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Article paru le 10 mars 2008

Shimon Pérès à Paris en terrain conquis

Shimon Pérès, président israélien, est aujourd’hui à Paris. Il doit être reçu en grande pompe à l’Élysée par Nicolas Sarkozy. Pérès est un vieux de la vieille, un peu l’archétype du politicien israélien rompu à toutes les attitudes. Il est prix Nobel de la paix (co-lauréat avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat), mais sait faire oublier son absence de carrière militaire par une phraséologie et une idéologie qui n’ont rien à envier à un général d’état-major.

Grand expert de la carotte et du bâton, il a le ton paternaliste des tenants des politiques coloniales (en cela, il n’est pas particulièrement israélien) et, dans une même interview, manie les vérités et les mensonges sans tressaillir. Ainsi, dans le Figaro de samedi, il affirme en expert que les relations entre la France et Israël « ne pourraient pas être meilleures. Nicolas Sarkozy a renouvelé l’Alliance atlantique en renouant avec les États-Unis et a donné un nouvel élan aux relations avec Israël ».

Hommage à la France encore lorsqu’il dit : « Grâce à elle, nous avons pu acquérir des armes pour défendre nos vies. » Mais à quatre-vingt-cinq ans, il peut aussi asséner des énormités. Jérusalem ? « La cohabitation s’y passe plutôt bien », affirme-t-il en soulignant qu’elle doit rester unifiée et en oubliant que le mur qui s’y construit vise à expulser la majorité des Palestiniens, et donc à judaïser la ville. L’occupation ? « J’aurais souhaité que nous mettions un terme à l’occupation depuis longtemps. Cela n’a pas été possible, parce que nous n’avions pas de partenaire », ose-t-il dire. Enfin, cerise sur le gâteau concernant l’utilisation de l’armée : « Il n’y a pas de solution militaire. Mais il n’existe pas de solution sans l’action militaire. » De la grande dialectique !

Le problème est bien que la politique française au Proche-Orient a changé. Les réactions mijaurées de Paris après les massacres de Gaza (plus de 110 morts) sont à comparer à l’émotion qui a saisi Sarkozy et Kouchner au lendemain de l’attentat de Jérusalem (8 morts). Shimon Pérès ne vient donc rien chercher à Paris sinon montrer que l’aura d’Israël est grande alors que se préparent les cérémonies du 60e anniversaire de la création de cet État et que le Salon du livre lui est consacré.

Que vont dire Sarkozy, Kouchner et Fillon ? Outre le sort du soldat franco-israélien Gilad Shalit, capturé par le Hamas, vont-ils évoquer celui du Franco-Palestinien Salah Hammouri, qui croupit dans les geôles israéliennes depuis plus de deux ans sans aucun procès et surtout sans aucune charge crédible ? Vont-ils parler du non-respect de la feuille de route par Israël, comme le montre l’annonce faite, hier, par le premier ministre israélien Ehud Olmert, qui a donné son feu vert à la construction de 750 nouveaux logements dans une colonie juive en Cisjordanie occupée ? Vont-ils s’émouvoir de l’attitude israélienne qui utilise la force de « manière disproportionnée » (pour reprendre les termes du secrétaire général de l’ONU) à Gaza, poursuit son bouclage des villes et des villages en Cisjordanie, ses incursions militaires et ses assassinats ciblés ? Pour l’heure, aucune déclaration ni de l’Élysée, ni de Matignon, ni du Quai d’Orsay, ne semble aller dans ce sens.

Pierre Barbancey

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