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Article paru le vendredi 30 mai 2008

http://www.humanite.fr/2008-05-30_International_Que-veut-le-HamasQue veut le Hamas ?

Que veut le Hamas ?

Terroriste ou pas ? Khaled Hroub dresse le portrait du Hamas,
ce parti qui a commis un putsch à Gaza, cassant l’unité palestinienne.

Envoyée spéciale.

Le mouvement Hamas, qui a pris le pouvoir par les armes dans la bande de Gaza en juin 2007, après avoir gagné démocratiquement les élections législatives de janvier 2006 et participé à un gouvernement d’union nationale, reste l’objet de multiples interrogations. Les États-Unis, suivis par l’Union européenne, l’ont classé « organisation terroriste » avec qui tout contact est interdit. Georges Bush se tient obstinément à cette attitude, qui est également celle d’Israël : le gouvernement d’Ehoud Olmert est allé jusqu’à décréter la bande de Gaza « entité hostile » depuis que le Hamas y a pris le pouvoir.

Pourtant le front anti-Hamas a commencé à se lézarder. L’ancien président américain Jimmy Carter a rencontré à Damas en avril le chef de l’organisation, Khaled Mechal, brisant d’un coup deux tabous : parler au Hamas et aux dirigeants syriens. Depuis, on a appris qu’un ancien ambassadeur de France, Christian de la Maizuzière, avait lui aussi rendu visite aux dirigeants du Hamas à Gaza. Et Israël, tout en continuant d’arroser de bombes la bande de Gaza, a reconnu avoir des contacts indirects avec eux pour la conclusion d’une trêve - arrêt des tirs de Kassam depuis la bande de Gaza contre fin des bombardements israéliens - via le général Soleiman, chef des services de renseignements égyptiens.

Qui est ce « diable », tout droit sorti de « l’empire du mal », avec qui on dialogue du bout des lèvres ? Un livre vient de lui être consacré par Khaled Hroub (1), universitaire palestinien qui enseigne à l’université de Cambridge. Il y rappelle les origines de ce parti dont l’acronyme, Hamas, signifie « Mouvement de la Résistance islamique ». Très lié idéologiquement au Mouvement des Frères musulmans égyptiens - ce qui explique sa forte présence à « Gaza l’égyptienne » - le mouvement est né en 1978 mais ne s’est implanté dans les territoires occupés qu’à partir de la Première Intifada (1987).

Pour Khaled Hroub, le succès du Hamas n’est pas le signe d’une adhésion de la société palestinienne aux thèses islamistes. « Le vote Hamas était un vote sanction contre l’échec du Fatah et

celui du processus de paix, avec l’idée que, pour mettre fin à l’occupation, il ne faut pas négocier mais résister, comme l’a fait le Hezbollah au Liban. »

Cet enracinement dans la résistance fait, pour Khaled Hroub, l’originalité du Hamas par rapport à d’autres mouvements islamistes. « Son but n’est pas l’État islamique mais la libération de la Palestine de l’occupation israélienne », dit-il. Et il ajoute : « C’est un mouvement avant tout pragmatique, qui a beaucoup évolué en peu de temps. Parti de la libération de toute la Palestine et de la destruction d’Israël, buts proclamés de "l’ancien Hamas", le "nouveau Hamas" en est arrivé à l’acceptation des frontières de 1967 et à la reconnaissance implicite d’Israël, ce qui ressort des déclarations de Khaled Mechal comme d’Ismaïl Haniyeh. Son autre originalité, c’est que contrairement aux autres organisations palestiniennes, il a su préserver son unité. Mais il est conscient qu’on lui reproche les combats inter-Palestiniens de l’an dernier qui ont beaucoup choqué la population. Il sait aussi qu’il a besoin d’une « ombrelle » pour être accepté internationalement. D’où les tentatives de réconciliation avec le Fatah, qui pourraient aboutir.

(1) Le Hamas. Éditions Démopolis. 240 pages. 20 euros.

Françoise Germain-Robin

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