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Le non-retour d'une cinéaste à Ramallah

Article paru dans l'édition du 09 mai 2008

La jeune réalisatrice palestinienne Annemarie Jacir espérait montrer début mai en avant-première son premier long métrage, Le Sel de la mer, à Ramallah, dans le camp de réfugiés d'Amari, avant sa présentation au prochain Festival de Cannes dans la sélection Un certain regard. Une projection en plein air était prévue, avec les comédiens, notamment Suheir Hammad et Saleh Backri, et toute l'équipe de ce film qui a nécessité cinq ans de lutte acharnée avant de voir le jour.

Depuis Amman, en Jordanie, Annemarie Jacir a tenté d'entrer en Cisjordanie le 30 avril, mais, raconte-t-elle, "arrivée à 10 heures du matin sur le pont Allenby, les Israéliens m'ont gardée pendant près de six heures, au cours desquelles j'ai été interrogée cinq fois". Son téléphone a été confisqué. La scène s'est conclue de façon abrupte et la cinéaste a été éconduite par un : "Le ministre de l'intérieur israélien a refusé votre entrée (...) vous avez déjà passé trop de temps ici (en Cisjordanie)."

Escortée par deux agents, la jeune femme, qui vit à Ramallah, a été remise à bord d'un autobus qui repartait en Jordanie. La projection a été annulée. La réalisatrice n'est pas autorisée à retourner en Palestine depuis neuf mois, et cet épisode fait suite aux multiples difficultés qui ont émaillé la genèse de ce premier long métrage.

Le problème le plus complexe a d'abord été de rassembler dix-sept sources de financement différents, dont huit coproductions internationales (France, Suisse, Belgique, Pays-Bas, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Espagne et Palestine) pour boucler un budget somme toute modeste dans le cinéma (moins de 1 million d'euros), explique le producteur Jacques Bidou. Le Sel de la mer a été tourné en Cisjordanie.

DÉCOR DE SECOURS

Transportée dans des voitures du Consulat français à Ramallah, la pellicule était régulièrement envoyée au laboratoire en Suisse. Malheureusement, la scène finale de l'arrestation a été sinistrée, la pellicule étant surdéveloppée. Annemarie Jacir n'a pas été autorisée à revenir tourner à nouveau cette scène en Cisjordanie et Marseille a, in fine, servi de décor de secours.

Le film, assez autobiographique d'Annemarie Jacir, raconte l'histoire d'une jeune femme, Soraya, élevée à Brooklyn, qui décide de rentrer s'installer en Palestine, pays d'où sa famille s'est exilée en 1948. Et où il est, comme ce qui vient de lui arriver, difficile de revenir.

Nicole Vulser

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