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Article paru dans l'édition du 19 février 2008 page 5

Bernard Kouchner mesure les limites du dialogue israélo-palestinien

En visite à Bethléem et à Jérusalem, le ministre français des affaires étrangères juge "trop lentes" les décisions entre les deux parties. Il les invite à restaurer un "climat de confiance"

JÉRUSALEM, BETHLÉEM (CISJORDANIE)
ENVOYÉE SPÉCIALE

Pour les Palestiniens de Bethléem en Cisjordanie, c'était un événement. Lors de sa troisième visite en Israël et dans les territoires occupés, samedi 16 et dimanche 17 février, le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, leur a fait l'honneur de commencer par leur ville.

Alors qu'un mois plus tôt, le président américain George Bush avait boycotté le maire de la cité, Victor Batarseh, en raison de son appartenance au Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) et de son élection en 2005 avec les voix du Hamas, deux partis "terroristes" selon les Etats-Unis, M. Kouchner a choisi de l'écouter. "FPLP, Hamas... Et alors ?", a commenté le ministre en marge de la visite. "Cet homme est en faveur du processus de paix, c'est la seule chose qui importe. Par ailleurs, Bethléem est un symbole : une ville entourée de murs affreux", a-t-il ajouté en allusion à la muraille de béton qui coupe la cité de la Nativité de sa voisine Jérusalem. "Tout l'argent de la communauté internationale ne nous rendra pas la liberté", a déclaré le maire.

Un passage dans les locaux de la maternité de la Sainte-Famille, l'ancien hôpital français de Bethléem, où le "french doctor" avait brièvement officié au début de la première Intifada (décembre 1987), a donné un aperçu de la situation. Ici, sur les 1 350 nouveau-nés, 13 % sont placés en soin intensif en raison du "stress et du climat politique".

Cette visite aura donné l'occasion au ministre de réitérer les positions de la France au Proche-Orient : le gel "immédiat et définitif" de la colonisation, la levée des barrages militaires israéliens et l'arrêt des tirs de roquettes palestiniennes sur Israël. Concernant la bande de Gaza, il a appelé à la levée du blocus et souligné qu'"il n'y a aucune différence entre les Palestiniens de Cisjordanie et ceux de Gaza", sous la férule du Hamas depuis juin 2007. "Un cessez-le-feu peut intervenir, ce serait une bonne chose", a-t-il estimé, tout en précisant que "ce n'est pas à la France de dire si Israël doit négocier ou non avec le Hamas".

A l'issue de ses entretiens avec le premier ministre, Ehoud Olmert, et la chef de la diplomatie, Tzipi Livni, M. Kouchner a relevé qu'Israël avait fourni des assurances sur des "progrès" dans les négociations politiques avec les Palestiniens. En dépit des 7,7 milliards de dollars que la communauté internationale s'est engagée à verser à l'Autorité palestinienne, lors de la conférence de Paris en décembre 2007, le bilan sur le terrain est plus que mitigé. "C'est lent, trop lent. Tout est bloqué", a martelé M. Kouchner, appelant chacune des parties à raviver un "climat de confiance".

 

PROJETS DU QUARTET

Loin du ton optimiste employé lors de sa première visite en septembre 2007, le ministre s'est échiné à faire accepter à ses interlocuteurs au moins deux des projets économiques pilotés par Tony Blair, l'émissaire du Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie, ONU) au Proche-Orient. L'accent a été mis sur la construction d'une station de traitement des eaux usées à Beit Layia, dans la bande de Gaza. Bien que ce projet soit dans l'intérêt des deux parties - la station existante, saturée, menaçant de polluer la nappe phréatique -, sa mise en oeuvre est bloquée. Israël refuse de laisser entrer à Gaza le ciment nécessaire, de peur que les groupes armés palestiniens ne s'en servent pour bâtir des "bunkers".

Dimanche soir, peu avant le départ du ministre français, le ministre de la défense israélien, Ehoud Barak, a fait une apparition inopinée. Il s'est engagé à autoriser, dès le lendemain, l'entrée de 40 tonnes de ciment par jour dans la bande de Gaza.

 

Cécile Hennion

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