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Après l'attentat suicide du 4 février 2008...

par François Legeait, photographe indépendant et journaliste

Et voilà, un nouvel attentat suicide, hier, lundi 4 février 2008 (le dernier datait de janvier 2007). Il a tué une civile israélienne et les deux kamikazes.

On se demande bien ce qui, dans l'actualité récente, peut avoir motivé cette action ! Pourtant l'armée israélienne (le camp de la paix et de la démocratie) a fait tout ce qu'il fallait : enfermer, affamer, assassiner... J'ai passé en revue les dépêches des derniers jours :

- jeudi 31 janvier : "Israël refuse l'entrée sur son territoire à un patient souffrant d'un cancer". Mahmoud Abu Taha, 21 ans, de Rafah (bande de Gaza), avait pourtant reçu des autorités israéliennes pour un permis pour aller suivre une chimiothérapie dans un hôpital israélien (est-il nécessaire de préciser l'état de dénuement des hôpitaux palestiniens ?) Arrivé au pasage d'Eretz, après deux heures d'attente, les soldats en faction ont refusé le passage à l'ambulance.

- jeudi 31 janvier : "Deux patients palestiniens meurent à cause du siège de Gaza". Arafat Owdah, 23 ans, et Judah Obeed, 56 ans, sont décédés faute d'avoir pu se rendre en Israël pour recevoir les soins que leur état exigeait.

- vendredi 1er février : le rapport hebdomadaire du PCHR rapporte ceci : "le 24 janvier les forces israéliennes ont tué un civil palestinien et en ont blessé trois dans le village de Beit Ummar au nord d'Hébron. Elles sont entrées dans le village pour arrêter les pères de deux jeunes Palestiniens tués la veille par des colons, soi-disant parce que les pères préparaient une opération de représailles [note de moi : connaissant les connivences entre colons et armée, il est réaliste de penser que ça permettait surtout de "finir le travail"]. Le 28 janvier les forces israéliennes ont tué un enfant palestinien et blessé 5 civils à Bethléem lors de l'arrestation d'un combattant du Jihad Islamique. Les journalistes ont été tenus à l'écart et détenus par les soldats israéliens pendant la durée de l'opération. Dans la fusillade, Qussai Al-Afandi, 16 ans, qui se rendait au magasin de son père situé à proximité, a reçu une balle dans l'abdomen ; il est mort à son arrivé à l'hôpital de Beit Jala.

- samedi 2 février "Un patient palestinien décède à cause du siège de Gaza". Ahmad Al Shareef, 80 ans, est officiellement le 90ème patient à mourir faute de soins depuis le début du siège israélien en juin 2007.

- samedi 2 février : "L'armée israélienne a tué 96 Palestiniens au cours du mois de janvier 2008". Le rapport de l'ONG "International Solidarity for Human Rights" précise que la plupart ont été tués lors d'assassinats extrajudiciaires, condamnés par le droit international. 10 des victimes sont des enfants. La statistique ne prend pas en compte les victimes des colons ni les patients morts du fait du blocus de Gaza. Le rapport indique par ailleurs que l'armée israélienne a "arrêté" 540 civils palestiniens, dont 50 mineurs.

- samedi 2 février : "Selon des sources palestiniennes Israël a incarcéré 120 Palestiniens sous le régime de la détention administrative". Il s'agit de civils arrêtés en Cisjordanie au cours de 70 incursions menées ces deux dernières semaines - parmi lesquels 7 enfants. La détention administrative est condamnée par les Nations Unies (c'est une atteinte flagrante aux droits de l'homme), et consiste à incarcérer une personne pour une durée indéterminée (en général 6 mois reconductibles) sans jugement ni inculpation, pour "raisons de sécurité". Environ 900 des 11000 prisonniers politiques palestiniens sont actuellement placés sous ce régime.

- lundi 4 février : "Deux leaders des Brigades d'Al Quds assassinés lors d'une opération spéciale israélienne à Qabatiya". Lundi à l'aube une unité des forces spéciales israéliennes a pris le contrôle de plusieurs maisons de ce village de Cisjordanie et tendu une embuscade à un groupe de combattants des Brigades d'Al Quds, les prenant sous un feu nourri depuis les toits et en blessant trois. L'un d'eux a réussi à s'échapper. L'armée a ensuite bouclé le quartier, empêchant, comme d'habitude, et pendant plus de deux heures, les secours d'accéder aux blessés. Lorsque les équipes médicales ont enfin pu approcher elles ont trouvé "une grande quantité de sang et tous les deux étaient morts". Selon les sources médicales ils avaient reçu "de nombreux projectiles tirés à courte distance.

- lundi 4 février : "Un Palestinien meurt d'une crise cardiaque à un checkpoint israélien". Ali Al Faqeeh, 44 ans, a fait un arrêt cardiaque alors qu'il attendait à un poste de contrôle militaire près de Ramallah. Selon un témoin les soldats ne lui ont apporté aucune assistance et l'ont laissé gisant sur le sol, ne consentant à appeler une ambulance que lorsqu'il était déjà trop tard.

Les média ont l'habitude de distinguer deux catégories de Palestiniens : les pauvres victimes et les méchants terroristes. Rien entre les deux. Quelle fine analyse !! Et si ce vide s'expliquait par la rapidité avec laquelle on passe d'une catégorie dans l'autre ? Enfermé mardi, affamé mercredi, terrifié jeudi, humilié vendredi, endeuillé samedi, amputé dimanche, kamikaze lundi. Ça vous choque ? Pas moi.

François  Legeait
f.legeait@prioriteouverture.com

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