de la paix. »

Peut-être que le Hamas, catalogué comme organisation terroriste par les États-unis, la Grande-Bretagne et d’autres gouvernements, sera introduit dans la vie politique. Mais les tenants de la ligne dure ne sont pas disposés à discuter avec Israël.

Économie ravagée

Au check point d’Hawwara en dehors de Naplouse, les longues files d’attente symbolisent la sinistre réalité quotidienne des Palestiniens. Des mères attendant avec leur bébé dans les bras et de vielles personnes appuyées sur leur canne tentent de discuter avec de jeunes soldats israéliens pour qu’ils les laissent passer sans devoir attendre des heures. Mais ils sont renvoyés en arrière. Le maire Yaish dit que le bouclage a fortement détérioré l’économie de ce qui était auparavant un lieu industriel florissant et une cité commerçante.

« Les gens avaient ici l’habitude de vendre dans toute la Cisjordanie, et des israéliens avaient même l’habitude de venir acheter ici », nous dit-il.

« A présent, bien évidemment, personne ne peut venir et si les gens veulent se procurer quelque chose à l’extérieur de Naplouse, c’est très difficile [...] Ils doivent attendre parfois de cinq à six heures et à d’autres moments deux ou trois jours, et ceci détruit réellement notre économie. » Le capitaine d’armée israélien Ishai David déclare que les contrôles doivent rester très contraignants : « Le check point Hawwara est un point de contrôle clé pour les terroristes [les résistants - N.d.T] essayant de passer des armes, et même des mortiers, à l’intérieur de la Cisjordanie, ou essayant d’attaquer des villes israéliennes ».

Il ajoute : « Pour que notre opération n’ait pas lieu, il faudrait que l’Autorité Palestinienne prenne cela en charge. C’est quelque chose qui n’a pas encore été fait jusqu’à aujourd’hui. Nous avons la responsabilité d’agir s’il y a un danger contre nos civils et il serait irresponsable de ne rien faire ».

Cycles de violence

D’ici quelques jours, le cessez-le-feu vis-à-vis d’Israël que les groupes de la Résistance Palestinienne avaient accepté au mois de mars dernier, arrivera à sa fin. Ce cessez-le-feu n’a jamais été tout à fait effectif. Les avions israéliens ont bombardé la Bande de Gaza la nuit de mardi, répondant, d’après eux, à des fusées palestiniennes. Et ce cycle sans fin de violence montre tous les signes d’une situation qui va empirer.

Dans les rues étroites et poussiéreuses du camp de réfugiés de Balata à Naplouse, chaque devanture de magasin et chaque mur affichent des portraits commémorant les combattants Palestiniens qui ont été assassinés ou capturés lors d’affrontements avec des soldats israéliens ; ils sont montrés tenant leurs armes avec fierté.

Les images des combattants Palestiniens constellent les murs du camp de réfugiés de Balata. Alors que j’étais en train de regarder le portrait d’un combattant des Brigades des Martyrs Al-Aqsa, sa mère s’est approchée de moi. Il a été condamné à 50 années de prison, me dit-elle. Et elle craint de ne plus jamais le revoir.

Il y a peu de travail à Naplouse, excepté comme combattants, et il ne manque pas de jeunes Palestiniens souhaitant prendre les armes. Et il n’y a aucun processus politique qui leur ferait croire qu’ils aient une seule raison de s’arrêter.

Les Brigades Al-Aqsa sont un des groupes militants, lié au Fatah mais opérant de façon indépendante. Nasr est un des responsables des Brigades à Naplouse. « Nous combattons les unités israéliennes chaque nuit. Les deux dernières semaines, ils sont venus chaque nuit, en particulier dans la vieille ville et dans les camps », nous dit-il. « Le cessez-le-feu ne sera pas renouvelé. Car les troupes israéliennes continuent de tout occuper. La semaine passée, par exemple, ils ont assassiné trois de nos amis ici à Naplouse ».

« Si vous voulez parler de l’évacuation de Gaza, c’est une plaisanterie. Les israéliens sont toujours ici. »

Le succès politique du Hamas d’aujourd’hui et la détermination des militants à combattre Israël n’est pas un problème uniquement pour Mahmoud Abbas. Le premier ministre israélien Ariel Sharon avait promis que le retrait [des colons et de l’armée] de Gaza, et que sa politique consistant à fixer unilatéralement des frontières apporteraient la sécurité à Israël.

Ce n’est de loin pas encore le cas et les électeurs décideront que faire de lui en mars prochain.

 

Dan Damon - BCC

30 décembre 2005 - Source : BBC
Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.miftah.org/Display.cfm?D...

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