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Contribution à un débat

Après les accords de La Mecque

par Rudolf Bkouche

15 février 2007

Les accords de La Mecque marquent un point essentiel de l'unité palestinienne.

La mise en place d'un gouvernement d'unité nationale mettra d'abord fin à une manœuvre qui se mettait en place ces derniers temps : un soutien occidental à Mahmoud Abbas pour casser le Hamas et par cela même toute possibilité de lutte pour les droits des Palestiniens.

Mahmoud Abbas n'a rien obtenu d'Israël lui permettant de dire que le compromis, à défaut de négociation, pouvait payer. L'occupation de la Palestine a continué avec les check-points , les destructions de maisons, les assassinats ciblés et la destruction du tissu social palestinien, sans oublier l'extension de la colonisation qui montrait la volonté israélienne d'occuper le maximum de terrain.

La victoire électorale du Hamas a constitué un vote de résistance et un refus de la politique de compromis qui n'avait de sens que si l'Autorité Palestinienne avait obtenu des concessions de la part d'Israël. Elections louées pour leur tenue démocratique et en même temps condamnées par les Etats-Unis et l'Union Européenne qui ne pouvait admettre une victoire du Hamas.

C'est à ce moment qu'on a commencé à s'intéresser à Mahmoud Abbas, moins pour aller vers une solution du conflit que pour en faire un contre-feu à la victoire du Hamas. Et les tensions entre le Fatah et le Hamas  ne pouvaient que faciliter ce travail de sape.

Après la victoire du Hamas, l'Union Européenne a supprimé son aide à l'Autorité Palestinienne, aide quelle n'acceptait de rétablir que sous trois conditions :

- reconnaissance par le gouvernement palestinien de l'Etat d'Israël

- arrêt de la violence

- respect des accords passés, essentiellement les Accords d'Oslo.

On peut alors remarquer que

- l'Etat d'Israël n'a jamais reconnu, jusqu'à ce jour, le droit à l'existence d'un Etat de Palestine

- la violence israélienne continue à Cisjordanie et à Gaza

- l'Etat d'Israël ne respecte plus depuis longtemps les Accords d'Oslo qui pourtant lui sont favorables.

Il faut ajouter que les Palestiniens ont reconnu par deux fois le principe de la coexistence de deux Etats : l'israélien et le palestinien, d'abord avec la déclaration du Congrès National Palestinien d'Alger en 1988, ensuite avec la lettre d'Arafat à Rabin en 1993 reconnaissant explicitement l'Etat d'Israël alors que Rabin se contentait de reconnaître l'OLP comme son interlocuteur. Ces déclarations n'ont rien apporté, que ce soit celle de 1988 ou celle de 1993, alors à quoi bon une reconnaissance de plus.

 

En supprimant son aide à l'Autorité Palestinienne, l'Union Européenne savait qu'elle allait plonger la Palestine dans le chaos, espérant en retour que Mahmoud Abbas reprendrait le pouvoir, moins pour résoudre le conflit que pour perpétuer une situation finalement favorable à Israël. Les accords de La Mecque ont mis fin à ces manœuvres et à la guerre civile inter-palestinienne.

Reste alors à savoir comment l'Union Européenne va se comporter vis-à-vis du nouveau gouvernement.

Va-t-elle maintenir ses trois exigences, ce qui reviendra à continuer de bloquer la situation, ou va-t-elle accepter de reprendre son aide ?

Est-ce que l'on peut considérer que la constitution du nouveau gouvernement représente une reconnaissance implicite d'Israël ?

La position du Hamas par rapport à Israël semble s'être assouplit. Si le Hamas ne veut toujours pas de reconnaissance formelle, et nous en avons donné les raisons plus haut, il a proposé par la voix de son chef Khaled Mesh'al, une longue trêve renouvelable qui permettrait de voir l'évolution des parties. Israël a bien entendu refusé même si aujourd'hui des voix en Israël demandent des assouplissements face au Hamas.

Rappelons que Khaled Mesh'al a déclaré dans un interview à Reuters qu'il reconnaissait l'existence d'Israël, sinon sa légitimité. "En tant que Palestinien d'aujourd'hui, je parle d'une exigence palestinienne et arabe d'un Etat dans les frontières de 1967", avait dit Mesh'al. Peu de temps avant son assassinat, Cheikh Yassine avait lui aussi déclaré qu'il acceptait un Etat palestinien avec la frontière de 1967, reconnaissant implicitement l'existence d'Israël. Cela n'a pas empêché Israël de l'assassiner.

Est-ce que Israël va accepter cette ouverture minimale ou bien va-t-il, comme il en a l'habitude, maintenir ses exigences bloquant ainsi toute possibilité de mettre fin au conflit ? Et ses alliés européens et américains vont-ils le soutenir dans son extrémisme ou bien chercher à calmer le jeu ?

Israël a pourtant découvert ses limites. Il n'a pu arriver à ses fins au Liban l'été dernier. S'il a détruit une grande partie du territoire libanais, il n'a pu détruire le Hezbollah comme il le voulait. Autre point, le maire de Jérusalem a dû mettre fin aux travaux près de la mosquée Al Aqsa après plusieurs jours d'émeute. Ce qui n'empêche pas Israël de rester une menace et de continuer l'occupation du territoire palestinien. Ce qui n'empêche pas Israël de poursuivre la colonisation interne en chassant les paysans bédouins du Negev dont les villages ne sont pas reconnus ce qui permet de les détruire plus facilement ou de procéder à la judaïsation de la Galilée.

 

Rudolf Bkouche

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