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Le Phare dunkerquois - 7 décembre 2006

Témoignage d'un médecin urgentiste de retour de Palestine

L'Union européenne entretient la violence

Le RCDP et Dunkerque-Gaza ont invité un médecin urgentiste à témoigner de la situation au Proche-Orient. Une image terrible d'abandon, de souffrance

Suite aux derniers événements en Palestine, « nous avons souhaité monter une manifestation. A la réflexion, alors que Régis Garrigue rentrait d'une mission en Palestine, nous avons préféré la forme d'un témoignage, lance Claude Nicolet, président du Réseau de coopération décentralisée pour la Palestine. Il apporte le témoignage d'un médecin urgentiste. » Philippe Nouveau est lui le président de l'association franco-palestinienne Dunkerque-Gaza. Il est amer : « il se trouve qu'une des maisons détruites est celle d'un ami qui avait mis en place des relations avec l'université de la Côte d'Opale. Il a perdu sa famille. Nous avons pas mal d'amis là-bas et nous sommes sensibles à ce qu'il s'y passe. Comme nous avons été sensibles à la catastrophe subie par la ville israélienne de Haïfa à cause du Hezbollah. » La Communauté Urbaine de Dunkerque a d'ailleurs voté dernièrement deux subventions exceptionnelles de 25 000 euros pour Gaza et Haïfa. Depuis le 25 juin, triste date de la mort d'un soldat israélien, la situation empire dramatiquement : « Depuis quatre mois, 400 Palestiniens ont été tués et plusieurs milliers blessés, dénonce Claude Nicolet. Cela prend des proportions colossales. Malgré une situation politique difficile, les collectivités s'intéressent encore et veulent aider. J'ai lancé cet été un fonds d'urgence. Là, j'ai collecté plus de 150 000 euros et j'attends des délibérations d'autres collectivités territoriales. »

Régis Garrigue est urgentiste au Samu de Lille. Depuis six ans, il conduit des missions pour Médecins du Monde à Gaza, Naplouse ou encore Ramallah. Il en est à 29... Il y a dix jours, il est revenu d'une nouvelle semaine de terrain, à Naplouse, mais cette fois pour une association, une organisation non gouvernementale, du nom symbolique de Help : « Nous avons créé cette ONG cet été pour être plus réactif face aux demandes urgentes des Palestiniens, souffle l'urgentiste. J'ai reçu des demandes d'aides catastrophiques car les hôpitaux et les pharmacies sont fermés à 90 depuis plusieurs semaines à cause d'une grève. »

Une population « punie »

Avec la décision de l'Union Européenne de ne plus envoyer d'aides financières, quasiment plus aucun fonctionnaire ne reçoit sa paye depuis plusieurs mois. « La réactivité des grands groupes humanitaires n'est plus suffisante, c'est pour cela que nous avons créé Help, poursuit Régis Garrigue. Je viens de vivre une semaine chez l'habitant, loin des structures d'aides, et on voit bien que les populations basculent dans l’exclusion. La majorité des personnes atteintes de maladies chroniques ne se soignent plus. L'été dernier 30% des gens était passé de 3 à 1 repas par jour. En 2006, sur un territoire où il y a plein de structures humanitaires, personne n'apporte une aide réelle et concrète : soit à manger et des médicaments. » Le médecin déroule les chiffres, tous aussi éloquent ; 60% des Palestiniens vivent avec moins de 2 euros par jour ! « Nous sommes dans une situation dramatique avec une responsabilité politique majeure de l'Union  Européenne, condamne-t-il. Avec l'arrêt de l'aide, c'est une punition contre la population et non contre le Hamas ou le Fatah. »

Pas de solution ? En fait, Régis Garrigue garde encore espoir dans la coopération de ville à ville : « c'est bien la seule chose qui dure là-bas... les micros actions de coopérations de collectivités territoriales, reprend-il. En Palestine, au nom de la lutte contre le terrorisme, on crée des ghettos humanitaires, mais le pire, c'est que cette pauvreté extrême remplie les bureaux de recrutement des intégristes islamistes. Aujourd'hui, la violence est auto entretenue par l'Union Européenne. On ne vend pas son âme au diable quand on veut créer une dialyse pédiatrique à Naplouse ! Enfin, moi, je n'ai pas l'impression d'aider les terroristes. »

Une solution, l'aide des villes

Sur le terrain en attendant, l'insécurité progresse au point de faire peu à peu de Gaza le secteur le moins sûr du monde. « Ce qui est rageant, s'exclame Philippe Nouveau, c'est que ces dernières années on avait l'impression que la paix est possible ! » « Nous étions sur des projets de développements, relève le médecin, et aujourd'hui ça devient de l'aide humanitaire basique. Ça ne devrait pas exister car les Palestiniens avaient à manger et un des meilleurs niveaux de santé du Proche-Orient »

Ainsi, le RCDP, Help, Dunkerque-Gaza reviennent aux fondamentaux avec des partenaires essentiels comme la communauté urbaine pour apporter les réponses de première nécessité sur le terrain.

Daniel BOULOGNE


RCDP : Réseau de Coopération Décentralisée avec la Palestine.

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