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Article paru dans l'édition du 04 août 2006

La paix est toujours possible

Nos collectivités locales ont un rôle à jouer pour promouvoir la rencontre et le dialogue entre Palestiniens et Israéliens.
La détérioration de la situation sur le terrain ne doit pas freiner la mobilisation des villes de l'Union européenne

Nos villes, deux villes européennes - Barcelone et Dunkerque - sont jumelées depuis plusieurs années avec la ville de Gaza. Durant plus de dix ans, nous avons ainsi tissé avec cette ville, avec ses responsables politiques, ses acteurs locaux, ses habitants, des relations étroites et fraternelles. Dans une même démarche de soutien à la réconciliation, nous avons établi, parallèlement, des relations tout aussi amicales avec des villes israéliennes - comme Haïfa pour Dunkerque et Tel-Aviv dans le cas de Barcelone.

Nous pouvons aujourd'hui témoigner de l'existence, d'un côté comme de l'autre, d'un camp de la bonne volonté, du respect, de l'acceptation de l'autre. D'un camp ouvert au partage, à la coexistence, aux droits égaux à la paix, à la sécurité et au développement. Ce camp-là, nous l'avons rencontré en Palestine et en Israël, et au premier chef, chez la plupart de nos collègues et amis de la ville de Gaza.

Or dans la spirale de violence à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui, c'est ce camp que l'on s'acharne à détruire. Dans la douleur, dans les larmes et le sang.

Devant un tel désastre, devant de telles souffrances, nous voulons réaffirmer ici notre solidarité vis-à-vis de notre partenaire palestinien, notre amitié envers nos partenaires israéliens, ainsi que notre foi en la paix. Paix dans l'espace euro méditerranéen. Paix dans nos villes, de chaque côté de la Méditerranée.

Nous nous faisons aujourd'hui les porte-parole des collectivités européennes qui, depuis plusieurs années - notamment à travers le réseau des Collectivités européennes pour la paix au Proche-Orient (Coeppo) -, se sont organisées pour contribuer, à leur niveau, au rétablissement du processus de paix. C'est ce message de collectivités européennes - belges, espagnoles, italiennes et françaises -, très conscientes des responsabilités européennes dans la situation actuelle, que nous voulons délivrer.

Malgré les difficultés, incommensurables aujourd'hui, une politique de paix au Proche-Orient demeure possible. Celle-ci passe par le refus de la guerre, du terrorisme et de la violence et de l'occupation ; par le respect des principes de légalité, du droit international et des droits humains ; par la reconnaissance mutuelle des deux peuples - israélien et palestinien - et de leur droit à jouir d'une même dignité et des mêmes droits. De même qu'aucune menace de destruction ne saurait être proférée à l'égard de l'Etat d'Israël, nul ne peut nier le droit des Palestiniens à un Etat indépendant. Les deux peuples disposent du même droit de vivre en paix et en sécurité, dans un Etat souverain aux frontières reconnues.

L'occasion perdue de résoudre ce long conflit, ainsi que la conclusion tragique du processus de paix - initié par les accords d'Oslo - qui en a découlé, ont conduit à une grave paralysie politique et à une détérioration de la situation sur le terrain. Celle-ci risque aujourd'hui de précipiter l'ensemble de la région dans le chaos et dans un nouveau bain de sang. Il est à la fois du devoir et de l'intérêt de l'Europe, des Nations unies et de la communauté internationale, d'éviter qu'un tel scénario ne se réalise.

Si la reconnaissance de l'Etat d'Israël demeure une condition sine qua non du règlement de la paix, la poursuite de l'isolement international du gouvernement palestinien, issu d'élections libres et démocratiques, ainsi que le gel des financements à destination de la Palestine, risquent de provoquer l'écroulement de l'Autorité nationale palestinienne, préfiguration d'un Etat palestinien démocratique et indépendant, coexistant aux côtés de l'Etat d'Israël. Aujourd'hui, les interventions à caractère humanitaire sont de fait insuffisantes pour éviter une aggravation de la situation. Des actes concrets sont aujourd'hui nécessaires afin de faire renaître l'espoir et restaurer la confiance dans une région ravagée par l'occupation, le terrorisme et les souffrances. Une politique de long terme s'impose pour renforcer le choix fait par le peuple palestinien - et demandé par la communauté internationale - de la voie démocratique, ainsi que son engagement dans la construction d'institutions locales et nationales démocratiques.

Pour cette raison, l'Europe et la communauté des bailleurs de fonds doivent reprendre leurs financements à destination de l'Autorité nationale palestinienne et investir dans le renforcement de la société civile et de ses organisations, ainsi que des municipalités.

Plus que jamais, il est nécessaire que les Etats membres, l'Union européenne et les institutions internationales reconnaissent aujourd'hui, par des programmes et des ressources financières adaptées, le rôle fondamental joué par les collectivités européennes pour la paix au Proche-Orient à travers leurs programmes de solidarité et de coopération décentralisée, leurs projets de promotion du dialogue et de compréhension entre les peuples, de sensibilisation et de mobilisation de l'opinion publique.

Il faut dès maintenant :

- promouvoir la rencontre, le dialogue et la coopération entre les pouvoirs locaux palestiniens et les pouvoirs locaux israéliens, cela pour restaurer la confiance et instaurer de nouvelles relations, basées sur la reconnaissance réciproque, le refus de la violence, le respect des droits humains, de la démocratie et du droit international ;

- poursuivre les projets de coopération décentralisée afin de soutenir les administrations locales et les collectivités palestiniennes, et ce, afin de faire face à la situation d'urgence, diminuer les souffrances et restaurer la dignité des personnes dans leur vie quotidienne ;

- promouvoir la rencontre et la coopération entre autorités locales palestiniennes et israéliennes et leurs associations, telles que celles organisées sous l'égide du programme « Municipal Alliance for Peace » (MAP), coanimé par l'Association des municipalités néerlandaises.

Nous invitons enfin l'ensemble des collectivités européennes à rejoindre notre réseau afin de travailler à la construction concrète de la paix au Proche-Orient, et ce au travers de programmes de jumelages, de projets de coopération bilatérale et trilatérale et d'activités de sensibilisation et de pression politique.

Michel Delebarre, Président de la Communauté urbaine de Dunkerque

Joan Clos, Maire de Barcelone

 

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