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Israël : plus que jamais aider le camp de la paix

Par Bruno CADEZ

 

 

Le journaliste et pacifiste israélien Michel Warschawski était à Lille dernièrement pour soutenir la campagne de boycott des produits israéliens.

 

« Au bord de l’abîme »…

Michel Warschawski préfère aller droit au but. La situation actuelle en Israël est tellement assombrie par la logique guerrière imposée par ses dirigeants - et sans que cette logique ne soit massivement contestée dans ce pays, estime-t-il - que le journaliste et militant pacifiste, est bien en peine d’indiquer quelques zones d’optimisme sur lesquelles s’appuyer pour croire encore en la paix. De passage à Lille, il était venu, à l’invitation de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) Nord / Pas-de-Calais et de l’Union juive française pour la paix (UJFP), soutenir l’opération de boycott des produits israéliens, et la demande de sanction envers cet État qui viole impunément le droit international depuis plusieurs décennies. «Nous sommes face à une dégradation politique qui fait peur et qui pousse beaucoup à parler de fascisme » explique-t-il.

 

Un discours ouvertement raciste

Exemples. En octobre dernier, le Premier ministre Benyamin Netanyahu a demandé l’élaboration d’un projet de loi dit « d’allégeance », imposant au non Juif désireux d’acquérir la nationalité israélienne, de reconnaître Israël comme un « Etat juif et démocratique ».

En août dernier, une députée, Hanneen Zoabi, s’est vue retirer ses droits parlementaires par une majorité de la Knesset, pour avoir participé à la flottille de la paix victime quelques semaines auparavant d’un massacre de la part de l’armée israélienne.

Le Parlement a également adopté une loi visant à enquêter sur l’origine des fonds d’un certain nombre d’ONG. « Nous vivons dans une atmosphère raciste et d’atteintes graves aux droits démocratiques » explique Michel Warschawski. « Aujourd’hui, un discours ouvertement raciste est banalisé. C’est relativement nouveau. Car Israël a toujours voulu donner une image de marque positive à l’extérieur. Aujourd’hui, c’est fini ».

Pour le journaliste, l’offensive contre Gaza en 2008-2009 a marqué un tournant dans cette stratégie. « Israël s’est lâché. Tout est dit dans le propos de la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Tzipi Livni, quand elle affirme : “Nous avons montré que nous étions capables de péter les plombs”. Il n’est plus question aujourd’hui de respecter les règles. Ce n’est pas un hasard si, au lendemain de l’attaque contre Gaza, nous nous soyons retrouvés avec un Parlement divisé entre la droite et l’extrême droite. L’agression contre la flottille dela paix est également symptomatique du fait que les dirigeants israéliens sont prêts à payer le prix de leur politique en termes d’image. Au point de mettre en péril un élément fondamental de la stratégie d’Israël et de l’OTAN qui est l’alliance avec la Turquie. Ce qui est stupide ».

 

Une nouvelle guerre contre le Liban ?

Le problème, c’est que face à cela, « la société israélienne est unie. Il n’y a aucune opposition, ni parlementaire, ni dans la rue. ». « Il est difficile de parler de camp de la paix aujourd’hui » explique le journaliste, qui redoute une nouvelle guerre contre le Liban. « Nous ne sommes plus du tout à l’époque des années 80 et 90. Le mouvement de la paix a mobilisé des centaines de milliers de personnes pendant une décennie. Aujourd’hui, nous représentons seulement quelques milliers de personnes ». La raison ? Elle est double, si l’on en croit M. Warschawski. « Je pense que le mouvement de la paix s’est suicidé le week-end du 15 août 2000 quand Ehud Barack est revenu de Camp David en affirmant que les Palestiniens refusaient les offres, que nous n’avions plus de partenaires, que les accords d’Oslo étaient un malentendu. Celui qui venait être élu par le mouvement pour la paix, sur un programme de paix, assumait un mensonge qui allait emporter ce mouvement ». D’autre part, « les citoyens israéliens ne payent aucun prix à cette logique, que ce soit sur le plan de la sécurité mais aussi économique. Notre pays a été moins atteint par la crise financière que bien d’autres. Si vous vous rendez à Tel-Aviv, vous n’aurez pas le sentiment d’être dans un pays en guerre. Or, en Israël, les gens bougent quand la situation devient intenable. » D’où l’importance, selon le journaliste, de se mobiliser en Europe pour imposer à nos autorités des sanctions envers Israël. « L’Europe de Sarkozy et de Berlusconi est perçue comme plus fiable que l’administration Obama. On peut même parler de tournant » assure-t-il.

 

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