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Le Monde.fr                                    Article paru dans l’édition du 26 Février

De l'usage très politique des caveaux et tombeaux en Terre sainte

Par Laurent Zecchini

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2010/02/25/de-l-usage-tres-politique-des-caveaux-et-tombeaux-en-terre-sainte_1311193_3218.html

 

 

A quoi bon ? Pour quelle raison Benyamin Nétanyahou, premier ministre israélien, a-t-il choisi d'ajouter deux lieux saints particulièrement sensibles à la liste des sites enregistrés au patrimoine archéologique d'Israël, une mesure qu'il savait foncièrement provocante pour les Palestiniens, et que rien ne justifiait ? C'est la question que se posaient nombre d'éditorialistes et d'hommes politiques israéliens, mercredi 24 février.

Ces deux sites, le caveau des Patriarches (dans la Bible : Abraham, Isaac et Jacob), à Hébron, et le tombeau de Rachel (la femme préférée de Jacob), à Bethléem, sont vénérés à la fois par les juifs, les musulmans et les chrétiens. Ils sont situés en Cisjordanie mais placés sous très haute protection de l'armée israélienne.

Sitôt connue la nouvelle de leur inscription, lundi, sur la liste de quelque 150 sites historiques devant bénéficier de mesures de restauration, des heurts se sont produits à Hébron, et les protestations se sont multipliées dans de nombreux pays arabes. Faisant pour une fois chorus avec le Hamas, Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, a dénoncé "une grave provocation pouvant entraîner une guerre sainte".

L'un de ses principaux lieutenants, Yasser Abed Rabbo, a estimé que, dans un tel contexte, "il sera difficile, sinon impossible, de reprendre des négociations sérieuses, qu'elles soient directes ou indirectes", a-t-il précisé en référence aux "discussions de proximité" qui devraient s'ouvrir prochainement entre Israéliens et Palestiniens, sous l'égide des Etats-Unis.

A Paris, le Quai d'Orsay a souligné que la décision israélienne ne va pas dans le sens de la confiance nécessaire à la reprise des négociations. Alors que le cabinet de M. Nétanyahou a dénoncé une "campagne palestinienne hypocrite", le président Shimon Pérès a tenté de calmer les choses en assurant qu'il n'est nullement question de porter atteinte à la liberté de culte, notamment celle des musulmans et des chrétiens, sur des sites religieux qu'il s'agit seulement de réhabiliter.

 

"JUDAÏSER" LES LIEUX SAINTS

 

Le problème est que le caveau des Patriarches et le tombeau de Rachel... n'en ont pas besoin : le premier, qui abrite une mosquée et une synagogue contiguës, a fait l'objet de travaux récents, tant par l'Agence juive que par les autorités musulmanes. Quant au second, il est en excellent état. C'est pour cette raison que la liste initialement préparée par les services du gouvernement avait exclu ces deux lieux saints.

Ceux-ci ont été ajoutés à la dernière minute à la suite des pressions du parti juif ultra-orthodoxe séfarade Shass, comme l'a lui-même reconnu M. Nétanyahou. Cette concession à l'extrême droite religieuse, d'autant plus gratuite que la coalition gouvernementale n'est pas menacée, relève des "gestes" auxquels le premier ministre consent de temps en temps au profit de la mouvance politique des colons. Rien d'étonnant donc, si elle est ressentie par les Palestiniens comme s'inscrivant dans une politique délibérée de "judaïser" les lieux saints, en particulier Jérusalem.

 

 

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