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Article paru dans l'édition du 28 février 2008

Tuerie de Beit Hanoun : aucun militaire poursuivi

    JÉRUSALEM CORRESPONDANT

Il aura fallu presque seize mois pour que l'armée israélienne rende sa décision, mardi 26 février, sur la tuerie de Beit Hanoun qui, le 8 novembre 2006, avait provoqué la mort de dix-neuf civils Palestiniens, dont cinq femmes et huit enfants, dans cette ville située dans le nord de la bande de Gaza près de la frontière israélienne.

Après une enquête menée par le général Meir Kalifi, le procureur militaire, Avichaï Mendlblit, a estimé qu'il n'était pas "nécessaire de diligenter une enquête de la police militaire" sur cette bavure et qu'"aucune action légale ne sera engagée contre un quelconque responsable militaire en ce qui concerne cet incident".

Selon le communiqué officiel de Tsahal, la mort de ces dix-neuf civils et la vingtaine de blessés n'est pas "intentionnelle", mais due à "une rare et grave défaillance technique du système de radar de l'artillerie". D'après les conclusions de l'enquête, c'est la première fois que ce type d'incident se produit. Les tirs d'artillerie visaient des sites de lancement de roquettes Qassam à 450 mètres de Beit Hanoun, mais les obus sont tombés à la périphérie de la ville, principalement sur deux immeubles, à 5 h 30 du matin, tuant les civils endormis. A l'époque, au moins huit impacts d'obus avaient été relevés alors que les habitants faisaient état d'une quinzaine de tirs.

Le communiqué parle d'"un seul obus" et affirme qu'il n'y a pas de "lien de cause à effet entre le comportement des artilleurs et les conséquences de l'incident". Aucune "négligence" ne peut leur être imputée pas plus qu'aux officiers qui ont ordonné les tirs, et donc rien ne "peut justifier une action légale à leur encontre". Depuis, conclut le texte, "des conclusions ont été tirées pour que ce type d'incident ne se reproduise pas".

Pour les habitants de Beit Hanoun, cette salve d'obus avait été tirée "délibérément". "On pourrait admettre qu'il s'agisse d'une erreur s'il y avait eu un seul obus, mais pas tous ces tirs", avait déclaré au Monde, Omar Athamana, qui a perdu trois frères et deux cousins. Ce sont surtout deux familles qui ont été touchées. Dans l'une d'elles, une jeune femme de 25 ans, sa fille de deux ans et son bébé de six mois ont été tués. Plusieurs blessés touchés par éclats ont été amputés.

Cette tragédie avait soulevé l'indignation de la communauté internationale. Deux jours après, l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) avait demandé une enquête indépendante, estimant que celle qui serait menée par l'armée n'offrait pas toutes les garanties d'impartialité.

Le conseil des droits de l'homme de l'ONU avait également nommé une commission pour faire la lumière sur cette bavure. Mais en décembre 2006, le prix Nobel de la paix sud-africain, l'archevêque Desmond Tutu, nommé à la tête de la mission, s'est vu interdire l'accès à Israël et à la bande de Gaza.

Michel Bôle-Richard

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