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Liban : Syrien n’y fait

http://www.bakchich.info/article1197.html

Diplomatie | lundi, 28 mai 2007 | par Uriel Da Costa

Le Liban, s’enflamme à nouveau. Première évidence, partout répétée, la Syrie continue à pourrir l’ambiance au pays du Cèdre. Une théorie qui arrange beaucoup de monde...

Première sortie de Bernard Kouchner qui va officiellement « réaffirmer la solidarité de la France avec le Liban et avec sa population dans cette période critique »… Suit un déferlement de mièvreries humanisto-pantoufles sur le « pauvre Liban » ou « Le Liban écartelé » (Le Monde du 24 mai).

Suit, surtout, la dernière perle de l’idéologie dominante sur le Liban et le reste du Proche Orient : comme pour l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, la presse internationale pointe son doigt accusateur en direction – seulement - de la Syrie maléfique qui aurait provoqué les attaques des islamistes du camp de Nahr al-Bared pour contrecarrer l’installation du tribunal international chargé de juger les assassins présumés de Rafic Hariri.

Le Monde encore : « Aucune preuve ne permet de lier formellement la Syrie au groupuscule sunnite radical Fatah al-Islam qui défie l’armée libanaise. En revanche, la concomitance des affrontements avec les discussions en cours aux Nations unies pour imposer la création d’un tribunal international (…) ne peut qu’alimenter les suspicions » (sic). Ça, c’est de l’information et de l’analyse très pointue…

La même presse internationale qui découvre l’existence d’islamistes sunnites proches d’Al-Qaïda dans les camps palestiniens du Liban (quelque 400.000 personnes selon l’UNWRA) devrait s’intéresser de plus près à l’histoire du groupe Fatah al-Islam. À défaut d’être une organisation nationale palestinienne, la désormais célèbre mouvance a recruté nombre d’activistes saoudiens, yéménites et autres salafistes issus des groupes armés sunnites irakiens. L’un des fondateurs de cette organisation est le cheikh Naji Kanaan, issu de la mouvance des Frères musulmans et qui a passé une dizaine d’années dans les geôles syriennes (jusqu’en 2000) pour « activisme religieux antinational ».

Théoricien et chef du Mouvement de l’unification islamiste (MUI), implanté dans la région de Tripoli au milieu des années 80, il est, surtout, devenu le responsable de la mobilisation sunnite pour le Courant du « Futur », l’organisation du député Saad Hariri, fils de l’ancien Premier ministre assassiné. Un joyeux drille du Futur reconnaît « l’attribution d’une fonction importante à l’islamiste Naji Kanaan et à l’officier dissident pendant la guerre civile -Ahmed al-Khatib - chargés tous deux des questions militaro-sécuritaires pour la famille Hariri ». Kanaan, reconnaît le même bavard, « avait déjà mobilisé plusieurs centaines d’activistes regroupés dans l’organisation Fatah al-Islam après s’être séparé du mouvement Fatah-Intifada dans le camp de Nahr el-Bared en décembre dernier ». Alertés par plusieurs familles du camp, régulièrement rançonnées par les activistes, les nouveaux responsables de la Sûreté nationale libanaise n’ont pas levé le petit doigt contre Naji Kanaan.

Encore plus troublant, le même a, grandement, bénéficié des largesses financières du prince saoudien Bandar Bin Sultan qui a effectué, il y a deux mois, une tournée des camps palestiniens implantés au Liban afin de financer les organisations « humanitaires et religieuses » sunnites, destinées à faire pièce à l’expansion du chi’isme au pays du Cèdre et à « contenir » son bras politique : le Hezbollah. « Cette irakisation de la scène libanaise correspond parfaitement à la politique dite « d’instabilité constructive » que les néo-conservateurs américains tentent d’appliquer à l’ensemble des Proche et Moyen Orient », croit un diplomate européen en poste à Beyrouth.

Suit, enfin la proposition américaine d’assistance militaire au gouvernement de Fouad Siniora, pour mâter la rébellion ben-ladeniste. De la belle ouvrage, vraiment… d’autant que quelques crânes d’œuf du Pentagone cherchent à implanter, depuis quelques mois, une base secrète de l’OTAN à Klieaat, au sud de Tripoli, dans une zone à majorité chrétienne sous la coupe des milices de Samir Geagea.

Bernard Kouchner peut proclamer à Beyrouth le soutien de la France éternelle au gouvernement de Fouad Siniora. Ce faisant, il endosse aussi le cautionnement, sinon la solidarité avec cette belle manipulation où Washington et Riyad se sont entendus comme larrons en foire. Au moins, cette fois-ci Kouchner, partisan de la guerre en Irak, ne se renie-t-il pas.

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