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Mauvaise foi et bonne conscience

Par Rudolf Bkouche

 Quoi de mieux qu'une bonne dose de mauvaise foi pour se donner bonne conscience. C'est que peut l'on peut retenir de l'exercice de mauvaise foi auquel s'est livré Madame Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne en charge des relations extérieures et de la politique européenne de voisinage (sic) dans Le Monde du mardi 9 mai sous le titre "Palestine : l'Europe reste engagée". Ainsi une responsable de l'Union Européenne a besoin de justifier la scandaleuse décision européenne de couper les vivres à l'Autorité Palestinienne en expliquant avec la meilleure mauvaise foi qu'il n'est pas question de suspendre l'aide au peuple palestinien, seulement de couper les vivres à un gouvernement de l'Autorité Palestinienne issu d'élections dont tous reconnaissent qu'elles furent démocratiques, oubliant de dire que ce gouvernement n'est le gouvernement d'aucun Etat, qu'il est d'abord un lieu de résistance à une occupation qui n'en finit pas, et que cette élection démocratique exprime d'abord la volonté de résistance des Palestiniens.

Écrire : "nous respectons le verdict des urnes, mais nous ne pouvons pas appuyer un gouvernement qui refuse les fondements mêmes du processus de paix" relève de l'imposture intellectuelle. De quel processus de paix s'agit-il ? En quoi le vote palestinien a-t-il mis fin à un processus de paix qui n'existe pas, s'il a jamais existé ? Lorsque l'auteur ajoute : "Lorsque les membres du Quartet demandent l'arrêt des violences, la reconnaissance du droit d'Israël à exister et l'acceptation des accords existants, ils ne font que demander au nouveau gouvernement d'adhérer à ce processus de paix et de tirer toutes les conséquences de sa décision de se présenter aux élections", on reste pantois devant tant de mauvaise foi.

 Ce discours pourrait être acceptable, sinon accepté, si les responsables de l'Union Européenne avaient pris une position analogue par rapport à Israël, car, à ce jour, Israël n'a pas reconnu le droit d'existence d'un Etat de Palestine, n'a pas mis fin à l'occupation et aux violences qui en découlent, et son gouvernement ne semble pas être lié par des accords existants ou un processus de paix. Mais l'Union Européenne refuse toute sanction contre l'Etat d'Israël, laisse l'occupation continuer, le Mur annoncer la nouvelle frontière de l'Etat d'Israël, alors qu'aucun processus de paix n'est en vue et que la colonisation continue.

 Madame Benita Ferrero-Waldner semble avoir oublié que le Conseil National Palestinien a reconnu en 1988 le principe de l'existence de deux Etats, l'israélien et le palestinien, que Yasser Arafat a reconnu l'existence de l'Etat d'Israël, lors de l'échange de lettre qu'il a eu avec Rabin avant la grande cérémonie de Washington de signature des Accords d'Oslo, alors que Rabin se contentait de reconnaître l'OLP comme interlocuteur. Madame Benita Ferrero-Waldner pourrait alors poser la question : quels sont les bénéfices de cette reconnaissance pour les Palestiniens ? et prendre acte que cette reconnaissance n'a rien apporté aux Palestiniens toujours soumis à l'occupation israélienne et à une colonisation grandissante.

Que pouvait dire Mahmoud Abbas sur ce que les divers accords, processus et autres leurres mis en place avaient apporté aux Palestiniens ? RIEN.

 Et c'est devant ce rien que les Palestiniens ont choisi d'exprimer leur volonté de résistance en donnant la majorité au HAMAS. Mais Madame Benita Ferrero-Waldner, comme ses collègues des divers instances européennes, ne veulent rien comprendre. Les Palestiniens n'ont qu'à se soumettre à ce bon élève de l'Occident que constitue l'Etat d'Israël, à cette "seule démocratie du Moyen-Orient" qui pratique une politique d'occupation et de colonisation contre le peuple qu'elle a expulsé de sa terre il y a près de soixante ans et qui considère ses citoyens non juifs comme des citoyens de seconde zone.

Après avoir laissé se développer l'antisémitisme européen et laissé faire le massacre du milieu du siècle dernier, l'Europe reconnaît que les Juifs sont une partie d'elle-même et qu'ils peuvent continuer sa politique coloniale dans ce bastion de l'Occident que constitue aujourd'hui l'Etat d'Israël. Du projet de Herzl il ne sera resté que le bastion avancé contre la barbarie asiatique. L'Europe peut être satisfaite.

La décision européenne de couper les vivres à l'Autorité Palestinienne peut alors être considérée à la fois comme l'une des dernières grandes manifestations de l'antisémitisme européen et comme un crime envers les Palestiniens à qui elle continue de faire payer les crimes européens du siècle dernier.

 Que l'Union Européenne ait au moins le courage, lorsqu'elle sanctionne les Palestiniens, de le dire au lieu de développer quelques arguties de mauvais goût destinées à masquer son soutien à Israël.

             Rudolf Bkouche,

             membre du Bureau National de l'Union Juive Française pour la Paix.

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