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Article paru dans l'édition du 14 mai 2008

Marche palestinienne du souvenir
à Jérusalem-Ouest

JÉRUSALEM CORRESPONDANT

ls n'étaient que deux cents, dimanche 11 mai. Tous vêtus d'un T-shirt noir avec ces deux inscriptions : "survivant de la Nakba" et "c'est ma maison". La Nakba pour les Palestiniens, c'est la "catastrophe", ces journées de 1948 au cours desquelles 770 000 d'entre eux ont été chassés ou ont quitté leur maison sous la pression des forces juives, après la partition de novembre 1947. Beaucoup ont cru que ce départ serait provisoire. Mais le sort des armes en a décidé autrement. Et le 14 mai 1948, David Ben Gourion a proclamé la naissance d'Israël.

Soixante ans plus tard, alors que l'Etat juif fête cet anniversaire, les Palestiniens veulent faire savoir que, pour eux, ce jour signifie une dépossession. C'est pour cela qu'un groupe de huit femmes a décidé de procéder à un pèlerinage sur les lieux où vivaient les Palestiniens de Jérusalem-Ouest et qui, aujourd'hui, sont devenus la propriété d'Israéliens. Une sorte de chemin de croix dans les quartiers cossus de Talbiyeh et de German Colony. Une procession avec arrêt devant une quinzaine de maisons pour expliquer qu'avant 1948, ces demeures appartenaient à des familles aisées palestiniennes qui, depuis, n'ont jamais pu y revenir ni être dédommagées.

En silence, sans pancartes, ni calicots, tenant juste entre les mains des photos des propriétés de l'époque, les descendants de ces familles ont défilé sagement, escortés par les policiers et les journalistes, dans ce dédale de souvenirs. Certains bâtiments portent toujours les initiales des anciens occupants. Mais aujourd'hui, les drapeaux israéliens flottent sur les balcons.

Devant ce qui fut sa maison, Béatrice Habesch ne peut retenir ses larmes. Cette vieille dame évoque avec douleur les circonstances de son éviction. Diana Husseini explique qu'elle avait 7 ans à cette époque mais qu'elle se souvient toujours. "Aujourd'hui, dit-elle, nous avons voulu montrer juste un petit échantillon de cette tragédie : 511 villages et bourgs rayés de la carte ; 85 % de la population expulsée, et à Jérusalem et dans ses faubourgs, ce sont 73 000 Palestiniens qui furent contraints de partir. Au moins cinq mille maisons ont changé de propriétaires." Le nouvel Etat juif a rapidement promulgué "la loi des absents" qui, entre le mois de novembre 1947 et le mois de septembre 1948, a exproprié tous ceux qui avaient quitté leur domicile ou avaient été chassés et qui se trouvaient désormais dans des territoires considérés comme ennemis, c'est-à-dire principalement l'est de Jérusalem ou la Cisjordanie, alors sous le contrôle des Jordaniens.

L'une des organisatrices, Mona Halaby, ne se fait guère d'illusion sur ce qu'elle appelle "une marche funéraire". Elle sait qu'elle a un caractère tout à fait "symbolique". Mais pour elle, il est important de "faire prendre conscience aux Palestiniens qu'ils ont un patrimoine et une nation et au monde que l'Etat d'Israël s'est constitué sur une énorme spoliation". Pour Houda Imam, "l'injustice qui a été faite aux Palestiniens ne doit jamais être oubliée jusqu'à ce que nos droits soient reconnus et que nous puissions vivre ensemble".

Michel Bôle-Richard

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