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Le tragédie palestinienne n’est pas une querelle d’intellectuels
mais un problème de décolonisation

Ramzi Baroud
vendredi 6 avril 2007

Source : Info-palestine

A l’intérieur d’une enceinte encore fortifiée, dans un immeuble spacieux de l’ONU, à Rome, les membres du Comité de la Palestine à l’Assemblée générale répètent de vieilles incantations, jurent de soutenir les Palestiniens, publient des communiqués de presse et s’en vont déjeuner ensuite.

Le Comité est composé de plusieurs ambassadeurs à l’ONU, volontaires, sympathiques et intéressés ; ils savent également que leurs efforts sont plus ou moins futiles. Un des ambassadeurs d’un pays qui n’est pas vu comme amical par les standards américains, s’est exclamé : « Quoi que nous essayons de faire, l’Amérique bloque nos efforts. »

La discussion a continué ainsi plus ou moins jusqu’à ce qu’un activiste israélien, avec une barbe et des pensées en désordre, ait partagé certaines de ses observations : il rêve d’un Moyen-Orient où s’intègreront les Arabes et les Israéliens pour vivre dans une harmonie parfaite partageant et tirant bénéfice de leurs forces économiques réciproques ; il rêve d’un jour où Israel sera accepté en tant que partie prenante de toute la région. Pendant qu’il haletait à cause d’une mauvaise respiration, une autre personne d’une O.N.G. choisit d’apporter à une telle imagination, un point d’ancrage dans la réalité en suggérant le dialogue entre parlementaires israéliens et palestiniens. Je fumais de rage.

Il est de plus en plus évident que l’intérêt pour la crise palestinienne baisse au niveau international : cet intérêt n’est plus urgent ni même défini selon des paramètres qui lui soient appropriés à savoir la situation où un colonisateur qui n’hésite pas à commettre les crimes les plus atroces pour réaliser son projet colonial et une nation opprimée et nationalement désintégrée qui combat dans la solitude en utilisant tous les moyens pour réaliser sa libération.

« Moi aussi, je souhaite que le Moyen-Orient devienne une oasis d’harmonie économique et d’intégration politique » ai-je dit aux ambassadeurs. « En fait, je souhaite que tous les conflits puissent s’éteindre pour faire place à un monde gouverné selon les principes de l’égalité et de la justice. Mais en attendant que cela se produise, nous devons continuer à combattre partout l’injustice avec tous les moyens dont nous disposons. »

Avant de transformer la souffrance des Palestiniens en quelque chose de bénin qui peut être facilement résolu par le dialogue (comme si 60 ans de massacres, de colonisation, de nettoyage ethnique étaient un simple malentendu), rappelons les faits, qui sont durs et têtus : une nation emprisonnée et persécutée dans des territoires occupés par Israël, dont une partie à l’intérieur d’Israël traitée comme des citoyens de seconde sinon de troisième zone et des millions d’enfants de cette même nation vivant dans des camps de réfugiés à travers le Moyen-Orient.

On a rapporté récemment que le chef libyen, Muammar El-Qaddafi, a pris une décision d’expulser tous les Palestiniens de Libye parce qu’ils appartiennent à la Palestine. La « sagesse » de Qaddafi a déjà causé l’expulsion de milliers de Palestiniens après la signature par Arafat des accords d’Oslo ; a ce moment-là, les expulsés sont restés dans le désert, y compris mon oncle et sa famille, coincés entre l’Egypte et la Libye, avant d’être dispersés entre plusieurs pays. Qaddafi sait bien quel destin attend ces résidents palestiniens si sa décision est exécutée, mais on dit que le révolutionnaire reste toujours un révolutionnaire.

En Irak, la situation est critique pour les Palestiniens et elle se détériore maintenant à tel point qu’elle devient une histoire d’horreur. Bien que Saddam ait bien traité les Palestiniens, il leur a interdit de devenir propriétaires pour qu’ils ne renoncent pas à leur droit de retour en Palestine. Le résultat est que dès le moment où sa statue a été jetée par terre, les propriétaires irakiens se sont déplacés pour expulser des milliers de familles palestiniennes.

Jusqu’à maintenant plus de 500 Palestiniens ont été assassinés en Irak, des milliers d’autres ont été blessés et beaucoup d’autres vivent sous des tentes dans diverses régions d’Irak et notamment près de la frontière jordanienne. Dans un massacre récent les milices irakiennes et les soldats américains ont attaqué le quartier d’Al-Baladiat à Bagdad, tuant et blessant beaucoup de Palestiniens. Ceux qui étaient assez chanceux pour posséder de l’argent ont payé 250 dollars pour chaque membre de la famille et ils ont été obligés de fuir. Ils n’avaient nulle part où aller sinon de tourner en rond.

Louise Morgantini du Parlement européen, m’a informé quand j’étais en Italie que la crise qui touche les réfugiés palestiniens en Irak est discutée à l’ONU portes closes ; la solution proposée jusqu’ici est de les transférer en Amérique du Sud. Louise Morgantini a exigé avec colère que quelque chose soit fait pour les déplacer en Cisjordanie. Tout ce que je peux faire, moi, c’est d’évoquer le problème par écrit car les leaders palestiniens sont trop occupés à se déchirer et se battre pour un pouvoir politique imaginaire.

Ce ne sont pas là des problèmes symboliques qui peuvent s’articuler à une initiative arabe de paix ou être résolus par le dialogue. Israël pose comme principe qu’un état juif ne peut être établi que dans un territoire libre de toute personne qui ne souscrit pas à ses valeurs. Joseph Weitz, qui a été nommé par l’agence juive pour diriger les comités de transfert des terres occupées en 1948 a saisi l’essentiel du projet sioniste depuis le premier jour : « Entre nous, il doit être clair qu’il n’ y a pas de place pour deux peuples sur cette terre... nous ne réaliserons pas notre but d’être un peuple indépendant tant que les arabes sont dans ce petit pays. La seule solution est une Palestine sans les Arabes. »

Depuis le début des transferts de terres organisés par Ben Gurion au Mur de la Honte d’aujourd’hui en passant par les barrières de fer de Vladimir Jobotinsky, l’impulsion du projet israélien n’a jamais perdu son élan. Entre temps, les Palestiniens ne cessent d’être transférés et retransférés.

Il est évident qu’Israël ne réalisera pas la paix par bienveillance ou par dialogue sans conditions ; il ne le fera que contraint et forcé. Ceci n’a besoin ni des initiatives arabes ni des réunions parlementaires dans lesquelles les malentendus sont lissés pour être levés. Nous devons soit commencer à nous organiser pour affronter le problème ou arrêter de perdre un temps précieux en conférences, colloques et réunions extravagantes d’O.N.G.

 

* Vous pouvez consulter le site de Ramzi Baroud à : http://www.ramzybaroud.net/index.php


 

Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à : http://weekly.ahram.org.eg/2007/839...
Traduit de l’anglais par D. Hachilif

Ramzi Baroud est journaliste Arabe-Américain. Chroniqueur régulier pour de nombreuses publications anglaises et arabes, il est rédacteur en chef de PalestineChronicle.com

Auteur notamment de :    Le conflit israélo-palestinien  Israël sera en sécurité, une fois encore

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