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http://medias.lemonde.fr/mmpub/img/lgo/lemondefr_pet.gif Article paru dans l'édition du 11 novembre 2009

Accueil très réservé
pour M. Nétanyahou à Washington

Les désaccords persistent à propos des colonies,
sur lesquelles le premier ministre israélien reste inflexible

Aucune caméra n'était présente, lundi 9 novembre, pour filmer la poignée de main entre le président américain, Barack Obama, et le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, dans le bureau Ovale. Lors de leur première rencontre, le 18 mai, les deux hommes avaient passé plusieurs heures ensemble et partagé un déjeuner de travail. Une conférence de presse commune avait été organisée, mais elle avait surtout souligné leurs divergences. Quand Benyamin Nétanyahou disait « Iran », Barack Obama répondait « gel des colonies » de peuplement.

Six mois plus tard, le paysage a nettement changé. De lui-même, le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs, a mentionné l'Iran parmi les sujets qui seraient abordés en priorité pendant l'entretien. Le communiqué publié par la Maison Blanche à l'issue de la rencontre est laconique. « Le président a fait part de la force de notre engagement à l'égard de la sécurité d'Israël », indique-t-il. Le texte ne fait pas mention du gel des colonies, même si, dans la journée, le porte-parole a démenti toute inflexion à ce sujet. « La politique du gouvernement des Etats-Unis, depuis des décennies, c'est la fin de la colonisation ; ce n'est pas une nouveauté de cette administration », a-t-il dit.

M. Nétanyahou se trouvait à Washington pour participer à la conférence des fédérations juives d'Amérique du Nord. Il y a tenu un discours des plus conciliants, appelant les Palestiniens à « saisir le moment historique » et à « commencer immédiatement les pourparlers ». « Assez de négociation sur la négociation, a-t-il lancé. Allons de l'avant. »

L'entretien avec M. Obama n'a été annoncé qu'après son arrivée dans la capitale fédérale. Il avait été fixé à 19 heures, mais M. Gibbs a assuré qu'il ne fallait pas voir, dans l'heure tardive et l'absence de publicité, le signe que le président américain battait froid à l'homme qui a opposé une fin de non-recevoir à ses demandes. Il se trouve simplement que Barack Obama est débordé et qu'il a ses priorités, a-t-il dit

Mais il est désormais de notoriété publique que les deux dirigeants ont une relation difficile. L'équipe Obama reproche au premier ministre israélien d'avoir, par son attitude, « porté atteinte au crédit » du président américain dans le monde arabe, analyse Steve Clemons, de la New America Foundation.

M. Obama a peut-être aussi souhaité ne pas afficher une trop grande proximité avec le dirigeant israélien, après le faux pas de la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton. Pendant son récent voyage dans la région, Mme Clinton avait appelé les Palestiniens à accepter un retour sans conditions à la table des négociations. Aux côtés d'un Benyamin Nétanyahou ravi, elle avait félicité le gouvernement israélien pour les concessions « sans précédent » qu'il avait accepté de faire - neuf mois de suspension de la colonisation mais excluant Jérusalem. Le monde arabe y avait vu la preuve qu'il attendait sur la partialité américaine dans le conflit.

Pendant plusieurs jours, Mme Clinton s'est employée à corriger l'effet de ses propos, aussi bien au Maroc qu'en Egypte, où elle est allée expliquer sa position dans un voyage imprévu. Elle a multiplié les entretiens aux médias arabes (Al-Jazira, Al-Hurra...) en essayant de calmer les esprits : « Tout le monde devrait faire une pause et se souvenir de quel est notre but. Mettre fin à une centaine de colonies ? Ou est-ce un Etat palestinien ? » Le voyage n'a pas été un succès. Avec Hosni Moubarak, le président égyptien, elle n'a même pas obtenu que l'opposant Ayman Nour soit autorisé à se rendre à une conférence du Council on Foreign Relations de New York, où il avait été invité.

Le dépit est grand côté américain. Un commentateur aussi versé sur la question que Tom Friedman, du New York Times - un partenaire de golf de Barack Obama -, a conseillé de laisser les parties à un statu quo qui ne doit pas être si « intolérable » puisqu'elles s'y tiennent. Et de reprendre le mot d'ordre de James Baker, l'ancien secrétaire d'Etat : « Quand vous serez sérieux, passez-nous un coup de fil. » C'était l'état d'esprit de George Bush en commençant son mandat, avant que la violence ne le force à s'impliquer.

Corine Lesnes

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