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La Maison Islamo Chrétienne

Dossier Palestine

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Entre autres :

Un moment de vérité
Présentation à la presse

Ce document est la parole qu'adressent au monde les Palestiniens chrétiens à propos de ce qui se passe en Palestine. Leurs souffrances en effet continuent et s'aggravent tandis que la communauté internationale observe en silence la situation.

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Et aussi…

"Une hégémonie mondiale"
par Mustapha Cherif

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Mustapha Chérif, bien connu à « la maison islamo chrétienne », pense que le problème palestinien est le symptôme d'une « volonté d'hégémonie mondiale, basée sur trois éléments :la loi du plus fort, le libéralisme sauvage, le recul des valeurs abrahamiques. »

 

Paix plutôt que guerre

Je suis ému touché, heureux d'être parmi vous aujourd'hui, surtout après avoir entendu ce témoignage poignant du Père Elias. Il conforte la confiance infinie que j'ai en l'autre, notamment l'autre chrétien. Tout ce que nous pouvons faire, humblement et modestement, pour qu'il y ait paix plutôt que guerre.

Nous sommes dans l'église de l'Evangéliste saintt Marc. Il nous disait: «A quoi sert à l'homme de gagner le monde entier s'il vient à perdre son âme, sa dignité, sa vie?» Chacun de nous est attaché à ce que la vie ait un sens. Il ne s'agit pas de gagner le monde entier dans sa puissance, dans la richesse, mais d'honorer la vie et Celui qui l'a donnée.

Nous avons l'impression d'être seuls mais il faut continuer à parler. Saint Marc encore nous disait: «Cette voix qui surgit dans le désert». Dans ce désert peuvent jaillir d'autres voix qui nous confortent et qui nous aident à reconnaître en l'autre des signes de vérité, de dignité, d'égalité. Je cite encore Saint Marc: «Il y a au milieu de vous quelqu'un que vous ne connaissez pas». Aujourd'hui, c'est le Palestinien. C'est le musulman mais c'est aussi le chrétien, chez moi en Algérie, peut-être.

Il faut toujours s'inscrire dans la mutualité, la réciprocité. Je cite maintenant un juif, Einstein; un homme de la raison et de la science, donc un homme de l'Occident, cet Occident auquel j'appartiens aussi. En écrivant, le 21 novembre 1929, une lettre à son ami Weizman, il disait: «Si nous nous révélons incapables de parvenir à une cohabitation et à des accords honnêtes avec les arabes, alors nous n'aurons strictement rien appris pendant 2000 ans de souffrance et nous mériterons tout ce qui nous arrivera».

Violence et haine, pourquoi ?

Aujourd'hui on se demande pourquoi cette guerre, cette colonisation, cette violence! Les prétextes ne manquent pas: l'archaïsme des régimes arabes, certaines pratiques d'idéologies sectaires, des fermetures et un certain nombre d'actions qui peuvent aussi désespérer l'autre.

Mais pourquoi tant de violence et de haine et de guerre, pourquoi, par exemple, attaquer le Liban? Pourquoi cette guerre et cette haine avec Gaza? Pourquoi humilier même ceux qui ne s'inscrivent pas dans la violence et qu'on appelle «les modérés». Il n'y a pas d'apparente contradiction! Parce qu'on pourrait se dire, à en croire une certaine propagande, qu'il y a une contradiction. Israël se dit encerclé, déclare vouloir la paix mais les faits font apparaître une contradiction extraordinaire. Israël parle au nom de tous les juifs alors que tant d'amis juifs ne veulent pas qu'on parle en leur nom pas plus que je ne veux qu'on parle en mon nom, à propos de certains régimes et de certains groupes. Il y a tant d'amalgames et de confusion! Ainsi, depuis 1947, la partition de la Palestine, jusqu'en 1967, «la Guerre des Six jours» qui a fait la Jérusalem occupée et qui a fait que les territoires censés rester palestiniens sont encore occupés à ce jour. Plus de soixante ans d'occupation!

Résister à la volonté d'hégémonie

Il y a eu 1956, Suez en pleine guerre d'Algérie; il y a eu octobre 1976. La chute du Mur de Berlin, 1989, a marqué une sorte de césure. Elle a dopé cette violence, cette volonté de dominer le monde à tout prix dans un système mondial qui aurait besoin d'un ennemi. Depuis la chute de Berlin, il fallait un nouvel ennemi. Il était tout désigné, presque dormant dans les préjugés depuis des siècles. On s'invente un nouvel ennemi : le mauvais musulman. L'année 2001 a conforté cette invention d'un nouvel ennemi. En 2003, occupation de l'Irak. Après cela, on se demande pourquoi il y a de la résistance. Comment peut-on résister à cette volonté d'hégémonie mondiale? Elle est basée sur trois éléments: la loi du plus fort, le libéralisme sauvage, le recul des valeurs abrahamiques.

Les choses sont plus graves que le destin d'un simple peuple qu'on crucifie. Il s'agit de notre humanité à tous, de l'avenir de l'humanité tout entière qui se joue en Palestine.

Tchétchénie, Darfour : pourquoi tant de drames demande-t-on parfois? Et pourquoi se centrer sur ce qui se passe en Palestine? Parce que symboliquement se joue l'avenir du monde sur ce si petit territoire. Il s'agit d'une logique de déshumanisation: c'est la perte et le recul des valeurs et des valeurs pas seulement humanistes mais également abrahamiques. Ce qui se joue, ce sont les valeurs monothéistes, les valeurs abrahamiques, les valeurs religieuses, les valeurs bibliques, les valeurs coraniques telles que les Prophètes nous les ont enseignées. Parce qu'il s'agit bien de quelque chose d'autre qu'on appelle sionisme ; une idéologie qui contredit, à mes yeux, le judaïsme. Il s'agit bien d'un nouvel ordre mondial qui s'appuie sur la loi du plus fort, le recul du droit, la loi de la jungle. Il s'agit bien aussi d'un système qui s'appuie sur cette logique du « marché monde », du libéralisme sauvage. Résister et défendre la dignité du Palestinien, c'est résister à la déshumanisation, à la déspiritualisation. C'est résister à la loi du plus fort. C'est résister au libéralisme sauvage.

 

Palestine : l'avenir de tous les peuples

Il ne s'agit pas simplement des arabes et des musulmans. C'est l'avenir de tous les peuples qui se joue en Palestine. Ce n'est pas simplement parce qu'ils sont mes frères dans la foi ou mes frères en géographie. Si mon propre frère a fauté, je le punirai, disait l'Emir Abd El Kader.

Malgré ces dates de rupture, de traumatisme, il y a aussi des dates d'espérance. Pendant la guerre d'Algérie, nous avons vu Monseigneur Duval, Louis Massignon et tant de prêtres dont certains sont encore ici. Ils ont défendu la cause juste. Et si leurs propres frères fautaient, ils s'opposaient. Je suis heureux quand je vois ou quand j'entends ou que je lis un de mes frères juifs qui s'oppose à l'injustice.

Je m'oppose aussi, bien entendu, aux injustices des régimes arabes archaïques ou à l'absence d'état de droit ou de démocratie. Ou chaque fois qu'un de mes frères chrétiens se sent atteint dans sa dignité ou dans sa liberté de conscience. Notre solidarité ne doit jamais être sélective. Autrement notre crédibilité serait atteinte. Si nous voulons être fidèles à la parole de vie, à la source de vie, à la parole de vie qui anime notre foi, nous devons tout faire pour que notre solidarité ne soit jamais sélective.

Signes d'espérance

L'Emir Abd El Kader n'a jamais confondu l'armée coloniale et le peuple français. Il a sauvé de la mort des milliers de chrétiens à Damas. Monseigneur Duval a protégé et défendu les Algériens. Ceci n'est pas seulement le fait des croyants : Germaine Tillon, par exemple. Combien de fois des êtres justes et dignes ont défendu l'autre, par-delà la différence. Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas seulement une guerre comme une autre, une violence comme une autre. Il s'agit de l'avenir du monde.

Il y a eu le Concile Vatican II : une autre date des années 60. Il y a eu ensuite ces rencontres d'Assise avec Jean-Paul II. Il y a toute l'action des prêtres dans les banlieues, dans les cités, ces Français européens qui s'opposent à l'injustice et à la misère de celui qui est là, perdu et soumis aux discriminations. Il y a ce partage de vie extraordinaire depuis des siècles, malgré des hauts et des bas, comme disait le Père Elias. Il a fallu que l'étranger arrogant et colonisateur arrive à Bagdad ou ailleurs pour faire naître le désespoir chez les chrétiens d'Irak ou d'ailleurs. Mais tout cela est nouveau. On a la mémoire courte. Je le disais au Saint Père, lorsque je l'ai vu le 11 novembre 2006, après son discours de Ratisbonne : « Saint-Père, ne confondez pas l'état des quinze dernières années avec quinze siècles d'histoire. Nous souffrons de l'amalgame. Pourquoi dit-on que le terrorisme est dans le Coran et ne dit-on pas que l'Inquisition est dans l'Evangile? On ne dit pas que le Goulag est dans d'autres valeurs et d'autres pensées occidentales. On ne dit pas que le sionisme est dans la Torah ».

Avec ce penseur juif, Jacques Derrida, le pape de la philosophie, je disais: «L'islamisme n'est pas l'islam; il ne faut jamais l'oublier».

Pourquoi veut-on faire porter la responsabilité au Coran de ce qui relève du politique? Je ne fais pas porter la responsabilité à l'Evangile de la colonisation française ou des actes de l'administration américaine. Je parle ici à des gens convaincus, pour la plupart, mais il faut continuer à parler dans le désert et à s'imaginer que chacun de vous est un lion, symbole de St Marc encore une fois. Nous devons rugir contre tous ceux qui veulent nous isoler, nous séparer, nous diviser. J'ai dit au Saint-Père, « Ne tombez pas dans le piège de vouloir avoir peur de l'épouvantail, ce nouvel ennemi, pour justement faire diversion aux vrais problèmes politiques. On vous dit que les musulmans sont extrémistes, islamistes. S'ils sont intolérants, c'est plutôt dans leur culture, dites-vous. Ceci est un racisme inadmissible. Nous savons qu'il y a des lectures contradictoires, plurielles. Mais il s'agit de savoir, à travers l'histoire, ce qui a dominé. Même Bernard Lewis et un certain nombre d'historiens juifs occidentaux ou athées reconnaissent qu'il n'y a pas eu de répression systématique de la part des musulmans contre l'autre, au travers de l'histoire. »

 

Le communiqué des évêques de France !

Les problèmes, aujourd'hui, sont des problèmes politiques. On pousse les gens au désespoir. Ce que disait un Cardinal, au Vatican, en pleine guerre de Gaza: «Gaza est un camp de concentration». Cela fait chaud au coeur d'entendre une vérité ainsi. Mais lorsque je vois le communiqué des évêques de France: «terrorisme» du côté de Gaza, «légitime défense» du côté d'Israël! Comment réagir? Rire, pleure? Que fallait-il dire? Réagissons doucement, sans colère. La colère est mauvaise conseillère. Mais la peur, aussi, est mauvaise conseillère. Pourquoi fait-on peur aux gens? Dans le meilleur des cas on oppose dos à dos le colonisé et le colonisateur, le bourreau et la victime. On pousse les gens à se conduire comme des bêtes sauvages et on dit: «pourquoi se comportent-ils ainsi?» On dit: «qu'ils arrêtent les rockets!» alors que c'est le refus de l'oppression sauvage. Peu importe que le Hamas soit lié à une idéologie, religieuse ou non. Ce sont des résistants. C'est vrai que parfois ils n'ont pas toute la maturité politique; mais c'est un fait qu'il résiste; on ne lui donne pas d'autre choix. C'est vrai que les régimes arabes ont peur que cette résistance aboutisse. Elle posera problème à la démocratie.

Nos points d'aveuglement

Les arabes, c'est vrai, doivent comprendre qu'il y a dans l'histoire du peuple juif des souffrances qui créent des points d'aveuglement. C'est vrai que nous, en nous présentant en position de victimisation, on peut avoir aussi des points d'aveuglement. C'est dans la rencontre avec l'autre, dans le dialogue, que nous pourrions dépasser nos points d'aveuglement respectifs. Mais il s'agit d'un problème politique. Il s'agit d'un problème de justice. Je disais au Saint-Père, «Il n'y a pas de paix sans justice»: l'OTAN se réunit aujourd'hui, demain à Strasbourg pour dire le nouveau danger. Ce sont encore les musulmans qu'on désigne comme le nouvel ennemi. Ils oublient (comme Jacques Derrida le disait lui-même, ainsi que Paul Ricoeur ou d'autres, théologiens protestants, catholiques, orthodoxes) que jamais le monde n'a été autant inégalitaire. La situation est pire que lors des fléaux de l'Egypte ancienne. La sortie d'Egypte n'est pas encore finie. Notre travail consiste à les empêcher de nous isoler ou de nous diviser. Le chemin qui mène à la démocratie, au sud de la Méditerranée par exemple, est encore long, nous le savons. Mais il y a des possibilités de paroles, des brèches dans lesquelles s'engouffrer. Je crois encore qu'il est possible - rien ne l'empêche, tout l'exige dans notre culture - qu'il y ait un état de droit. Le problème, c'est l'état de droit. Il faut un état de droit qui permette que la pluralité puisse se conjuguer avec l'unité du peuple. Je crois que le chemin est possible.

Donc, après Gaza, on a l'impression que nous sommes en recul. C'était un test. Trente mille jeunes de France en train de manifester dans les rues! Ils espèrent, ils attendent. Où est le blanc aux yeux bleus, chrétien, athée, laïc ? Peu importe ! Ils s'insurgent contre les injustices. Ils existent mais on ne les entend pas dans les médias. Nous sommes aujourd'hui dans une situation où l'on nuit à ce que l'on croit défendre. L'Occident nuit à ses propres valeurs. Il contredit et bafoue ses propres principes : Droits de l'homme, justice, liberté égalité, fraternité. Mais il ne faut pas désespérer: les signes prometteurs sont nombreux (marches, manifestations contre la guerre d'Irak, manifestations contre les tueries de Gaza). Au sein de la société civile on décèle des forces vives. Les communiqués, les nuances qui, au sein de la classe politique, cassent le monolithique.

Les sociétés musulmanes ne sont pas monolithiques

Quand nos sociétés donnent des signes d'islamisme, ne vous y trompez pas: nos sociétés ne sont pas monolithiques.

Nous venons de vivre un débat extraordinaire en Algérie, lorsqu'il y a eu toutes ces questions d'évangélisation agressive : de nombreux journaux se sont exprimés pour la liberté de conscience. Lorsque nous étions au Forum islamo catholique mondial avec le Saint-Père en novembre dernier, sans hésitation nous avons dit « oui » à la liberté de conscience. Je la défends au nom de l'islam. Beaucoup croyaient qu'on allait hésiter et couper les cheveux en quatre. Je n'ai pas le droit d'interférer sur la conscience de quelqu'un qui cherche à se convertir. Je le dis à haute voix et je le dis en tant que croyant. Non que je sois plus modéré qu'un autre mais c'est comme cela que réagit la tradition musulmane authentique.

Le premier document, le premier texte de constitution politique qu'a fait le Prophète, «la première Constitution de Médine», ne contient pas le mot «religion» ni le mot «foi». Il s'agissait des droits et des devoirs de chacun pour qu'on puisse vivre ensemble dans la cité.

Ce qui fait sens

Vous ne comprenez pas qu'on n'a pas la même histoire que l'Occident: l'islam est séculier dès le début mais il cherche l'harmonie entre les deux dimensions, entre le coeur et la raison, entre le temporel et le spirituel. Il faut relire l'histoire et voir comment nous avons vécu. On nous dit aussi: «C'est l'individu, l'autonomie de l'individu. Vous êtes communautaristes». Je réponds: «Que faites-vous du 'vivre ensemble'. Et le bien commun! Le partage! L'autonomie de l'individu en soi, tout seul! On sait bien, disent les philosophes, que les libertés ne sont pas la liberté». On me dit aussi (troisième donnée de la modernité; après la séparation outrancière et la place de l'individu): «La raison est la seule référence valable pour gérer la vie.» Et l'au-delà de la raison et de l'au-delà du monde ? Et ce qui fait sens : l'amour, la miséricorde, l'invisible? Et d'autres rapports au sens de la vie et de la mort autrement que par la raison? Reste que ,pour nous, celle-ci est centrale. Combien de fois le mot « raison » n'est-il pas répété dans le Coran ?

Pourquoi veut-on m'imposer cette vision du monde qui aujourd'hui s'avère une impasse? Et pas seulement à cause de la crise économique. Ce nouvel ordre est injuste. Vous nous parlez de démocratie? C'est vrai, les promesses de l'indépendance ne se sont pas toutes réalisées. On a libéré les territoires ; on n'a pas encore libéré les individus.

Mustapha Cherif

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