Retour

Palestine : une politique de va-t-en guerre
publié le mercredi 11 juillet 2007

Jean-Claude Lefort

Un titre choc dans la presse d’hier soir, 10 juillet : « 10 ministres des Affaires étrangères de l’Union demandent à Tony Blair l’envoi d’une force internationale à Gaza » !

« Enfin cela bouge », pourrait-on penser ! Il serait temps, en effet, qu’un conflit qui dure depuis 40 ans soit enfin considéré comme prioritaire. Mais il faut lire le texte exact pour que l’élan retombe et retombe vite.

Que disent en réalité exactement ces 10 ministres des Affaires étrangères à partir d’une idée lancée par Bernard Kouchner ? Plusieurs points qu’il faut considérer un à un.

Tout d’abord, selon eux, cette force doit être déployée dans Gaza.

On objectera que déployer une force internationale dans Gaza relève d’un droit non constitutif du droit international : le droit d’ingérence au nom duquel les USA, notamment, sont partis en guerre en Iraq faisant des victimes par dizaines de milliers. Veut-on régler militairement le compte au Hamas ?

C’est une idée absolument inacceptable en son principe et totalement irréaliste et dangereuse en sa pratique. Faire le « sale boulot » à la place de M. Olmert à Gaza, se comporter en supplétifs de l’armée israélienne, c’est tout ce que ces ministres - des ministres - ont trouvé à dire et à faire ? Et ils parlent de paix ?

Ils n’ont même pas envisagé le déploiement d’une force autour de Gaza, et non pas "dans" gaza, pour que cette partie de Palestine recouvre sa souveraineté terrestre, aérienne et maritime. Et ils n’ont pas imaginé, non plus, le déploiement simultané d’une force sur la ligne de 1967 autour de la Cisjordanie. Rien de tel n’est envisagé. Ils sont disqualifiés. On ne règle pas, on ne règle plus des problèmes politiques avec des canons.

Ils sont d’autant plus disqualifiés que, voyant le danger encouru, ils posent deux conditions préalables. La première c’est « un accord inter-palestinien ». Merci du conseil ! Mais ils ont tout fait pour que celui-ci, qui a pourtant abouti à La Mecque, soit considéré comme nul et non avenu et ils se sont félicités des décisions d’Abou Mazen procédant à la dissolution du gouvernement d’Union nationale. Maintenant l’aide a repris et même Israël est de la partie... en partie. Diaboliques, ils sont.

Que s’est-il passé, en effet, après l’accord de La Mecque alors que le dialogue inter-palestinien avait abouti et que les pays arabes relançaient de manière concommitante leur « Plan de paix » à Riyad ? Ils ont « tout simplement » refusé de reconnaître le nouveau gouvernement d’Union nationale dans son entier et ils n’ont pas levé les sanctions.

M. Olmert quant à lui a refusé les conditions du « Plan de paix » arabe, plan qui n’est rien d’autre que la reprise des résolutions pertinentes de l’ONU. Pire, selon le coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au Proche-orient, M. Alvaro de Soto, ils ont manigancé les événements tragiques de Gaza qui ont abouti à la situation que l’on sait tandis que selon M. de Soto le Hamas avait évolué et pouvait encore évoluer.

Quant à la seconde condition posée, « un plan de paix » entre les deux parties, on croit rêver, si j’ose dire. La « Feuille de route » n’a même pas connu une seule ligne d’application. L’idée d’une Conférence internationale qu’ils proposent de réunir « sans tarder », et qui est « la » bonne idée par laquelle il faut commencer, est refusée absolument par Israël et les USA. Ils ne veulent pas la paix dans la justice. Et ces 10 ministres - des ministres !- ne prennent aucune résolution ou initiative pour la permettre. Il est vrai qu’ils ne font rien sans l’accord de ces deux pays qui les tiennent en laisse comme des « toutous ». Cela aussi est confirmé par le rapport de M. de Soto.

Et comme il fallait à tout prix qu’ils confirment leur soumission à ces deux pays, voilà qu’après que l’Union européenne a décidé de nommer Tony Blair comme représentant de l’Union au Proche-Orient, on apprend que le Quartet (qui comprend les USA, l’Union européenne, la Russie et l’ONU) se réunira en juillet en Egypte pour « définir les détails et les objectifs de la mission de Tony Blair au Proche-Orient ».

L’envoyé spécial de l’Union européenne verra donc son mandat décidé par les USA ! Pauvre Europe, pauvre politique extérieure commune. Et pauvre traité simplifié qui ne changera rien à cette donnée. Lamentable !

Tout ceci s’appelle une politique de Gribouille. Une politique qui en rien ne vise à la paix au Proche-Orient. Une politique dangereuse et inacceptable. Une politique à la solde des USA. Une politique qui conduira au pire dans les Territoires occupés en poussant à la confrontation inter-palestinienne.

Il est temps, plus que grand temps que les peuples s’en mêlent. Il est temps de dire « 40 ans, ça suffit ! ». Il est temps que la solidarité avec le peuple palestinien prenne un tour nouveau. L’issue viendra des peuples et non de ces « ministres ».

Il faut en avoir conscience et en tirer toutes les leçons : les dirigeants israéliens et des US, en complicité avec le Conseil de sécurité de l’ONU, ne veulent pas la paix ! Car ce dont il s’agit c’est un territoire qui, au total, n’est pas plus grand que la région Bretagne. Et on ne pourrait pas imposer la paix au titre du chapitre VII de le la Charte de l’ONU ? On nous prend pour des imbéciles, tout simplement.

Jean-Claude Lefort
Député honoraire
Le 11 juillet 2007

Retour