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Visite en Palestine...

Extrait du bulletin du MISH (Mouvement International de Solidarité Humaine)

Avril 2007 – pages 13 à 17

 

De Albina Buttini

 

Au mois de juin, juste avant le déclenchement de la guerre au Liban, je suis allée en Palestine pour rencontrer les amis que je ne voyais pas depuis longtemps; eux ne pouvant pas sortir, je me suis dit que c'était bien de les visiter. Je suis restée là-bas quinze jours.

 

J'avais travaillé avec le Land Research Comity (LRC) dans les années de la première Intifada et j'avais vu les premières colonies sur les « hauteurs » près de Jérusalem, Hébron et le nord de la Galilée. C'est à ce moment-là qu'il aurait fallu 'bouger' pour ne pas permettre toutes sortes d'abus qui ont amené la situation dans laquelle on se trouve maintenant !

J'habitais alors Jérusalem et je pouvais me déplacer soit au Nord (Nablus, Jenin), soit au Sud (Hébron) ; parfois il fallait changer de chemin à cause des clôtures improvisées ; les check points ont toujours existé. Les abus aussi, comme ceux d'arrêter une personne, la mettre au mur, lui donner des coups avec la crosse du fusil; empêcher l'entrée à la Mosquée; faire des charges à cheval; humilier les gens qui faisaient la queue, en attendant pendant des heures, en plein soleil, de retirer leurs papiers pour la Jordanie.

MAIS, ce que j'ai vu cette fois-ci c'est tout à fait une autre chose, à tel point que je n'arrive même pas à donner un ordre logique à ce que je veux vous raconter. Je commence par Jérusalem. J'y suis arrivée en taxi ne reconnaissant plus les lieux. La colonie de Pisgat et d'autres encore sont complètement intégrées à la Jérusalem que je connaissais : la Jérusalem est occupée depuis 1967 !

À l'American Colony m'attend une personne - résidente de la ville - qui me conduira à Ram. Là je trouve tous les amis (sauf celui de Nablus car il n'a pas pu passer le check point !). Grande joie, grande fête, dans la maison de Mohamed, jusqu'au coucher du soleil quand chacun reprendra la route « longue et à surprise » vers son propre village.

J'ai rencontré des hommes éprouvés, mais pas abattus, capables encore de faire des projets de vie, dans une situation qui semble ne pas donner la moindre chance de réussite.

J'oubliais de dire que, avant de partir (moi je resterai à Ram la nuit), Jamal fait le programme parce que les jours ne sont pas nombreux et, dit- il, il ne faut pas laisser de coté des choses importantes.

J'irai habiter à Abu-Dis où il y a encore un petit bureau du LRC où seulement Mohamed va quelques jours par semaine (celui de Jérusalem étant fermé parce qu'aucun d'eux ne peut entrer dans la Ville).

Dans mon premier déplacement Ram/Abu-Dis je commence à voir de plus près tout ce que j'avais peur de voir ; mais, souvent, la réalité dépasse l'imagination ! Je vois des réalités impensables : portions de terrains, le long des routes, où tous les oliviers sont coupés à 10 cm du sol. Absurde !

Mais plus criminel encore c'est ce qui se passe maintenant dans d'autres endroits : les soldats coupent les branches et, avec une excavatrice, enlèvent les arbres qui iront fructifier dans les nouvelles colonies ! Et pourquoi tout cela ? pour une question de « sécurité disent-ils » !

J'arrive à Abu-Dis, un temps banlieue de Jérusalem, maintenant grande ville universitaire et, à cause du MUR, noeud routier de taxis. De la maison où je loge, je vois le clocher qui se trouve au sommet du Mont des Oliviers : donc, je me dis que je suis tout près de Jérusalem. Mais, à cause du MUR, la réalité est très différente : il faut prendre un taxi qui fait un long détour, en allant d'abord vers Jéricho, et en revenant ensuite vers la cité sainte - après un arrêt au check point (long ou bref cela dépend de l'humeur du soldat).

Pendant le trajet on se rend compte d'une part de la destruction des terrains, d'autre part de la quantité de nouvelles colonies. Je commence à entrevoir ce que le MUR signifie : les raisons deviennent claires quand, après avoir vérifié les motifs que les occupants donnent (sécurité avant tout) on découvre les vrais raisons : occupation des terres et encerclement des villes pour que les gens, privés de leurs terres (et d'habitude il s'agit des meilleures!) soient forcés à émigrer. Ils sont humiliés et leur vie devient de plus en plus impossible.

Quand je rentre le soir, dans ma chambre, je prends le temps pour me renseigner sur la situation du MUR. (Un livre vient d'être édité en arabe et en anglais) Qu'est-ce qu'on peut faire, dans nos pays, pour que cette honte soit dénoncée et effacée ? Mais continuons avec les visites programmées !

1ère visite à El-Ubbeddia : Abu Saieh vient me chercher pour me conduire dans sa famille. Une grande maison avec de grandes fenêtres ouvertes vers l'est d'où, le soir, on peut voir les lumières de Jordanie. Grands espaces donc, mais seulement pour les yeux ! Des cinq enfants, les trois petits jouent à l'intérieur de la maison les deux autres regardent la télé.

Avant le dîner Abu Saieh m'a accompagné à Bethléem où j'ai pu entrer dans des maisons qui sont coincées par le mur. Les gens qui habitent là, voient leurs terres au-delà d'une 'grille séparatrice', et à 10-15 m. de 'distance de sécurité, le MUR !

On est allés aussi chez les Salésiens de Crémisan qui, pratiquement se retrou- vent, pour une bonne partie... en Israël !

C'est de la folie pure ! Souvent je me demande comment les gens peuvent survivre à ces restrictions et humiliations.

En rentrant je vois à la télé ce qui est arrivé à Gaza, sur la plage : le yeux de cette fille qui a vu mourir toute sa famille, me disent le désespoir et la peur de s'être engagée sur une voie sans issue.

2ème visite à DOHA : Hamdi aurait voulu venir me chercher en voiture, mais je voulais me débrouiller toute seule pour mieux connaître la réalité à laquelle ils sont toujours confrontés. Bethléem est pratiquement entourée du MUR. Le taxi, que j'ai pris à Jérusalem, s'arrête devant une grande ouverture du MUR (une porte de 8 mètres) qu'il faut passer à pied : on est dans un grand espace vide, désolé ; on doit montrer les papiers à un militaire et, après, on sort par une autre ouverture pour se retrouver de l'autre coté du MUR : du sable, des pierres, une désolation ! Quelques taxis pour aller quelque part... Me croirez-vous si je vous dis que le parcours du MUR est incompréhensible ?

Il y aura sûrement des projets autres comme, par ex. canaliser les Bus des Pèlerins directement sur la place de l'Eglise sans passer par la ville (Question de business aussi !)

Hamdi vient me chercher pour aller chez lui, à Doha. Les autres amis nous rejoignent et on passe des moments très beaux. Quand Jamal et Qassim rentrent chez eux, Hamdi avec sa femme et 3 de ces 5 fils m'amène aux vasques de Sébaste (sans une goutte d'eau ! pour des raisons de sécurité ?!?!), à Artas et à Hérodion où, si on veut visiter le château situé dans la montagne, il faut payer aux Israéliens (les soldats étant toujours là).

Un après-midi très relaxant, j'étais très contente de voir comment les gens vivent en famille : un climat serein, même si la situation est très dure. Je dormirai à Doha pour continuer demain le voyage vers le sud.

3ème visite à Hébron : Avec Hamdi nous allons à Halhu!, tout près de Hébron où se trouve le bureau du LRC. Avec Kassim, j'ai la possibilité, pendant toute une matinée, de pouvoir visiter la ville, ou pour mieux dire, la ville occupée ! Seule la première partie de la rue principale a un marché très vivant à la manière arabe : c’est à dire beaucoup de gens, beaucoup de bruit et une grande quantité de fruits, légumes etc. Mais lorsqu'on entre dans la vieille ville il n'y a plus personne. Clôtures, grilles, magasins fermés. Tout au long des rues il y avait les magasins et les maisons bâties dessus.

Maintenant on voit beaucoup de maisons israéliennes bâties directement sur les maisons palestiniennes, quand ces dernières n'ont pas pu être évacuées. Les rues ont été couvertes avec des grilles pour être protégées des poubelles jetées par les occupants. J'ai vu de tout sur ces grilles !

La plupart des magasins sont fermés et ceux qui restent ouverts, n'ont pas de clients, les gens ne se hasardant pas à venir de ce coté !

Je me suis arrêtée, pas loin d'un check- point, près de la Mosquée d'Abraham pour acheter des céramiques dans un magasin (et en même temps vérifier les abus). Le monsieur, qui nous a fait asseoir pour nous offrir un café, me dit : « Je ne sais pas parler italien, ni anglais, mais c'est seulement mon sourire qui peut vous parler » II venait de dire qu'avant il gagnait 1.700 shekel par jour; ce jour-là mes 75 sh étaient les premiers de la semaine qui se terminait.

4ème visite à Beit Ummar : rentrée au bureau, toute l'équipe se déplace dans ce petit village à quelques kilomètres au nord de Haihul. La femme de Quassim a prépare un dîner délicieux. C'est très intéressant pour moi de participer à ces moments de détente, de joie et de partage. Avant le coucher du soleil, les amis ont repris la route vers leurs maisons. Moi, je resterai là pour la nuit. Avant d'aller dormir, on monte sur la terrasse pour voir les étoiles et les lumières des villages aux alentours jusqu'à celles de Tel Aviv. On reste en silence. Quassim me dit qu'il n'a jamais pu montrer la mer à ses enfants.

Le lendemain, je passe la matinée au bureau, où je peux visionner beaucoup de documents et j'ai aussi la possibilité d'avoir un très bon échange avec Jamal : j'ai une grande admiration pour lui. Il a continué le travail dans une situation qui se faisait toujours plus dure en gardant tout le groupe en contact avec la base.

5ème visite à Beit Oula: Je retrouve la vieille maman de Jamal et toute la grande famille. L'accueil est toujours très chaleureux. Je me sens vraiment chez moi et je constate, encore une fois, que les familles s'aident entre elles. Les jeunes, qui étaient alors en vacances, passent de longs moments devant la télé et trouvent le moyen de se rencontrer pour jouer au football. Je resterai quelques jours en partageant la vie quotidienne de trois familles.

Puis je reprends la route vers le Nord et rentre chez moi, à Abu Dis. J'aurai voulu me déplacer à Nablus et à Jenin, mais, le temps étant très juste, je ne peux pas risquer mon départ. Il me reste seulement un jour pour ma dernière visite.

6ème visite : Ramallah : je connais déjà la première partie du voyage, mais je me pose toujours les mêmes questions qui aboutissent à une seule : comment peut- on penser que l'on peut faire ce qu'ils ont fait ? et que - imperturbablement - ils continuent à le faire ?

Il y a des routes partout, des murs, des « villes implantées » sur les flancs des montagnes, des caves... Par contre, regroupés au milieu d'un immense terrain vague, des gros-vieux containers ont été installés pour abriter les nomades, chassés de leurs endroits habituels. Plus de bétail, plus de vie itinérante, seulement un « survivre dans une non-zone » sous un soleil implacable.

Comment ne pas se poser des questions ?

Je ne reconnais plus les lieux. La route qui passe à El Bireh et va à Ramallah est longée par trois cercles superposés de fil barbelé.

J'ai rencontré Mariolina, Resi et Hélène, dans leur maison entourée d'un jardin très fleuri. Un échange bref, mais très chaleureux. Quand j'ai parlé de Beit Oula, Resi me dit que ce village a été son premier séjour et travail en Palestine.

J'ai passé plus de temps avec Ismail au Centre AlMawred, là où j'avais travaillé avec Crocevia dans un projet éducatif. C'était en 1992 ! En 2002, les Israéliens ont bombardé le bâtiment et tout ce qui était dedans a brûlé. Tout a été reconstruit et, malgré toutes les restrictions, l'équipe du Centre continue à travailler bien en s'occupant de la formation des professeurs.

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