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http://medias.lemonde.fr/mmpub/img/lgo/lemondefr_pet.gif                            Article paru dans l'édition du 6 juillet 2010

 

Une organisation israélienne dénonce la politique de colonisation en Cisjordanie

 

Par Laurent Zecchini

 

Pour être fortuite cette publication ne pouvait mieux (ou plus mal) tomber : l'organisation israélienne des droits de l'homme B'Tselem a rendu public, mardi 6 juillet, un rapport dévastateur sur la politique de colonisation en Cisjordanie, le jour même où le président américain Barack Obama attend du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou - qu'il reçoit à la Maison Blanche -, des concessions substantielles sur cette même politique.

 

Le rapport de B'Tselem, qui s'appuie sur des sources gouvernementales, en particulier les recherches officielles effectuées par l'avocate Talia Sasson et le général (en retraite) Baruch Spiegel, est difficilement contestable. Mais le ministère de la justice n'a pas souhaité y répondre en raison de "sa nature politique".

Le document souligne que les gouvernements israéliens successifs - y compris celui de M. Nétanyahou - n'ont tenu aucun de leurs engagements pour mettre fin à la colonisation illégale de la Cisjordanie, dont ceux pris dans le cadre de la "feuille de route" pour la paix adoptée par le Quartet (Etats-Unis, Russie, ONU et UE), en 2003.

Environ un demi-million d'Israéliens vivent aujourd'hui au-delà de la "ligne verte" (la ligne de cessez-le-feu de 1949), contre seulement 241 000 à l'époque des accords de paix d'Oslo de 1993. Plus de 301 000 d'entre eux résident dans 121 colonies et une centaine d'"avant-postes" (de petites implantations illégales), ce qui les place en situation de contrôler 42 % du territoire de la Cisjordanie. Les autres, soit plus de 185 000, vivent dans les douze faubourgs annexés par la municipalité de Jérusalem avec l'aide du gouvernement.

Si ces chiffres peuvent nourrir l'argumentation de l'administration américaine, qui veut obtenir de M. Nétanyahou une prolongation du moratoire sur la colonisation (lequel exclut Jérusalem-Est) dont l'échéance est fixée au 26 septembre, le premier ministre va se prévaloir des fortes pressions qui s'exercent sur lui pour chercher une échappatoire : la presse israélienne a publié de grands placards publicitaires affichant la photo de M. Nétanyahou et celle de sept de ses ministres avec des citations de chacun promettant de reprendre la construction dans les colonies fin septembre.

Le rapport de B'Tselem décrit les mécanismes par lesquels l'Etat a peu à peu étendu son contrôle en Cisjordanie : les principales méthodes sont la réquisition de certaines zones au nom des "besoins militaires", leur classement en "terres d'Etat" ou l'expropriation pour "besoins publics".

Alors que des colons ont saisi des terres privées palestiniennes en toute impunité, l'Etat israélien a étendu son contrôle territorial par le biais de bases militaires, de champs de tir, de réserves naturelles, de routes, sans compter les terres dont les propriétaires ont été expropriés pour construire la "barrière de sécurité" (le "mur"), dont 85 % du tracé court en Cisjordanie.

Cette politique de colonisation systématique n'aurait pu réussir sans les incitations financières et autres avantages dont bénéficient les colons encouragés à franchir la "ligne verte". Quelque 104 colonies profitent du statut de "zones de priorité nationale" ce qui leur donne droit à des aides au logement et à l'éducation. Le gouvernement finance également des cliniques, les salaires des travailleurs sociaux, l'achat de véhicules de sécurité, la construction de synagogues, de centres communautaires, etc. L'industrie et l'agriculture bénéficient aussi d'avantages et des allégements fiscaux leur sont accordés.

B'Tselem réfute l'explication officielle selon laquelle l'augmentation de la population des colonies est le résultat de la "croissance naturelle" en montrant que 20 % de cette progression s'explique par une migration en provenance d'Israël, et non par l'évolution de la natalité.

L'organisation israélienne souligne en conclusion que l'objectif essentiel de la politique gouvernementale a été - et est encore - "de prendre le contrôle du maximum de terre possible en Cisjordanie, dans le but d'établir et d'étendre les colonies. Cette entreprise a divisé et séparé les zones sous contrôle palestinien, les transformant en enclaves déconnectées les unes des autres, et brouillant la délimitation entre Israël et la Cisjordanie".


Sur le Web : rapport complet sur www.btselem.org.  

 

 

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