Retour

Logo-LeMonde.jpg  Article paru dans l'édition du 13 janvier 2011

En Israël, la droite sonne la charge contre les ONG de défense des droits de l'homme

Faut-il y voir un "vent mauvais" soufflant à travers le pays, comme l'a affirmé, lundi 10 janvier, Tzipi Livni, chef de l'opposition et du parti Kadima ? Le propos est modéré au regard des commentaires de certains éditorialistes, qui n'hésitent pas à dénoncer un "climat de maccarthysme" en Israël.

A première vue, rien ne permet de rapprocher la reprise de la colonisation juive à Jérusalem-Est, l'accentuation de la répression contre les manifestants palestiniens en Cisjordanie et les initiatives parlementaires de plus en plus marquées par l'idéologie d'extrême droite, notamment la création d'une commission d'enquête sur le financement des organisations de défense des droits de l'homme.

Il y a pourtant un lien : ces mouvements, que le chef du parti Israel Beitenou ("Israël, notre maison") et ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, qualifie désormais de "terroristes", sont à la pointe du combat contre la colonisation de la partie orientale de Jérusalem et pour la défense des droits des Palestiniens. Cette tension politique se double d'une tension militaire, la fréquence des échanges de tirs entre l'armée israélienne et les groupes islamistes de la bande de Gaza s'étant accentuée ces dernières semaines, à tel point que plusieurs ministres israéliens menacent désormais le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) d'une offensive comparable à celle de décembre 2008-janvier 2009.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui s'exprimait, mardi, devant la presse internationale, a lancé un avertissement au Hamas : "Il ferait une erreur terrible à tester notre volonté à protéger notre peuple", a-t-il insisté. Cette escalade est alimentée par le vide créé, depuis la mi-septembre 2010, par l'arrêt des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens.

Surenchère de M. Lieberman

Pour ces derniers, la démolition, entamée dimanche, de l'hôtel Shepherd sonne le glas des tentatives de reprise des pourparlers. Si les Etats-Unis, l'Union européenne, les Nations unies et nombre de pays musulmans ont condamné cette destruction, c'est en raison de son fort caractère symbolique et historique. L'hôtel Shepherd a appartenu à la famille du grand mufti de Jérusalem Amine Al-Husseini, qui a servi de figure de proue à la révolte palestinienne de 1936-1939, avant de se compromettre avec le régime nazi.

Il est situé au coeur de la partie arabe de Jérusalem. Racheté au gouvernement israélien, qui en avait pris le contrôle après la conquête de Jérusalem-Est, par le milliardaire juif américain Irving Moskowitz pour être transformé en appartements destinés aux colons israéliens, sa démolition constitue une provocation pour les Palestiniens. Mardi soir, M. Nétanyahou a répété qu'il s'agissait d'une affaire privée, tout en affirmant que "tout le monde (juifs et arabes) peut acheter où il veut à Jérusalem".

Soumis à la surenchère de M. Lieberman, qui accuse les ONG auxquelles se réduit pour l'essentiel le "camp de la paix" israélien d'être financées par des pays musulmans, le premier ministre a pris timidement ses distances, sans remettre en cause le principe de cette commission d'enquête dont Israel Beitenou est à l'origine. Son but est de jeter l'opprobre sur des organisations comme B'tselem, Physicians for human rights (Médecins pour les droits de l'homme), Breaking the silence, Yesh Din, le Comité public contre la torture, et l'Association pour les droits civils (ACRI), dont l'objectif, selon M. Lieberman, est d'entraver "le combat de l'armée israélienne contre le terrorisme".

Laurent Zecchini

Retour