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Suspension de l’aide financière au peuple palestinien

Position de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB)

 

Sanctionnés pour avoir “mal voté”…
Une décision irresponsable de l’Union Européenne

 25-04-2006

Au moment où nous nous apprêtions à rédiger cet éditorial pour dire tout le mal que nous pensions de la décision du Conseil des ministres de l’Union Européenne de suspendre l’aide financière au peuple palestinien, tombait l’annonce de l’attentat suicide de Tel-Aviv revendiqué par le Jihad islamique. Nous ne dirons jamais assez l’écœurement que nous inspirent les actes de terrorisme aveugle qui tuent sans le moindre discernement, ainsi que ceux qui les commanditent. Et même si nous comprenons les difficultés qu’éprouve le gouvernement Hamas à condamner un type d’attentat que, jusqu’il y a peu, son Mouvement n’hésitait pas à commanditer lui-même, on est en droit d’attendre de lui qu’il adopte désormais une attitude responsable en tant que représentant élu du peuple palestinien.

Mais l’apprentissage difficile de la gouvernance responsable par le Hamas, ne justifie en aucun cas, à posteriori, la décision, irresponsable elle, de l’UE de suspendre son aide financière au peuple palestinien deux semaines à peine après l’investiture de son nouveau gouvernement.

Dès l’annonce de sa victoire électorale, nous avons dit et écrit que le projet de société du Hamas était aux antipodes du nôtre. Mais il y a eu des élections, transparentes et démocratiques, et c’est le Hamas qui les a remportées. Nous le regrettons. Mais dans le même temps, nous ne regrettons pas la défaite du Fatah qui méritait cette leçon pour avoir abusé du pouvoir durant les longues années où il l’a exercé sans partage. La population palestinienne n’avait d’autre choix pour exprimer sa colère que de porter au pouvoir celle des deux grandes forces politiques en présence dont elle a pensé, à tort ou à raison, qu’elle était à même de ramener la sécurité dans les rues, de lui assurer un mieux être et de mieux tenir tête à l’arrogance israélienne.

Ce n’est pas le Hamas qui va souffrir de la décision de l’UE, c’est l’ensemble de la population palestinienne. Dans quel but ? Celui de la voir renverser le gouvernement qu’elle vient d’élire ? Ce serait se bercer d’illusions que de croire à un tel scénario...

Il est d’usage, lors de toute élection, de laisser une période de “grâce”, les fameux “100 jours”, au vainqueur. Or, le gouvernement d’Ismaïl Haniyeh n’a été investi que le 27 mars dernier. Et, dans son discours d’investiture, le nouveau premier ministre déclarait notamment : “Notre gouvernement sera prêt à dialoguer avec le quartette international des moyens de mettre fin au conflit et d’instaurer le calme dans la région. Il n’épargnera aucun effort pour parvenir à une paix juste dans la région qui mettra fin à l’occupation et restituera nos droits. Nous n’avons jamais été des partisans de la guerre, du terrorisme ou des effusions de sang, mais c’est l’occupation israélienne qui a exercé toutes les formes de terrorisme contre notre peuple en le chassant hors de sa patrie et en l’assiégeant et l’affamant. Nous croyons qu’il est nécessaire pour les Etats-Unis de réviser leur politique à l’égard du peuple palestinien et de faire preuve d’équité et de responsabilité en cessant de soutenir l’occupation et d’user d’une politique de deux poids deux mesures, afin que paix, stabilité et prospérité puissent s’instaurer dans la région. Le peuple palestinien a le droit de se défendre face à l’occupation, pour l’élimination des colonies et du mur de l’apartheid et de poursuivre la lutte pour la création d’un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem pour capitale. Nous rejetons les solutions partielles, les frontières temporaires, la politique des faits accomplis et tout projet portant atteinte à nos droits et intérêts comme le plan de séparation qui vise à transformer notre patrie en cantons isolés et rendre impossible la création d’un Etat viable. Le gouvernement abordera les accords signés par l’Autorité palestinienne avec un sens élevé de responsabilité nationale susceptible de servir les droits et intérêts de notre peuple. Le gouvernement abordera aussi les résolutions internationales liées à la cause palestinienne avec un sens de responsabilité”.

Par ailleurs, dans une interview accordée le 7 avril au Times de Londres et à Libération, Mahmoud Sahar, le nouveau ministre palestinien des Affaires étrangères, répondait ainsi à la question de savoir comment il se situait par rapport à l’exigence du Quartette de voir le Hamas s’engager dans une négociation sur la base de deux Etats : “Alors discutons de la signification d’une telle solution. Nous allons demander au Quartette sur quelles bases il envisage une solution impliquant deux Etats. Nous devons poser les vraies questions pour pouvoir ensuite les étudier au niveau du gouvernement, du président, du Conseil législatif et, après cela, nous devrons peut-être consulter notre peuple. Nous devons savoir si nous pouvons convaincre le peuple d’accepter ou de rejeter ces arguments. Nous n’avons donc pas de réponse définitive à ce jour. Attendons, discutons et évaluons”.

Et, plus loin, à la question de savoir pourquoi le Hamas était à ce point réticent à reconnaître Israël : “Parce que l’administration précédente a reconnu Israël dans ses frontières de 1967 et qu’est-il arrivé ? Les Israéliens ont annexé les alentours de Jérusalem, ils ont construit un mur honteux sur la base d’une discrimination raciale. Ils parlent de retrait unilatéral, de confisquer la vallée du Jourdain, ce qui entraînerait la division de la Cisjordanie en trois cantons et la mise en place de points de passage internationaux entre nos différents territoires. Quel est le sens d’une discussion ? De nombreuses questions appellent des réponses, pas seulement de la part du Quartette, mais aussi d’Israël. Aujourd’hui, l’Amérique et l’Europe nous posent une question théorique sur l’acceptation d’une solution fondée sur deux Etats. Mais nous voulons savoir quelles sont les fondations d’une véritable paix dans le cadre de deux Etats”.

Nous ne voyons nulle part, dans ces déclarations, apparaître une réthorique guerrière de reconquête. Nous y voyons au contraire un véritable appel du pied au Quartette, ainsi d’ailleurs qu’à Israël, à s’asseoir et à discuter, et une volonté manifeste de se conduire en gestionnaire politique responsable. L’Union européenne aurait agi elle aussi en entité politique responsable si elle avait laissé au Hamas le temps de prouver qu’il était décidé à mettre ses actes en concordance avec son nouveau discours.

Mais le scénario était déjà écrit depuis bien longtemps. Le peuple palestinien n’avait-il pas été dûment “averti” qu’en cas de victoire du Hamas, la “Communauté Internationale” considérerait qu’il n’ “y a plus de partenaire” avec lequel négocier, oubliant ainsi qu’elle avait applaudi sans réserves au désengagement unilatéral de Gaza auquel Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité Palestinienne, ne demandait pourtant qu’à être associé, ce qui aurait peut-être modifié du tout au tout le résultat des élections palestiniennes du 25 janvier. Tout se déroule donc aujourd’hui comme si l’on voulait punir le peuple palestinien d’avoir eu l’outrecuidance de faire fi de ces “avertissements” et d’avoir exercé son libre-arbitre électoral.

Jusqu’à présent nous dénoncions la politique d’équidistance pratiquée par l’Union Européenne, ainsi, d’ailleurs, que par notre gouvernement, dans le conflit israélo-palestinien. Nous estimons en effet qu’il ne peut y avoir de commune mesure entre une force occupante et un peuple occupé.

Aujourd’hui, un nouveau pas est franchi, celui qui conduit, sans plus se dissimuler derrière des faux-fuyants, à une politique de deux poids deux mesures.

Le parti Kadima, vainqueur des élections israéliennes, a en effet ouvertement fait campagne sur la base du plan Olmert de “désengagement unilatéral”. Un plan que l’on peut aussi bien traduire par “plan unilatéral d’annexion” d’une importante partie de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Et ce programme électoral a reçu l’aval d’une large frange de l’électorat israélien.

Nous n’avons pas entendu la moindre voix européenne s’élever contre ce plan qui contrevient pourtant à toutes les règles du droit international. Pas plus, évidemment, que la moindre menace de sanctions à l’égard d’Israël si ce plan était mis à exécution.

Rappelons aussi, si besoin en était, que le sang de chaque enfant, de chaque femme, de chaque homme, qu’ils soient Juifs ou Palestiniens, est de la même couleur… Or, si nous avons pu lire les réactions légitimement indignées des diverses Chancelleries européennes à la suite de l’attentat de Tel-Aviv, nous n’avons par contre entendu qu’un silence assourdissant à la suite de la mort de dix-neuf Palestiniens, dont des enfants, tombés au cours des deux dernières semaines sous les coups de l’armée israélienne. Deux poids, deux mesures… Encore et toujours…

Nous joignons notre voix à celle d’autres Organisations et Mouvements, européens et israéliens, engagés en faveur d’une paix juste au Proche-Orient pour demander à l’Union Européenne de revenir sans tarder sur une décision qui non seulement aura pour effet d’affamer la population palestinienne, mais aussi de la radicaliser, qu’elle soit ou non sympathisante du Hamas.

Le Conseil d’Administration de l’UPJB

Points Critiques, le Mensuel de l'Union des Progressistes Juifs de Belgique - N° de mai 2006

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