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Liberté-hebdo du 15 au 21 décembre 2006

 

 

Hind Khoury :

« Les Palestiniens veulent la paix »

La déléguée de la Palestine en France a participé dernièrement à une journée de rencontres à Lille.

La salle des Célestines dans le Vieux Lille s'est rapidement révélée être bien étroite. Clôturant une journée de rencontres avec la communauté palestinienne de Lille, des étudiants, des élus, des syndicalistes, le meeting avec Hind Khoury, la représentante de la Palestine en France, a connu un franc succès. De quoi satisfaire des militants qui, à la veille de l'initiative, regrettaient que le niveau de mobilisation populaire en faveur du peuple palestinien ne soit plus celui que l'on connaissait il y a quelques années. Et de quoi, surtout, mettre du baume au cœur à cette responsable politique qui, au-delà d'être la porte-parole des autorités de son pays, se présente essentiellement comme une ambassadrice de la paix. À plusieurs reprises, elle insistera : « les Palestiniens veulent la paix ».

En Cisjordanie, 66 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Le propos prend une résonance particulière quand sont décrites les conditions de vie, ou plutôt de survie, particulièrement intolérables subies sur place par les populations. « C'est chaque jour la régression. Tous nos droits sont violés. Nous sommes assiégés, appauvris ». Et Hind Khoury d'insister : « II faut le vivre pour s'en rendre compte. Il faut vivre les contrôles multiples aux check-points. Ne pas savoir si l’on pourra visiter un parent ou se rendre à l'hôpital ». Les bombardements de l'été dernier à Gaza sont encore dans-les mémoires. Des morts et des blessés, y compris des femmes et des enfants rappelle Hind Khoury qui dénonce encore l'usage de « bombes à fragmentation ». « A Gaza, toutes les routes ont été détruites, ainsi que les infrastructures d'alimentation d'eau, d'électricité, de téléphone... Le port, les aéroports, les écoles ont été bombardés. En Cisjordanie, 66 % de la population vit sous le seuil de pauvreté».

Le mur : une blessure profonde

Pourtant, précise Hind Khoury, « ce n'est pas un problème humanitaire auquel nous sommes confrontés. Ce qui provoque la pauvret et le chômage sont des raisons politiques ». Selon la responsable palestinienne, ces raisons sont à rechercher dans un choix stratégique et idéologique d'Israël. «Israël cherche toujours à prendre la terre et à se débarrasser de la Palestine » affirme-t-elle. « Il nie le peuple palestinien et ses droits ». Ainsi, « 10.000 personnes sont détenues pour des raisons politiques. Un millier le sont illégalement. N'oubliions pas non plus que des élus du peuple ont été arrêtés et sont emprisonnés».

La construction du mur constitue une véritable fuite en avant dans une logique de séparation voulue irréversible entre les deux peuples. « Le mur est en face de ma maison » indique Hind Khoury. « Il est une blessure profonde dans bien des quartiers palestiniens. L'objectif est de prendre des terres aux Palestiniens et de les enfermer dans un ghetto, Israël exproprie les sources d'eau, les terres agricoles les plus fertiles. Il n'a pas la volonté de faire la paix ». Plus généralement, c'est .parce qu'il est « le plus fort » et qu'il nie les droits du « plus faible» qu'Israël doit est condamné par la communauté internationale.

Or, déplore Hind Khoury, « Israël viole le droit international en toute impunité. Il se fiche du monde entier. Pourtant, la paix est possible si Israël décide d'en finir avec l'occupation. En 2002, les pays arabes proposaient la paix contre un retrait total des territoires occupés. Il faut des négociations bilatérales. La paix ne peut pas être imposée. Nous ne renoncerons pas à nos droits historiques. Nous ayons déjà reconnu Israël en 1988, comme nous nons accepté de vivre dans 22 % de la Palestine historique. Dans le document dit "des prisonniers" (1), le Hamas reconnaît implicitement l'existence d'un État palestinien. Mahmoud Abbas n’est pas reconnu comme un partenaire de paix, alors qu'il a été élu par 62 % des élections. Aucune chance ne lui a été donnée ».

Hind Khoury insiste : « II faut arrêter cette violence. Israël ne peut pas dire à la fois "nous voulons la paix" et prendre nos terres, construire le mur, fermer les frontières... Il faut négocier sur la base de la reconnaissance d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967, du retour des réfugiés, de la destruction du mur ».

La voix de la France

La déléguée générale de la Palestine en France en appelle enfin aux autorités de notre pays. « La France est une des rares voix qui s'exprime à partir des libertés des peuples et du droit international. Elle est capable d'un travail diplomatique créatif et rigoureux au sein de l'ONU et de l'Union européenne ».

« II faut remettre l'homme au centre du processus de paix » conclut Hind Khoury. « La question palestinienne ne concerne pas seulement les Palestiniens, Mais elle pose aussi celle du respect du droit, de la tolérance, du dialogue. C'est pour cela que C'est une cause très morale ».

Bruno CADEZ

(1) Le Document des prisonniers est une proposition rédigée en 2006 par des militants palestiniens détenus dans des prisons israéliennes, notamment Marwan Barghouti (Fatah). Cinq militants affiliés au Fatah, au Hamas, au FPLP, au Jihad islamique palestinien et au FDLP, ont pris part à la rédaction de ce document articulé en 18 points. Il appelle à la création d'un État palestinien en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. La version initiale du document a donné lieu à des interprétations selon lesquelles l'adoption du texte entraînerait implicitement la reconnaissance du droit à l'existence de l'État d'Israël.

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