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lemondefr_pet.gif   Article paru dans l'édition du 04 novembre 2008

Reportage

La radicalisation de certains colons inquiète les autorités israéliennes

 

KIRYAT ARBA ENVOYÉ SPÉCIAL  - Michel Bôle-Richard

 

Noam Federman n'est pas du genre à se laisser impressionner. Déambulant dans les ruines de sa maison, cet homme de 39 ans n'a pas l'intention de se laisser déloger de l'endroit où il s'est installé avec une autre famille depuis trois ans. "J'y suis, j'y reste, et si l'on m'expulse, je reviendrai."

Militant d'extrême droite proche des idées du rabbin Meir Kahane assassiné aux Etats-Unis en 1990, cet ultra nationaliste religieux refuse de répondre lorsqu'on lui demande si la terre sur laquelle il s'est installé appartient à des Palestiniens. Il se contente de montrer le ciel du doigt. Un peu plus loin, un drapeau orange flotte au vent avec l'inscription "La terre d'Israël appartient au peuple d'Israël".

M. Federman ne comprend pas commen le gouvernement de son pays a pu ordonner la destruction de ce qu'il appelle sa ferme, un arpent de terre de trois hectares au pied d'une colline sur lequel a été construite la colonie de Kiryat Arba qui jouxte la ville d'Hébron. Il traite le premier ministre Ehoud Olmert de tous les noms ainsi que le ministre de la défense, Ehoud Barak.

Ce dernier a envoyé ses hommes, dimanche 26 octobre, pour raser les trois bâtiments qui avaient été édifiés pour loger sa famille et ses animaux de ferme. "J'ai neuf enfants et chacun de mes enfants aura neuf enfants. Nous sommes l'avenir de ce pays. C'est pour cela qu'ils nous haïssent, mais ils ne nous détruiront pas." Au total, dix-sept personnes vivaient là. Dans la nuit du dimanche au lundi, les bulldozers ont tout rasé sans laisser le temps aux occupants de prendre leurs biens.

Depuis, c'est la guerre ! "Nous souhaitons aux militaires de Tsahal d'être abattus par leurs ennemis. Nous les maudissons, nous leur souhaitons de devenir tous autant qu'ils sont des Gilad Shalit (le soldat israélien enlevé en juin 2006 dans la bande de Gaza), qu'ils soient tués, égorgés", s'est emporté Shmouel Ben Yshaï, un colon de Hébron, partisan du Grand Israël. Des propos qui ont scandalisé. M. Olmert a demandé une sanction exemplaire. Finalement, l'auteur des insultes a écopé d'une amende.

Dans la semaine, l'un des bâtiments a été reconstruit, mais il a été de nouveau jeté à terre, jeudi, par les gardes-frontières. Ce qui a déclenché d'autres échauffourées entre jeunes colons excités et forces de sécurité. Plusieurs gardes-frontières ont été blessés par des jets de pierres.

Le rabbin de Kiryat Arba, Dov Lior, a accusé les forces de l'ordre de "se comporter comme les nazis en Pologne". En représailles, les colons se sont attaqués aux Palestiniens vivant à proximité. Ils ont vandalisé des maisons, coupé des arbres, endommagé des voitures, brûlé des pneus, profané un cimetière.

Les escarmouches sont devenues presque quotidiennes. Elles se produisent dans la soirée entre les forces de l'ordre stationnées sur place et les jeunes colons extrémistes descendus de Kiryat Arba pour soutenir la "ferme Federman" comme ils l'appellent. Son emplacement est bien choisi : l'annexion de ces terres permettrait de créer un lien entre Kiryat Arba et la colonie voisine de Ramat Mamre. Des Jeep et des soldats gardent l'accès à la ferme Federman. Sur place, quelques jeunes soudent des barres métalliques pour dresser les structures des bâtiments à reconstruire.

Ces incidents entre colons et forces de sécurité israéliennes sont de plus en plus fréquents, en augmentation de 12 % par rapport à la même période en 2007. Yesha, le Conseil des communautés juives en Judée et Samarie (Cisjordanie) est débordé, même s'il condamne la démolition de la ferme implantée là depuis dix ans. Les autorités estiment que la situation ne plus durer et qu'il est "inadmissible" que les soldats soient la cible des colons radicaux.

M. Olmert, lors du conseil des ministres, dimanche 2 novembre, a qualifié ces agissements d'"intolérables". Le gouvernement a, en outre, décidé de "stopper immédiatement tout financement, qu'il soit direct ou indirect, d'avant-postes illégaux ou de leurs infrastructures". C'est la première fois qu'un tel engagement est pris.

Il existe plus d'une centaine de colonies sauvages. Dès 2001, Ariel Sharon, alors premier ministre, avait promis de les démanteler. Elles sont toujours là et leurs occupants sont désormais une source d'inquiétude pour le pouvoir.

 

Michel Bôle-Richard

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