Retour

http://pubs.lemonde.fr/5/WWW_autres/1466919364/x01/default/empty.gif/63333932666639383461306538333230

http://medias.lemonde.fr/mmpub/img/lgo/lemondefr_pet.gif Article paru dans l'édition du 13 mai 2009

http://pubs.lemonde.fr/5/WWW_autres/1100405694/Top3/default/empty.gif/63333932666639383461306538333230

A Jérusalem, le pape mesure les difficultés de sa visite

PORTRAIT

Le vicaire David Neuhaus, bâtisseur
de ponts entre Arabes et Israéliens

Le vicaire David Neuhaus ne se considère pas comme un converti, encore moins comme un « traître » à la religion juive. « Je n'ai jamais abandonné le judaïsme car je n'ai jamais été un juif croyant et pratiquant », tient-il immédiatement à préciser. De parents juifs installés en Afrique du Sud après avoir fui l'Allemagne et le nazisme en 1936, il est venu à Jérusalem à l'âge de 15 ans, envoyé par son école privée de Johannesburg. C'est à cette occasion qu'il fait la rencontre de sa vie : celle de la mère abbesse de l'église Sainte-Marie-Madeleine, une religieuse russe orthodoxe très âgée, impotente, qui deviendra sa « mère spirituelle ». « Elle n'a jamais voulu que je sois chrétien, seulement croyant et bon juif. Mais la figure du Christ m'a fasciné. »

La trajectoire de David Neuhaus est désormais toute tracée. Il fait part de ses intentions à ses parents qui ne comprennent pas comment il peut rejoindre « le camp des loups, les chrétiens, qui ont persécuté les juifs pendant des siècles ». Devenu Israélien, il promet d'attendre dix ans avant de s'engager. Dix années au cours desquelles il va étudier à l'Université hébraïque de Jérusalem, lire les Evangiles et même étudier dans une yeshiva (école talmudique) pour être sûr de la voie choisie. « L'appel du Christ est devenu de plus en plus fort. Ce ne fut pas une révélation, mais une découverte. »

Baptisé en 1988, il choisit d'entrer chez les jésuites, « ces juifs de l'Eglise », comme il le souligne, parce qu'ils laissent « plus de place à l'individu, à l'esprit critique, à l'intellect ». Ses études l'amènent aux Etats-Unis, en Egypte, en France et en Italie, et s'achèvent avec une licence pontificale en exégèse.

LES PEURS ET LES STÉRÉOTYPES

Il enseigne aujourd'hui cette discipline au séminaire de Beit Jala, près de Bethléem, et à l'Université catholique de cette même ville. A 47 ans, accédant à la fonction de vicaire pour les catholiques d'expression hébraïque, David Neuhaus n'a pas abandonné un engagement ancien en faveur de « la justice et de la paix en Israël-Palestine ». Pendant de longues années, il a milité dans des organisations de droits de l'homme. Il était un prêtre engagé, mais, aujourd'hui, ses fonctions l'obligent à plus de discrétion. Ce combat, il l'a commencé dès son adolescence en Afrique du Sud. Il militait contre l'Apartheid et donnait des cours à des Noirs privés d'écoles après les émeutes de Soweto en 1976.

Quel parallèle dresse-t-il entre les deux situations ? « En Afrique du Sud, l'idée principale était la séparation. Ici, on veut faire disparaître les Palestiniens. On les encourage à partir. »

Sa mission principale est d'établir des ponts car « les gens vivent dans leur peur, dans leurs convictions qui sont basées sur des stéréotypes, dans ce complexe de victimes. Je passe d'un côté à l'autre pour dire aux Israéliens que les Arabes ne sont pas des monstres et aux Arabes que les Israéliens ne sont pas, eux non plus, des monstres. Pour le moment, nous avons échoué », reconnaît-il, avant d'ajouter : « Je me souviens que 1985, en Afrique du Sud, fut une année particulièrement dramatique. Qui aurait pensé que moins de dix ans plus tard, l'Apartheid serait aboli ? C'était impensable ! »

Pour David Neuhaus, tous les conflits finissent par se terminer. Il espère que le travail entrepris par les défenseurs des droits de l'homme changera les mentalités. « Je veux être là pour le renforcer, pour le conforter, pour l'encourager, car je suis sûr, absolument sûr, que Dieu ne nous abandonnera pas. »

Alors, bien que les chrétiens soient de moins en moins influents sur ces terres déchirées, l'ecclésiastique parlant hébreu et arabe rêve d'être un trait d'union. Il est convaincu qu '« actuellement, l'attitude de refus persiste car le conflit reste «bon marché». Quand le prix à payer sera trop élevé, des solutions vont émerger ».

Michel Bôle-Richard

Retour