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  http://medias.lemonde.fr/mmpub/img/lgo/lemondefr_pet.gif                                                   Article paru dans l'édition du 16 juillet 2009 – page 6

Témoignages de soldats israéliens sur la guerre de Gaza

 

Pour la seconde fois depuis la fin de la guerre à Gaza le 18 janvier, des soldats israéliens donnent une version non officielle de ce qui s'est passé pendant les vingt-deux jours de ce conflit meurtrier (1 417 morts dont 926 civils, de sources palestiniennes), qui s'est déroulé à l'abri du regard des journalistes.

En mars, des militaires avaient déjà évoqué dans une lettre d'information de l'académie militaire Itzhak Rabin, les méthodes contestables utilisées lors de l'opération "Plomb durci". Cette fois, ce sont 54 témoignages recueillis par l'organisation Breaking the silence émanant de réservistes et d'appelés, qui sont consignés dans un rapport de 110 pages.

Ces soldats de Tsahal, dont l'identité est tenue secrète, évoquent la manière dont a été menée cette guerre qui, au départ, était destinée à empêcher les tirs de roquettes vers le sud d'Israël et à mettre à genoux le Mouvement de la résistance islamique, le Hamas.

Pour l'avocat Michael Sfard, spécialisé dans la défense des droits de l'homme, ces témoignages révèlent "des règles d'engagement qui ne distinguent pas les combattants des civils parmi l'ennemi ; l'utilisation de méthodes de combat qui ne prennent pas en compte le fait qu'ils se déroulent dans des endroits où il y a des femmes, des enfants et des vieillards ; l'utilisation d'armes inappropriées dans une zone densément peuplée ; la destruction systématique, son incroyable échelle dont presque tous les témoins parlent et qui, dans beaucoup de cas, n'était pas justifiée par des besoins militaires".

De ces témoignages, il ressort que la préoccupation première de l'armée a été d'éviter au maximum les pertes dans ses rangs, quitte à tuer des innocents. "Pas un cheveu de mes soldats ne doit tomber et je ne veux pas qu'un de mes soldats prenne des risques en hésitant. Si vous n'êtes pas sûrs, tirez ! S'il y a un doute alors il n'y a plus de doute. Telles étaient les consignes de mon supérieur", raconte un soldat.

En raison de la puissance de feu utilisée par tous les moyens, aussi bien aériens que terrestres, il n'y a eu pratiquement aucun combat. Les hommes du Hamas se sont terrés ou ont fui, et seule la population a été prise au piège, n'ayant nulle part où aller. C'est pour cette raison également que les civils ont payé un prix très élevé et que les destructions ont été massives.

"Raser est un euphémisme pour ces destructions systématiques intentionnelles qui nous permettaient d'avoir une meilleure possibilité de tir, une bonne visibilité et un contrôle total de la zone, à tel point qu'il était devenu impossible de reconnaître les frontières d'un secteur", assure un témoin. Des quartiers entiers ont été dynamités, des zones agricoles réduites à des champs de labour, des vergers et des oliveraies totalement aplaties. Les dynamiteurs et les D-9, les fameux bulldozers géants de Tsahal, ont travaillé sans relâche. "Les D-9 étaient partout, préparant les positions des tanks, ouvrant les routes. Il ne restait plus rien debout dans notre zone. C'était comme dans les films de la seconde guerre mondiale où plus rien ne restait", affirme un soldat.

Toujours afin d'éviter la moindre perte après le traumatisme causé par la seconde guerre du Liban de l'été 2006, l'armée israélienne n'a pas hésité à utiliser des boucliers humains. Selon plusieurs témoignages, des Palestiniens ont été contraints de pénétrer dans des immeubles sous la menace des armes, pour vérifier si les bâtiments étaient piégés ou abritaient des combattants. Dans le jargon militaire, ils étaient appelés "Johnnies". Pourtant, la Haute cour de justice a prohibé ces méthodes largement utilisées lors de l'opération "Bouclier défensif" en Cisjordanie, en 2002. Des témoignages évoquent la mort de civils, notamment celle d'un vieillard portant une torche et une chemise blanche qui fut abattu sur la route.

Le rapport souligne dans son préambule que "toutes ces actions considérées comme anormales hier sont devenues la norme aujourd'hui". Répondant à sa publication, un communiqué officiel de l'armée dénonce des témoignages "basés sur des rumeurs et des récits de seconde main", reproche leur caractère anonyme et déplore le fait que "ces allégations individuelles ne puissent être vérifiées par une enquête".

 

Michel Bôle-Richard

 

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2009/07/15/temoignages-de-soldats-israeliens-sur-la-guerre-de-gaza_1218953_3218.html

 

 

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