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    logohuma-small.gif                                 Article paru le 9 Septembre 2009 page 2

 

Marwan Barghouti ou le devoir de résistance

 

Fête de l’Humanité . La Promesse, écrits de prison 2002-2009, du dirigeant du Fatah emprisonné à vie en Israël, sera en vente au village du livre.

Voici un livre qu’il faut absolument lire. Publié à l’initiative du Comité pour la libération de Marwan Barghouti et de tous les prisonniers, la Promesse, écrits de prison, comme l’écrit la directrice d’Arcane 17, Marie-Pierre Vieu, « est la somme des lettres, communiqués, appels et interviews politiques » que le dirigeant palestinien « a réalisés depuis sa prison, entre 2002 et 2008 », à quoi s’ajoute, en postface, une adresse de Barghouti aux délégués du 6e Congrès du Fatah (août 2009), à Bethléem. Dans la préface, son épouse Fadwa, avocate, rappelle que l’enlèvement de Marwan Barghouti par les militaires israéliens est « une violation flagrante des accords d’Oslo signés » entre l’OLP et Israël, « puisqu’il était député et bénéficiait à ce titre de l’immunité diplomatique, et que son rapt a eu lieu » à Ramallah, ville sous administration de l’Autorité palestinienne.

Une plaidoirie, véritable procès de l’occupation israélienne

C’est d’ailleurs sur la plaidoirie prononcée, en hébreu, devant une juridiction israélienne, qu’il qualifie de « tribunal d’occupation », que s’ouvre la Promesse, écrits de prison. Une plaidoirie, véritable procès de l’occupation israélienne, sans doute la partie la plus importante du livre, qui plonge d’emblée le lecteur dans l’histoire de la Palestine, depuis le vote onusien la partageant en deux États jusqu’à la deuxième Intifada de septembre 2000. De ce fait, la lecture de ce chapitre de 44 pages d’une clarté remarquable est un préalable nécessaire à celle des chapitres suivants.

Le procès de l’occupation est mis en perspective d’abord à travers la création d’Israël qui, au lieu d’être établi comme État sur les 56 % de la Palestine historique qui lui avait attribué à l’ONU, va en profiter pour s’étendre et en occuper 78 %. Une situation qui est à l’origine de la Naqba, « la catastrophe subie par le peuple palestinien ». « 114 massacres dans 114 villages, quartiers et villes (…) expulsion collective et coercitive des Palestiniens » et « destruction de plus de 500 villages palestiniens (…) même les églises et les mosquées n’échappent pas à cette opération de destruction massive », écrit Barghouti. Il rappelle, en outre, les multiples violations des résolutions onusiennes, à commencer par la 194, votée en 1949, qu’Israël avait acceptée et qui lui faisait obligation de réintégrer et d’indemniser les centaines de milliers de Palestiniens chassés de leurs terres.

Vient ensuite la guerre de juin 1967 qui se traduit par l’expropriation de 300 000 Palestiniens. Plaçant durant quarante ans - 1967-2007 - la Cisjordanie et Gaza sous administration militaire, régie par des lois d’urgence. Outre la répression quasi-permanente contre ceux qui refusaient l’occupation, Israël a non seulement poursuivi sa politique de destruction des habitations et des infrastructures socio-économiques palestiniennes (agriculture, industrie, écoles, réseau de distribution d’électricité et d’eau, réseau routier, système de santé), de confiscation des terres, mais il interdisait aux Palestiniens, soumis de surcroît à des impôts écrasants, tout développement d’infrastructures (réseau d’alimentation en eau potable, électrique, téléphonique, routes, construction d’écoles, développement du système de santé…). Avant de conclure que les Israéliens « se conduisent dans les terres palestiniennes occupées comme si elles étaient inhabitées », « des terres disponibles », niant, à l’instar de Golda Meir, l’existence du peuple palestinien ! Appliquant « un plan de judaïsation systématique », Israël « chasse et exile », poursuit Barghouti ! Une politique répressive qui a fini par provoquer, en 1987, la première Intifada, contraignant Israël à la négociation, avant d’aboutir à la signature des accords d’Oslo, en 1993. Des accords, écrit encore Barghouti, que les « Palestiniens considèrent alors comme une réconciliation historique », « le début de la fin de l’occupation », « une occasion de paix entre les deux peuples », le début d’une ère nouvelle avec l’instauration de l’Autorité palestinienne et le retour des dirigeants exilés.

Plus loin, il fait un constat amer sur ces accords. La libération des prisonniers se fait au compte-gouttes. Le retrait total de Cisjordanie - à peine 16 % du territoire concédé aux Palestiniens - n’a pas eu lieu. En revanche, la colonisation s’est poursuivie : Israël a construit plus de logements à compter de 1993 que durant la période 1967-1993. Autrement dit, Israël, y compris sous le gouvernement Rabin, n’a pas respecté ses engagements, en vue d’un retrait total, fixé à fin 1995. L’armée israélienne est accusée par Barghouti d’avoir tout fait pour torpiller ces accords, allant jusqu’à refuser les recommandations de Charm el-Cheikh… C’est dans ce contexte aggravé que survient la provocation d’Ariel Sharon sur l’esplanade de Jérusalem, le vendredi 29 septembre 2000, jour de grande prière. La suite ! Un soulèvement généralisé (la deuxième Intifada) et une réaction israélienne brutale, au point où Barghouti se demande comment un peuple qui a connu les affres du nazisme peut se transformer à son tour en oppresseur d’un autre peuple : plusieurs milliers de morts, plus de 5 000 arrestations, des assassinats ciblés de dirigeants, dont celui d’un négociateur d’Oslo, Thabit Thabit. Aussi, analyse-t-il cette deuxième Intifada comme la conséquence de l’échec du processus de paix. Tout en pointant la dérobade des Occidentaux, notamment Washington, Marwan Barghouti, qui plaide pour un devoir de résistance à l’occupation, demande aux Israéliens « de changer leur vision des Palestiniens », à savoir que « ces derniers sont leurs voisins » et qu’ils aspirent à vivre en paix.

Ne fermant pas la porte, le dirigeant palestinien décline, en fin de plaidoirie, une série de propositions de sortie de crise car, assure-t-il, ni la force militaire ni la répression ne constituent des solutions.

Quant aux autres écrits et entretiens contenus dans le livre, ils complètent cette remarquable analyse politico-historique de la situation palestinienne et nous montrent à voir un dirigeant ayant la stature d’un homme d’État.

La Promesse, écrits de prison 2002-2009, de Marwan Barghouti, les Éditions Arcane 17, Paris, août 2009. 17 euros.

Hassane Zerrouky

http://www.humanite.fr/2009-09-09_L-Evenement_Marwan-Barghouti-ou-le-devoir-de-resistance

 

 

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