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ISRAËL : DANS LES QUARTIERS ARABES DE LA VILLE SAINTE

La mairie de Jérusalem accélère les destructions de maisons palestiniennes « illégales »

Article paru dans l'édition du 31.12.06

Jérusalem - Correspondance

Pendant un an, Ahmed Dari n'a pas commencé une seule journée sans jeter d'abord un coup d'oeil inquiet par la fenêtre de sa cuisine. Chaque matin sans exception, cet ancien chauffeur de bus qui habite Issawiya, un quartier arabe de Jérusalem, a inspecté les abords de sa maison avec l'angoisse d'y trouver un soldat ou un policier. Lundi 4 décembre, quelques minutes après 8 heures, ce qu'il redoutait est finalement arrivé. Une ambulance, deux bulldozers et une dizaine de jeeps blindées se sont garés sous son nez.

 

« Le chef a présenté l'ordre de démolition pour défaut de permis de construire que j'avais reçu quelques mois plus tôt, raconte Ahmed, âgé de 49 ans. Puis il m'a donné une demi-heure pour rassembler mes affaires et débarrasser le plancher avec ma femme et mes six enfants. » Le délai a été respecté à la lettre. A 9 heures, le pilon du bulldozer a perforé le toit des Dari et, deux heures plus tard, la maisonnette de briques n'était plus qu'un amas de gravats et de tiges de fer tordues.

En décembre, cette scène s'est répétée presque tous les jours dans les quartiers arabes de la ville sainte. Cette dernière semaine, neuf maisons ont été rasées à Issawiya, Ras Al-Amoud, Sour Baher ou Jabal Moukaber. Ce chiffre représente plus de 10 % des 82 structures détruites depuis le début de l'année à Jérusalem-Est, en majorité des maisons. « Les inspecteurs municipaux accélèrent le rythme des démolitions pour être sûrs d'avoir dépensé, d'ici à la fin de l'année, la totalité du budget qui leur a été accordé », dit Meïr Margalit, coordinateur du Comité israélien contre les démolitions de maisons (Icahd). Le choix, à vrai dire, ne manque pas : selon la mairie, 40 % des constructions, à Jérusalem-Est, sont illégales, ce qui représente environ 15 000 bâtiments. Ce phénomène s'explique par la quasi-impossibilité d'obtenir un permis de construire pour les résidents palestiniens de la Ville sainte.

« MENACE » DÉMOGRAPHIQUE

La planification qui favorise les colons, la confiscation de milliers d'hectares sous le label de « zones vertes », les procédures peu adaptées aux titres de propriété hérités de la période jordanienne et le coût prohibitif de toutes ces démarches obligent les Palestiniens, qui se refusent à quitter Jérusalem, à bâtir sans autorisation. « Tous les prétextes sont bons pour limiter au minimum le développement des zones arabes, dit l'anthropologue Jeff Halper, président d'Icahd. L'objectif officiel de la mairie est de maintenir une majorité juive d'environ 70 % dans la ville. Le problème, c'est que les Palestiniens, qui étaient 28 % en 1967, lorsque la partie est de Jérusalem a été occupée, constituent désormais 35 % de la population totale. »

Les études par fourchette d'âge sont encore plus éloquentes. Elles montrent, par exemple, que 42 % des Hiérosolymitains âgés de moins de 10 ans sont arabes. « La mairie connaît ces statistiques par coeur, dit Meïr Margalit. Elle est terrorisée à l'idée qu'un beau jour, Sari Nusseibeh [l'ancien représentant officieux de l'Autorité palestinienne à Jérusalem] devienne maire de la ville. »

Pour désamorcer la « menace » démographique qui pèse sur ce qu'il considère comme sa « capitale éternelle et indivisible », Israël use de nombreuses tactiques, dont la démolition de maisons. Au début des années 2000, le budget alloué à cette activité est passé de 2,5 millions à 4 millions de shekels (720 000 euros). Avec l'ultra-orthodoxe Uri Lupolianski, élu maire en 2003, en remplacement d'Ehoud Olmert, le total annuel de structures détruites a été multiplié par deux puis par trois : de 43 en 2002 à 99 en 2003 et 152 en 2004. En 2005, le total est redescendu à 94, mais en termes de superficie démolie, l'accroissement s'est poursuivi.

Les inspecteurs municipaux n'hésitent pas à s'attaquer à des immeubles de cinq, six et même sept étages tout en fermant les yeux sur les infractions similaires commises par des habitants juifs. Des documents municipaux obtenus par l'Icahd montrent en effet qu'en 2005, sur les 5 600 structures illégales localisées à l'ouest, seules 26 ont fait l'objet d'une démolition administrative. Et dans la plupart de ces cas, précise Meïr Margalit, « il ne s'agissait pas de maisons entières comme à l'est, mais d'un simple porche, d'un cabanon ou d'un balcon ».

Benjamin Barthe

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