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Vexations, violences, lot quotidien des Palestiniens aux barrages israéliens, selon une enquête de l'armée

 Article paru dans l'édition du 23 décembre 2007

Nous ne voulons pas que l'image d'Israël, dans l'esprit des Palestiniens, soit un soldat à un barrage. Nous n'avons pas le désir de contrôler la vie des Palestiniens", a expliqué, à Paris, le 17 décembre, à l'occasion de la conférence des donateurs, Tzipi Livni, la ministre israélienne des affaires étrangères.

Chaque jour pourtant, les Palestiniens sont confrontés à des barrages et à des check-points (563 fixes, plus 74 "volants" au mois de novembre selon OCHA, l'Agence des Nations unies pour les affaires humanitaires), qui limitent considérablement leur liberté de déplacement. Ils sont soumis au bon vouloir des soldats et doivent affronter d'interminables files d'attente, subir des vexations, des humiliations, voire des violences verbales ou physiques.

C'est à la suite d'un incident particulièrement significatif survenu il y a quelques mois près d'Hébron que l'armée a décidé d'ordonner une enquête. Un officier et cinq soldats avaient "braqué" un taxi, ligoté son chauffeur, s'étaient emparés du véhicule et, peu après, avaient tiré sur un Palestinien et l'avaient laissé blessé sur le bord de la route sans s'occuper de son sort.

A la suite de cet incident, qualifié d'"exceptionnel", le général Gadi Shamni, qui commande la région centre d'Israël, a donc décidé d'en savoir plus sur le comportement de ses soldats et a ordonné une enquête auprès de mille d'entre eux. Les conclusions ont surpris l'état-major.

Il ressort de cette investigation qu'un soldat sur quatre a été témoin actif ou passif de violences exercées à l'encontre de Palestiniens. Le quotidien Yediot Aharonot a publié le témoignage de l'un d'entre eux, qui raconte la vie quotidienne à un point de passage et les punitions infligées aux Palestiniens : être renvoyé au bout de la file, attente de plusieurs heures sous le soleil, subtilisation de papiers ou mise à genoux pendant quatre heures.

"SENTIMENT D'IMMUNITÉ"

Ces constatations ont amené les autorités militaires à prendre un certain nombre de décisions. Les soldats postés aux check-points reçoivent désormais une formation de quarante-huit heures sur la conduite à tenir, et une brochure explicative a été distribuée aux officiers sur la manière de gérer les contrôles. Pour B'Tselem, organisation de défense des droits de l'homme dans les territoires occupés, "cette situation n'a rien de surprenant. Elle s'explique par le fait que les soldats qui portent atteinte aux Palestiniens n'ont pas à rendre compte de leurs actes, car il est extrêmement difficile pour les victimes de faire aboutir une plainte."

De fait, explique Yesh Din, une autre organisation de défense des droits de l'homme, "90 % des enquêtes ouvertes par la section criminelle de la police militaire dans des cas où des soldats sont suspectés d'avoir commis des infractions criminelles contre des Palestiniens sont closes sans poursuites". Yesh Din s'est appuyée sur des chiffres fournis par Tsahal. Sur un total de 1 091 affaires de toute nature, il y a eu 118 inculpations et 101 condamnations entre le mois d'octobre 2000 et le mois de juin 2007. En ce qui concerne les quelque 2000 civils non impliqués dans des combats qui ont été tués au cours des sept années d'Intifada, il y a eu 239 enquêtes et seulement 16 condamnations.

"Il ne fait aucun doute que les soldats opérant dans les territoires occupés ont le sentiment de jouir d'une immunité, ce qui mène inévitablement à une augmentation du nombre et de la gravité des infractions commises", explique Michael Sfard, avocat de Yesh Din.

Dans son rapport, cette organisation constate que le nombre des poursuites contre les soldats pour des faits liés à la drogue en 2006 est "sept fois supérieur au total des poursuites concernant des atteintes physiques ou aux propriétés des Palestiniens pendant presque sept ans".

Michel Bôle-Richard

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