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Palestine

Le Hamas refuse une force internationale
et dément vouloir créer un Etat islamique à Gaza

"L'aveuglement" des Européens est "décevant"

Article paru dans l'édition du 12 juillet 2007 (page 4)
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-934207,0.html

Dans un entretien au « Monde », l’ex-premier ministre palestinien et dirigeant du Hamas évoque la situation à Gaza, le conflit avec le Fatah, le sort du caporal israélien prisonnier Gilad Shalit

GAZA ENVOYÉ SPÉCIAL

Qu'est-ce qui empêche la libération du caporal israélien Gilad Shalit, enlevé le 25 juin 2006 ?

Nous avons toujours veillé à mettre fin aux souffrances du caporal Shalit et nous donnons plus d'importance à sa libération que les Israéliens eux-mêmes. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a 11 000 prisonniers palestiniens incarcérés en Israël qui souffrent de la même manière. Nous avons présenté une liste des détenus à libérer et elle a été refusée. Les Israéliens ne veulent pas répondre aux demandes qui ont été formulées par les partis de la résistance palestinienne.

Après la libération du journaliste de la BBC Alan Johnston, est-ce que vous avez été déçu par les réactions de la communauté internationale, notamment des Européens ?

Tout d'abord, la position des Européens est décevante, que ce soit avec ou sans la libération de Johnston. Le vrai problème est celui de l'occupation et de la souffrance du peuple palestinien. C'est la première fois dans l'histoire que la communauté internationale soutient l'occupant contre l'occupé. La décision européenne correspond à un aveuglement.

Ce que nous avons fait pour la libération de Johnston correspond à nos principes, à nos traditions et à nos convictions. Dès le début, nous avons dit que cet enlèvement contribuait à salir l'image et la cause palestinienne. C'est pour cela qu'il fallait y mettre fin sans attendre une récompense politique.

Est-ce que le Hamas n'a pas commis une erreur en prenant le pouvoir à Gaza et en ruinant les efforts du gouvernement d'union nationale ?

Nous avons toujours été en faveur d'un gouvernement d'union nationale, même avant sa formation. Mais il y a également toujours eu, au sein du Fatah, un courant opposé à un partenariat politique et qui n'a jamais accepté les résultats des élections du 25 janvier 2006. Son comportement a démontré qu'il était allié avec des éléments extérieurs qui lui ont fourni des armes et de l'argent.

Cette faction planifiait un coup d'Etat contre la légitimité palestinienne. Le soutien venait d'Israël et des Etats-Unis. Ce courant palestinien avait déjà essayé de déstabiliser le gouvernement directement issu des élections avec les mêmes acteurs. En résumé, le gouvernement d'union nationale n'est pas responsable de ce qui s'est passé. Il y avait une situation d'urgence et nous y avons répondu.

Mais cela ne signifie-t-il pas la fin de l'Etat palestinien comprenant la bande de Gaza et la Cisjordanie ?

Il faut voir la réalité en face. Voilà quinze ans que l'on attend la création de l'Etat palestinien, qui n'existe toujours pas. Avant de dire que quelque chose a disparu, il faut qu'il ait existé.

Le Hamas s'est toujours battu pour la création de l'Etat palestinien. Il s'est toujours battu contre la corruption et il a toujours lutté contre l'occupant. Le comportement du Hamas a toujours été motivé par cet objectif et par rien d'autre. La bande de Gaza est pour tout le peuple palestinien. Ce n'est pas la propriété du Hamas et le peuple de Gaza fait partie du peuple palestinien. Nous n'acceptons pas la séparation.

Voulez-vous créer un Etat islamique ?

Nous ne voulons pas créer un émirat islamique. Ce n'est pas vrai, ce sont de fausses accusations.

Vous n'avez qu'à aller voir dans les rues de Gaza. La vie n'a pas changé. Nous avons renforcé la sécurité, les libertés personnelles. Nous sommes en faveur des droits de l'homme.

Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, accuse le Hamas de fournir une porte d'entrée à Al-Qaida dans la bande de Gaza.

Abou Mazen (nom de guerre de Mahmoud Abbas) sait mieux que quiconque que cela est faux. Il n'y a aucune relation entre le Hamas et Al-Qaida.

Les récentes déclarations de Zawahiri, (numéro deux d'Al-Qaida) le démontrent puisqu'il a critiqué le Hamas. Nous savons très bien que ceux qui veulent assimiler le Hamas et Al-Qaida le font pour nous discréditer.

Mahmoud Abbas a déclaré qu'il "n'ouvrirait jamais le moindre dialogue" avec le Hamas ?

Nous sommes pour le dialogue car c'est la seule solution. Nous ne fixons aucune condition. Abou Mazen a parlé de façon précipitée. Il sait très bien que la reconnaissance de nos droits légitimes ne se fera que s'il y a l'union et l'union se fait à travers le dialogue.

La bande de Gaza est une prison à ciel ouvert. Que comptez-vous faire pour que les points de passage soient à nouveau ouverts ?

Il y a un proverbe arabe qui dit : "Il m'a frappé, ensuite il a pleuré, et après il est allé porter plainte contre moi." Gaza est bouclé depuis sept ans, depuis le début de la (seconde) Intifada. La situation n'a fait que se dégrader. Elle a empiré après les élections de janvier 2006. Nous sommes face à un embargo aérien, terrestre et maritime. En Cisjordanie, c'est à peu près la même chose. La réalité est que le peuple palestinien est enfermé par l'occupant. Et cela, ce n'est pas la faute du Hamas. Toutes les accusations à notre encontre ne servent en fait qu'à masquer la réalité.

Je compte beaucoup sur mon peuple et sur sa patience. Nous n'allons pas baisser les bras et nous nous activons auprès des pays arabes et islamiques pour qu'ils fassent pression sur l'occupant afin que les portes s'ouvrent.

Etes-vous favorable au déploiement d'une force internationale, comme le souhaite Mahmoud Abbas ?

Absolument pas, car ce serait une nouvelle forme de contrôle du peuple palestinien, une manière de s'immiscer dans les affaires internes palestiniennes. La totalité des formations palestiniennes refuse la présence d'une force internationale.

Est-ce que vous pensez toujours à un Etat palestinien dans les frontières de 1967 ?

Notre position est toujours la même. Un Etat palestinien dans les frontières d'avant la guerre de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. C'est notre objectif, avec ensuite une trêve de longue durée avec Israël.

Propos recueillis par Michel Bôle-Richard

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