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Le Monde.fr                                                                       Article paru dans l’édition du 21 Octobre 2009

Projection-débat dans le vif du sujet à Ramallah

 

Par Benjamin Barthe à Ramallah

 

http://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/10/20/projection-debat-dans-le-vif-du-sujet-a-ramallah_1256312_3476.html

 

La présentation de Rachel à Ramallah commence par une séance de retrouvailles entre militants de la galaxie anti-occupation. Il y a des Palestiniens, un contingent d'internationaux et une poignée d'Israéliens, venus en clandestins. Vétérans ou débutants, ces frères de manifs, familiers des bastonnades de l'armée israélienne, s'apostrophent devant l'entrée d'Al-Kassaba, le cinéma du centre-ville.

Mais, ce vendredi 9 octobre, la réunion de famille a un parfum solennel. Car Rachel Corrie, l'héroïne du documentaire de Simone Bitton, est entrée au panthéon de la lutte contre le système colonial israélien. Le rappel de son parcours, tragique et lumineux, a placé la projection sous le signe de l'introspection. "Elle aurait pu être ma fille, confiait Simone Bitton. Elle fut, en beaucoup plus courageuse, la jeune fille que j'ai été. C'est à son âge que j'ai commencé à manifester contre l'occupation israélienne. Mais ma génération a lamentablement échoué. Je regarde avec une inquiétude presque maternelle les jeunes militants qui héritent de ce fardeau terrible."

Le film est projeté dans un silence recueilli. La lumière revenue, la réalisatrice explicite sa démarche : "Une déconstruction des mécanismes du mensonge ou comment l'armée israélienne, sous couvert d'enquête officielle, parvient à blanchir les pires exactions. Israël est un petit pays et j'y connais des personnes qui m'ont fourni des témoignages et des documents inédits, explique Simone Bitton. En revanche, la bande de Gaza étant interdite d'accès aux Israéliens, même aux journalistes et même à ceux disposant comme moi d'une seconde nationalité, je n'ai pas pu y suivre mon équipe. J'ai dû diriger son travail par téléphone, plan par plan."

Dans les rangs, en dépit de l'émotion et de la reconnaissance, on sent un léger voile de déception. Une femme évoque "une tragédie grecque", tandis que l'universitaire palestinienne Islah Jad remarque que "le mot résistance n'apparaît que dans la bouche d'un militant israélien".

Village-étendard

Le débat se poursuit dans la rue. Salah Abdel Jawwad, professeur de sciences politiques à Bir Zeit, applaudit "la force des images et du montage", mais déplore que le film se concentre sur les causes de la mort de Rachel. "Il aurait fallu davantage montrer l'occupation, expliquer que les Palestiniens sont des réfugiés eux-mêmes, chassés de leur domicile pour la deuxième, voire la troisième fois. C'est ça le plus important."

L'Israélien Michel Warshavski, pionnier du combat contre l'occupation israélienne, salue pour sa part "le portrait réussi d'une nouvelle génération politique". Celle de l'International Solidarity Movement (ISM), dont Rachel Corrie faisait partie, et de Bi'lin, ce village-étendard qui lutte depuis quatre ans contre l'annexion de ses oliveraies par la barrière de séparation israélienne. "Alors que notre génération se battait parce qu'elle se croyait sûre de gagner, celle-là s'engage sur un réflexe moral, parce qu'il faut le faire, dit-il. Elle trouve sa force dans l'acte de résistance lui-même."

 

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