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http://medias.lemonde.fr/mmpub/img/lgo/lemondefr_pet.gif    Article paru dans l'édition du 22 novembre 2009

Raëd Salah, chef des radicaux du Mouvement islamiste israélien, dont les prêches enflamment Jérusalem

Um El-Fahm (près de Nazareth) Envoyé spécial

Rien, dans l'apparence et la componction de Raëd Salah ne laisse supposer qu'il s'agit du prédicateur souvent vitupérant, capable, en moins d'une heure, de rameuter des milliers de Palestiniens en colère dans la vieille ville de Jérusalem aux cris d'"Al-Aqsa est en danger" ?

Qui est vraiment ce chef de la branche radicale du Mouvement islamique israélien ? L'érudit religieux souriant et affable qu'il souhaite incarner ce matin-là, ou la bête noire de la police israélienne, trop souvent obligée d'instaurer un quasi-état de siège dans la Ville sainte, pour éviter que l'esplanade des Mosquées, qui abrite Al-Aqsa, troisième lieu saint de l'islam, ne devienne un champ de bataille ?

Cheikh Raëd Salah, père de huit enfants, est un Janus palestinien, plutôt radical. S'il nous reçoit à Um El-Fahm, ville arabe perchée sur la crête de la montagne du même nom et dont il a été maire, à deux heures de route de Jérusalem, c'est parce qu'il y est interdit de séjour depuis les affrontements qui s'y sont produits, début octobre. Plus exactement, il ne doit pas approcher à moins de 150 mètres des limites de la vieille ville, ni participer à un rassemblement de plus de sept personnes. Ce qui n'entame en rien sa détermination : "Si je dois aller défendre Al-Aqsa, j'irai."

La coupole d'Al-Aqsa, c'est l'obsession de cheikh Raëd. En le quittant, l'un de ses affidés nous remettra pas moins de 12 DVD obscurs, censés montrer les tunnels que les Israéliens creusent sous le Haram Al-Charif (l'esplanade des Mosquées), pour faire s'écrouler Al-Aqsa. Cheikh Raëd Salah n'a aucun doute sur le but de ce "complot" : "Sur les décombres, les juifs voudraient reconstruire leur Temple", détruit par l'empereur Titus en l'an 70. Depuis quarante ans, affirme-t-il, il ne se passe pas de semaine sans que des travaux souterrains aient lieu sous l'esplanade.

SE DÉBARRASSER DE L'OCCUPANT

Le département israélien des antiquités ne nie pas les fouilles, mais indique qu'elles ont lieu un peu plus loin, au pied du mur des Lamentations, le site le plus sacré du judaïsme, en contrebas du Haram Al-Charif. Et les archéologues israéliens assurent que ces travaux ont "multiplié par dix la stabilité structurelle du site".

La querelle est politique. Raëd Salah est persuadé que tout ceci participe d'une vaste entreprise de "judaïsation de Jérusalem", que traduit la colonisation juive continue à Jérusalem-Est. Or, insiste-t-il, "chaque pouce de terrain à Jérusalem est sacré, et les juifs n'y ont aucun droit". Dès lors, il n'y a qu'une attitude possible pour les Palestiniens : "mettre fin à l'occupation" israélienne.

Faudra-t-il pour cela déclencher une troisième Intifada ? Le cheikh reste de marbre : "Si elle a lieu, ce sera pour se débarrasser de l'occupant." Raëd Salah n'a rien d'un illuminé. Il choisit ses mots avec précaution : pas question d'appeler ouvertement à un soulèvement palestinien, au risque d'être poursuivi par la justice israélienne. En 2003, Raëd Salah a été condamné à deux ans de prison pour avoir récolté des millions de shekels au profit du Hamas. Depuis, il a été interpellé à plusieurs reprises et le Shin Bet (sécurité intérieure) le surveille.

Le Mouvement islamique israélien date de la fin du mandat britannique, qui s'est achevé en 1948. Fruit de l'alliance entre les Frères musulmans et l'ancien grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, il se scindera après les accords d'Oslo (1993) : la branche sud participe aux élections, contrairement à la branche nord. Cheikh Raëd Salah reste évasif sur ses relations avec le Hamas (lui aussi issu des Frères musulmans). Il sait bien que le moindre élément pourrait être utilisé pour interdire son propre mouvement.

Lors des derniers affrontements sur l'esplanade des Mosquées, l'Autorité palestinienne, le Hamas, mais aussi les gouvernements de Jordanie, de Syrie et d'Arabie saoudite, ainsi que l'Organisation de la conférence islamique (OCI), ont dénoncé les "provocations" d'Israël. L'homme qui peut soudainement enflammer Jérusalem est donc à surveiller, autant qu'à ménager. "Je m'arrêterai, dit-il tranquillement, lorsque j'aurai vu de mes yeux le départ des juifs."

 

Laurent Zecchini

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