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 J’ai honte d’être Palestinien

par Abdelbârî ATWAN,
rédacteur en chef du quotidien londonien al-Quds al-Arabi,
24 janvier 2007

Texte arabe traduit par Aziz HILAL
pour
Al-Oufok Site du Mouvement Démocratique Arabe

Compte tenu des événements douloureux que vivent les Palestiniens dans les territoires occupés, il me paraît plus logique et plus sage de donner la parole aux Palestiniens eux-mêmes, surtout à ceux qui dénoncent l’affrontement suicidaire que mènent depuis peu le Hamas et le Fatah.

C’est dans ce cadre que j’ai traduit l’éditorial de Abdelbârî ATWAN, rédacteur en chef du quotidien londonien al-Quds al-Arabi, du 24 janvier 2007. Son titre, "J’ai honte d’être Palestinien", peut choquer plus d’un. Mais venant d’un grand militant palestinien, il montre à quel point la situation de ce peuple est plus critique que jamais, pris qu’il est entre le marteau et l’enclume.

Le traducteur Aziz HILAL

http://www.aloufok.net:80/article.php3?id_article=3646

 

Il semble que le fond où sombrent les Palestiniens dans les territoires se transforme en un abîme. Chaque jour apporte son lot de nouveaux rebondissements à ce drame si terrible que même les plus sages d’entre nous, qui n’en croient pas leurs yeux, se cognent la tête contre les murs.

Des cultures totalement étrangères au peuple palestinien et à sa culture y fraient leur chemin, en en chassant d’autres fondées sur ces hautes valeurs éthiques, humaines et politiques que sont la conscience, la discipline, le souci de préserver la vie et une extraordinaire expérience du militantisme et du combat pour recouvrer des droits légitimes aliénés par un ennemi excessivement sanguinaire et assoiffé de meurtre et de destruction.

On ne peut croire que des Palestiniens puissent enlever des journalistes étrangers, venus de tous les coins du monde pour soutenir une cause juste et faire connaître les souffrances de tout un peuple, victime de la faim, du blocus, des massacres et la démolition des maisons. Il était inimaginable que des Palestiniens puissent attaquer une télévision satellitaire arabe, la truffer de bombes et la transformer en un amas de ruine où les débris des caméras et des ordinateurs se mêlent à ceux des bombes. On est loin du peuple palestinien que nous connaissons et auquel nous appartenons. On est bien loin des fractions résistantes qui s’opposent à l’occupation, sacrifient des dizaines, voire des milliers de martyrs, de blessés et de prisonniers, et qui souffrent de l’alignement des médias mondiaux sur les thèses de l’occupant et ses méthodes captieuses.

Nous manquons dramatiquement d’explications à ce phénomène dangereux et destructeur, et nous sommes incapables d’assimiler cette culture qui fait irruption au sein d’un peuple qui a offert les plus beaux exemples de discipline et de respect de l’opinion d’autrui, et qui a toujours cru que la mission de l’information et des gens qui la font est de faire connaître la vérité, fut-elle différente de la sienne.

Le peuple palestinien a une dette envers les médias, qu’ils soient arabes ou étrangers, car ils l’ont toujours soutenu contre l’intrusion israélienne, contre le double langage américain et contre la marginalisation de l’ONU et des autres organismes internationaux.

Lorsque Yasser Arafat, le président palestinien disparu, a jeté les bases d’un Etat palestinien, il a aussitôt recueilli la reconnaissance de plus de cent Etat ; cela n’était possible que parce qu’il a assimilé le rôle des médias, leur capacité à faire triompher les causes de la justice et de la liberté et à dénoncer l’occupation israélienne, et toutes ses pratiques inhumaines et abjectes. Arafat n’aurait jamais mis un journaliste en colère, et si par malheur une telle chose s’était produite, il lui aurait téléphoné le lendemain pour s’excuser, en homme prévenant et chaleureux. Le président Arafat recevait les journalistes avec amabilité, et qu’ils soient arabes ou étrangers, il avait pour eux une grande estime, insistait pour les inviter à sa modeste table, remplissait lui-même leur assiette et leur demandait toujours de leurs nouvelles et de celles de leurs enfants et leurs familles.

Nous ne révélons pas de secret en disant que des dizaines, voire des centaines de journalistes arabes étaient employés par l’OLP, au même titre que leurs collègues palestiniens. Arafat n’a jamais rechigné à prendre en charge les soins de bon nombre d’entre eux lorsqu’ils tombaient malades, sans qu’ils le lui demandent. Bien plus, il prenait lui-même l’initiative de les appeler et de s’assurer de leur santé.

Cet esprit qui comprend la mission du journaliste et de l’homme des médias est celui qui a fait de la révolution palestinienne une des plus grandes au monde et qui faisait l’unanimité autour d’elle de l’extrême gauche à l’extrême droite, des Etats-Unis à la Chine. Aucun évènement n’a bénéficié ne serait-ce que de la moitié de la couverture médiatique dévolue à l’évènement palestinien, même lorsqu’il n’était pas crucial. Il suffit de dire que les réunions du Conseil National Palestinien attiraient plus de 1500 journalistes de toutes sortes et de toutes couleurs.

Cette école a malheureusement disparu. Elle est remplacée par cette culture qui consiste à enlever des journalistes, à détruire leurs locaux et à menacer de mort celui qui n’est pas d’accord avec telle ou telle organisation, à tel enseigne que nous sommes en passe d’être placés en tête de la liste des bêtes noires de cette profession, en particulier chez les journalistes les plus actifs et les plus influents en notre temps.

Notre grand drame, c’est la lutte pour le pouvoir, lequel pouvoir est devenu le but suprême pour les deux principales organisations palestiniennes, à savoir Hamas et le Fatah. C’est également l’irruption de ces nouveaux leaderships qui ne connaissent de la politique et de sa déontologie que la volonté de nuire à l’autre, de faire bon marché de sa vie et d’utiliser des expressions choquantes et naguère absentes de notre dictionnaire, comme agent de l’occupant, traîtrise, obscurantisme, brigandage, etc.

Nous avons oublié l’occupation. Nous avons oublié ses crimes, ses colonies et ses agents. Nous avons oublié nos prisonniers et le sacrifice consenti par nos martyrs. Nous nous entretuons désormais pour une charogne nommée pouvoir. La question la plus importante, la source de toutes les divergences et de tous les conflits est désormais la suivante : qui obtiendra tel ou tel portefeuille ministériel ? Ils parlent maintenant de ministères de souveraineté, comme le ministère des finances, les affaires étrangères, l’intérieur et l’information, et oublient que nous sommes sans souveraineté ni dignité, que nous ployons sous le joug de l’occupation, que notre premier ministre fait la queue comme un malpropre aux points de passage et que le président de notre Autorité ne peut quitter son bureau sans l’autorisation d’un planton de l’armée israélienne.

Toutes nos valeurs et nos traditions qui faisaient la fierté des communautés, arabe et musulmane, et qui étaient jalousées par nos ennemis, sont maintenant sens dessus dessous, et le citoyen palestinien craint moins l’occupation, ses missiles et ses bombes que la guerre civile et les affrontements entre les enfants de la même cause.

Les fractions palestiniennes aidaient jadis les hommes des médias parce qu’ils voulaient s’adresser au monde au moyen d’un discours moderne porteur d’informations précises et à même de s’assurer sa sympathie. Aujourd’hui, au temps des luttes pour le pouvoir, des dizaines de professionnels des médias sont utilisés par les différentes fractions pour se répondre les unes aux autres, pour diffuser des communiqués accusant tel ou tel groupe et poussant à la violence contre lui.

L’hypocrisie atteint son somment lorsque les grands responsables des fractions se rencontrent et discutent comme s’ils étaient les représentants de partis suisses ou suédois : ils se montrent soucieux de l’unité nationale et entonnent des hymnes dans lesquels ils interdisent de verser le sang palestinien.

Je le dis franchement et à haute et intelligible voix : ceux qui disent qu’ils nous représentent n’ont rien à voir avec notre patrimoine, ni avec notre histoire, ni avec les sacrifices de nos martyrs. Nous avons honte de leurs actes et leurs excès, quelle que soit la fraction à laquelle ils appartiennent. Si c’est la lutte pour cette autorité fictive qui nous a conduits à cet abîme, alors nous n’en voulons point. Nous pensons même qu’exiger sa dissolution est un devoir national qui ne le cède en rien au devoir de la libération de la Palestine. L’Autorité est devenue en effet un fardeau pour nous et la source de tous les maux que nous endurons et endurerons.

Je reconnais qu’en tant que Palestinien, j’éprouve de la honte quand je vois les pantalonnades qui se déroulent sur le sol de notre patrie. J’espère que tout citoyen, qu’il soit de l’intérieur ou de l’extérieur des terres occupées, fera face à ces ambitieux ministrables à la recherche de postes, et leur dira : assez ! Nous ne mangeons pas de ce pain-là. Nous ne voulons pas de votre Autorité et nous voulons revenir à cette constante nationale qu’est la résistance contre l’occupation, que nous avons oubliée ou fait semblant d’oublier en faisant du Palestinien l’ennemi, alors que le véritable ennemi est l’occupant usurpateur !!

Je n’hésite pas un seul instant à demander pardon à tous les collègues, qu’ils soient arabes ou étrangers, de la chaîne Al-Arabiyya, surtout à ceux dont le bureau à Gaza a été dévasté avant-hier à la suite à ces pratiques choquantes et honteuses. Je déclare que ceux qui utilisent le langage de l’enlèvement, de la terreur et de la destruction ne sont qu’une exception à notre éthique et à notre combat pour une juste cause.

Abdelbârî ATWAN
Al-Quds al-Arabi, le 24 janvier 2007
Aziz HILAL pour la traduction à partir de l’arabe

PÉTITION

Non au terrorisme de l’État d’Israël contre les peuples Palestinien et Libanais

Signez et faites signer la pétition à l’adresse :
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