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En Palestine, dialogue national sur fond de tension alimentée par l’occupation
publié le samedi 27 mai 2006

http://www.france-palestine.org/article3821.html

C. Léostic

 Le gouvernement palestinien enlève ses troupes des rues de Gaza alors qu’une conférence de dialogue national tente de régler les problèmes internes entre le Fatah et le Hamas.

Depuis plusieurs jours, des heurts éclatent sporadiquement entre la nouvelle force de police installée à Gaza par le premier ministre Haniyeh et les policiers qui dépendent de la présidence palestinienne.

Ces accrochages sont le signe d’une lutte politique pour la direction de l’Autorité nationale palestinienne (ANP), signe aussi des tensions énormes induites par des décennies d’occupation.

Ils sont aussi révélateurs de deux approches politiques différentes. Le président Abbas tentant contre vents et marées de renouer des contacts avec les dirigeants israéliens pour relancer des négociations vient de rencontrer leur ministre des Affaires étrangères en Egypte. Le gouvernement fait au contraire l’analyse qu’il ne sera possible de négocier avec Israël que quand celui-ci aura enfin reconnu les droits nationaux du peuple palestinien et mis fin à l’occupation.

Cependant le Hamas qui a longtemps refusé de reconnaître la légitimité de l’Etat d’Israël a modifié sa position et le Cheikh Ahmed Yacine le déclarait déjà à la veille de l’ assassinat ciblé qui a fait taire sa voix. Et, si la direction en exil du Hamas reste officiellement opposée à toute "reconnaissance" d’Israël, le fait même que le Hamas soit, en Palestine occupée, entré dans le processus électoral et la lutte politique est révélateur de l’inflexion de son analyse.

D’ailleurs, les déclarations faites depuis l’élection de janvier par sa direction en Palestine ouvrent la porte à l’acceptation de la réalité israélienne.

Cependant il n’est pour le moment pas question pour eux de reconnaître les accords passés par la précédente direction palestinienne qui impliquent, avec la création de l’Etat palestinien sur les frontières de 67, la reconnaissance formelle d’Israël. C’est pourtant l’acte politique qu’exige le président Abbas, et qu’il a décidé de soumettre à un référendum populaire si le gouvernement ne le suit pas dans cette voie.

Un plan, élaboré notamment par des dirigeants palestiniens - du Fatah et du Hamas- emprisonnés par Israël, appelle à une solution pour la paix à condition qu’Israël se retire de tous les territoires occupés à partir de la guerre de 67, y compris Jérusalem est.

Anwar Zboun un dirigeant du Hamas élu au Conseil Législatif a déclaré à l’agence de presse palestinienne Imemc que "cette proposition n’est pas nouvelle. Elle a été suggérée dès 1997 par le Cheikh Ahmed Yacine qui a proposé ce compromis à l’occupant israélien. Il leur a dit ’nous pouvons arriver à une trêve de longue durée sous certaines conditions : retrait sur les frontières de 67, libération de tous les prisonniers palestiniens, arrêt des assassinats et reconnaissance du droit au retour des réfugiés. Maintenant la balle est dans le camp des Israéliens’. La partie israélienne devrait commencer à faire ces premiers pas avant qu’on reconnaisse Israël ou qu’on parle de paix globale dans la région."

Des craintes récentes de dérapage armé réel ont amené les dirigeants des deux parties à régler par la discussion les différends qui les séparent [1] et une conférence de dialogue national s’est tenue jeudi à Ramallah, avec les autres groupes et partis politiques palestiniens. Le président Abbas donne 10 jours aux forces politiques pour trouver une solution.

Depuis, sur ordre du Ministre de l’Intérieur et afin de réduire les tensions avec le Fatah, les troupes gouvernementales ont depuis quitté les rues de Gaza qu’elles patrouillaient depuis la semaine dernière. Elles devraient être intégrées dans les forces de police régulières.

La "guerre civile proche" mise en avant depuis des jours par les médias - eux qui omettent de mentionner les morts et destructions quotidiens infligés par l’occupant en Palestine-, si elle devait se produire, serait certes une victoire pour l’occupant qui a tout fait pour y amener [2].

Réduire un territoire en ghettos invivables et misérables, humilier un peuple tous les jours et lui enlever toute perspective politique hormis la soumission ne peut qu’exacerber les frustrations et la violence.

Surtout quand les dirigeants n’ont rien à offrir pour y mettre fin puisqu’ils n’obtiennent rien de l’occupant. Ainsi le président Abbas, qui a obtenu de 13 groupes palestiniens une trêve dans la résistance armée il y a plus d’un an, attendait des Israéliens en contrepartie qu’ils libèrent des prisonniers, mettent fin à leur politique systématique d’assassinats ciblés, que leurs chars quittent la terre palestinienne. Il n’en a rien été, au contraire.

Aussi il n’est en rien surprenant que le peuple, épuisé, exaspéré, mais également - contrairement à ce que voulait l’occupant qui entend le mettre à genoux- déterminé à poursuivre la résistance à l’occupation, se tourne vers d’autres représentants, exacerbant ainsi les tensions entre les partis anciennement et nouvellement au pouvoir.

Tout comme la délégitimation des dirigeants palestiniens élus, le président Arafat d’abord (le "chef des terroristes" !) puis le président Abbas ("il est trop faible pour parler au nom des palestiniens" vient d’oser dire Olmert) et le gouvernement actuel ("on ne parle pas avec l’ANP si le Hamas en fait partie" rabachent les dirigeants des Etats unis), mettre en avant et alimenter les tensions entre des groupes palestiniens n’a qu’un but : présenter les Palestiniens comme incapables de s’entendre, de gérer leurs affaires sans parler d’un état, et donc de les délégitimer comme partenaires et ainsi justifier l’occupation coloniale qu’Israël poursuit sans relâche en Palestine.

[1] à chaque fois qu’il y a eu des heurts entre groupes armés dans les années passées, les directions respectives ont toujours trouvé le chemin de la discussion et il n’y a jamais eu de dérapage à ce jour. Ainsi le dirigeant des Brigades des Martyrs d’al-Aqqsa à Jénine vient-il de déclarer que "les armes palestiniennes ne doivent PAS se tourner contre les ’frères’ du Hamas"

[2] les déclarations faites hier en Israël que les autorités d’occupation autorisaient le président Abbas à acquérir des armes légères pour armer ses policiers, sous contrôle israélien, va évidemment dans ce sens. "Il s’agit de plusieurs centaines d’armes qui proviendront de pays étrangers, et qui seront transférées sous notre contrôle étroit. Nous saurons exactement à qui et où elles seront livrées", a indiqué le ministère de la Défense à Tel-Aviv. Rien de mieux pour alimenter les divisions. Mais "diviser pour régner" n’est pas une pratique politique nouvelle !

Claude Léostic, Afps, 27 mai 2006

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