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Le Monde.fr - Israël refuse le cessez-le-feu proposé par le Hamas ...

Article paru dans l'édition du 27 avril 2008

Israël refuse le cessez-le-feu proposé par le Hamas en échange de la levée du blocus de Gaza

GAZA ENVOYÉ SPÉCIAL

Pour Khalil Abou Leila, haut responsable du Hamas, il ne faut pas confondre "trêve" et "accalmie". En arabe, la première situation s'appelle "hudna", répond à des conditions plus larges et s'étend sur une longue période de plusieurs années. La seconde est nommée "tahdiyeh", recouvre une situation spécifique et ne porte que sur plusieurs mois.

"Nous avons proposé les deux", explique Khalil Abou Leila, faisant référence à la proposition faite, jeudi 24 avril, par le Hamas d'une trêve par étapes en échange de la fin du blocus israélien à Gaza. "Il s'agit, dit-il, d'une hudna de dix ans avec la création de l'Etat palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale et la reconnaissance du droit au retour. En ce qui concerne l'accalmie, nous sommes prêts à un cessez-le-feu à condition que l'embargo soit levé, que les points de passage soient rouverts et qu'il n'y ait plus d'agressions israéliennes dans la bande de Gaza." Et d'ajouter : "Ce n'est pas difficile. Le problème, c'est qu'Israël refuse de payer le vrai prix, le prix de l'arrêt des combats, le prix de la création d'un Etat palestinien, le prix de la libération de Gilad Shalit. Notre position est claire. Nous sommes prêts à libérer le caporal israélien Shalit (enlevé en juin 2006), nous sommes prêts à cesser de lancer des roquettes sur Israël, nous sommes disposés à la trêve. C'est à Israël de décider."

Le gouvernement israélien a immédiatement refusé, vendredi, l'accalmie proposée par le Hamas, via l'intermédiaire de l'Egypte. Au départ, les islamistes voulaient que celle-ci s'applique conjointement à la bande de Gaza et à la Cisjordanie, et à la condition qu'elle soit, pour les deux camps, "réciproque et simultanée". Finalement, jeudi, au Caire, Mahmoud Zahar et Saïd Siam, ministres des affaires étrangères et de l'intérieur du gouvernement d'Ismaïl Haniyeh, ont accepté que ce cessez-le-feu de six mois commence à Gaza et soit, ensuite, étendu à la Cisjordanie. "Ce n'est pas sérieux, a affirmé David Baker, porte-parole du premier ministre Ehoud Olmert. Le Hamas cherche à gagner du temps pour se réarmer." Outre l'arrêt des tirs de roquettes, Israël exige qu'il n'y ait plus de contrebande d'armes à travers les tunnels creusés sous la frontière égyptienne et que le Mouvement de la résistance islamique cesse ses attaques.

Après cette rebuffade d'Israël, le dossier est désormais entre les mains d'Omar Suleiman, responsable des services de renseignement égyptiens. Il doit recevoir, mercredi au Caire, d'autres organisations de la bande de Gaza et devrait se rendre à Jérusalem pour présenter le résultat de ses tractations.

A défaut d'un accord formel, peut-on s'orienter vers un accord tacite de cessez-le-feu comme cela s'est produit par le passé ? Ce qui est sûr, c'est que le Hamas n'est pas disposé à faire cesser la contrebande d'armes. "Il faudrait aussi qu'Israël arrête aussi sa production", dit, sans rire, Khalil Abou Leila. En revanche, il garantit que plus aucune roquette ne partira de la bande de Gaza. "Il faut également, insiste-t-il, que le passage de Rafah soit ouvert." La question est de plus en plus vitale pour la population de Gaza, complètement emprisonnée depuis plus de dix mois. Les menaces d'agir par la force comme ce fut le cas le 23 janvier - lorsque des charges explosives ont détruit une partie du mur aujourd'hui reconstruite - sont claires, de la part des dirigeants islamistes. Ces derniers refusent qu'Israël ait un droit de regard sur Rafah comme c'était le cas avant. Ils ont proposé que les observateurs européens basés à Ashkelon le soient désormais à El Arich, en Egypte.

Pour montrer sa détermination, le Hamas a organisé, vendredi, une manifestation au point de passage d'Erez, au nord et une autre au sud, à Rafah. Le Caire a renforcé ses forces de sécurité à la frontière. "L'Egypte doit prendre ses responsabilités, faire preuve de solidarité avec le peuple palestinien. C'est une occasion à ne pas rater", note Ismaël Radwan, porte-parole du Hamas. Il estime que, du côté islamiste, tous les efforts ont été entrepris pour régler pacifiquement ce qu'il appelle "l'asservissement de Gaza". "Si l'ennemi sioniste choisit l'intervention massive, la résistance sera la seule option, avertit Khalil Abou Leila. Tout le monde est prêt à se battre et nous, nous n'avons pas peur de la mort. C'est pour cela que l'on emportera la victoire."

 Michel Bôle-Richard

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