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Liberté hebdo – 29 juillet 2009

Le débouté a de quoi être dégoûté

L’appel au boycott des produits israéliens est « condamnable », selon la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’a pas voulu recevoir les arguments de l’ancien maire de Seclin.

S’en prendre, fût-ce de manière symbolique, à la politique meurtrière anti palestinienne de certains dirigeants israéliens, en l’occurrence le Premier ministre Ariel Sharon, n’est pas bien vu en haut-lieu dans notre pays. Visiblement, en Europe non plus. Jean-Claude Willem l’apprend à ses dépens : l’ancien maire de Seclin vient d’être débouté par la Cour européenne des droits de l'homme.

Poursuivi en justice par des représentants de la communauté israélite du Nord, relaxé en première instance, condamné en appel interjeté par l’Etat, Jean-Claude Willem s’était vainement pourvu en cassation. Voilà que son ultime recours maintient sa condamnation à une amende de mille euros. La juridication européenne n’a rien voulu savoir. Faisant peu de cas du contexte de 2002 (lire ci-dessous) dans lequel l’élu communiste seclinois avait pris la décision de demander aux services de restauration de sa ville de boycotter les produits israéliens, six juges européens sur sept ont estimé que sa liberté d’expression n’avait « pas été violée ». On ne l’aurait donc pas condamné pour ses opinions politiques, mais « pour avoir incité la population à un acte discriminatoire ». L’élu et le tribunal correctionnel de Lille sont froidement désavoués. Sauf par le juge tchèque Karel Jungwiert, pour qui les déclarations incriminées reflètent « l'expression d'une opinion ou d'une position politique d'un élu sur une question d'actualité internationale ».

L’affaire était allée très loin. Jusqu’à des injures et menaces de mort sur le site internet de la municipalité de Seclin.

En 2003, lorsque le procureur général de Lille – sur ordre de Dominique Perben, Garde des Sceaux – avait fait appel de la relaxe de Jean- Claude Willem, ce dernier avait souligné à juste titre : « À travers le cas du maire de Seclin, on veut lancer un avertissement à celles et ceux qui ont l'intention de donner leur opinion sur la politique de M. Sharon ».

Quant le gouvernement s’en mêle…

Six ans et d’autres atrocités contre les Palestiniens ont passé : souvenons-nous de Gaza, en début d’année. L’ancien élu n’a pourtant pas réussi à faire valoir que son appel au boycottage s'inscrivait dans un débat politique portant sur le conflit israélo-palestinien et relevait de l'intérêt général.

La fédération Nord du PCF, déplorant la décision de la Cour européenne « qui pénalise le geste politique fort d’un élu citoyen », a réaffirmé sa « solidarité » avec l’ancien maire de Seclin. Et de s’interroger : « Le droit du commerce peut-il être érigé au-dessus de toute autre considération ? »

Solidarité également, exprimée dans une lettre, de la part de Denise Hamouri, la mère du jeune Français d’origine palestinienne emprisonné injustement par Israël depuis quatre ans. Dans un texte commun, l’Association France-Palestine Solidarité Nord-Pas-de- Calais, l’Union juive française pour la paix et la Communauté palestinienne du Nord regrettent « un jugement qui risquerait, à suivre l’arrêt de la Cour, d’interdire le débat et la mobilisation contre un Etat criminel ». Ce qui, pour ces associations, est « hors de question ».

Albert LAMMERTYN

 

De Jénine à Strasbourg

Israël attaque le peuple palestinien.

Jean-Claude Willem attaque Israël. L’Etat français attaque Jean-Claude Willem, qui est condamné. A Strasbourg, la Cour européenne s’aligne sur l’Etat français. Tels sont les faits majeurs d’un dossier qui date de 2002. L’année où le maire de Seclin avait demandé aux services de restauration de la ville de « boycotter les produits israéliens ».

Il ne se doutait sûrement pas de l’ampleur que prendrait cet appel, qu’il convient de replacer dans son contexte : celui du massacre du camp de réfugiés de Jénine, du 3 au 11 avril de cette année-là. Tout un quartier du camp avait été passé au bulldozer par l’armée de Tel-Aviv.

Radios, télévisions et presse écrite s’emparèrent des propos de Jean-Claude Willem après la plainte déposée auprès du procureur de la République par l'Association culturelle israélite du Nord, pour laquelle toute critique de l’Etat israélien semble devoir être assimilée à de l’antisémitisme.

Dans la foulée, le maire de Seclin recevait le soutien, au nom de la liberté d'expression, des fédérations du Nord du PCF et du PS, de la Ligue des droits de l'homme, du MRAP, de l'association France-Palestine Solidarité et de l'Union juive française pour la paix.

Précisons que Seclin, en 2002, ne comptait aucun produit israélien parmi ses fournitures. La décision du maire communiste était donc purement symbolique, en plus de hautement politique.

AL

 

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