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Jean-Claude Lefort,  Député honoraire

Paris, le 3 mars 2011

 

 

M. Alain Juppé

Ministre d’Etat, Ministre des Affaires étrangères et européennes

37, quai d’Orsay 75007 Paris

 

Monsieur le Ministre d’Etat,

 

Juste après votre nomination au poste de Ministre des Affaires étrangères, vous présidiez le Conseil municipal, à Bordeaux, le lundi 29 février.

Au cours de cette réunion, il vous a été demandé ce que vous comptiez faire relativement au cas de notre jeune compatriote Salah Hamouri, en prison en Israël pour des motifs politiques exclusivement – son dossier étant absolument vide et sa condamnation à 7 ans de prison ayant été prononcée par un tribunal militaire d’occupation israélien. De fait, il est le seul Français qui soit prisonnier politique dans un pays étranger.

Vous avez déclaré, devant le Conseil municipal que vous alliez « rouvrir » son « dossier ».

 

Monsieur le Ministre : dans quelques jours cela fera 6 ans que Salah Hamouri croupit dans les geôles israéliennes. Il convient donc, sans attendre et vite, de le faire. Il n’avait que 20 ans quand il y est entré.

Il faut faire vite car durant tout ce temps rien n’a été fait sérieusement et fermement pour l’en sortir. Cela parce que les autorités françaises considèrent qu’Israël est un « Etat de droit » et que notre pays s’interdisait « d’intervenir dans les procédures judiciaires d’Etats souverains » et même se refusait « de les commenter ». Ce sont les mots utilisés dans un courrier le 5 janvier par votre collègue que vous avez remplacée.

C’est une double aberration politique.

Cet Etat n’a pas « le droit » d’occuper les territoires palestiniens. Et cet Etat condamne à de lourdes peines de prison ceux qui sont pacifiquement contre cette occupation et qui sont, du même coup, porteur du droit international !

Et il est une seconde aberration que vous noterez avec moi : les autorités françaises ne se sont pas gênées pout intervenir publiquement relativement à des décisions de justice de nombreux pays souverains. Ceci est vrai pour tous les pays de la planète sauf dans le cas d’Israël.

C’est à ce point que le Président de la République française a reçu toutes les familles de compatriotes en difficulté à l’étranger mais il se refuse obstinément d’en recevoir une et une seule : la famille de Salah Hamouri. Pourtant le droit c’est le droit. Il est universel sinon il n’est pas.

Cet incroyable tropisme pro-israélien des actuelles autorités françaises est insupportable en ce qu’il « nous » rend aveugles. Il mine jusqu’à notre société en renvoyant en son sein, à l’inverse de la cohésion sociale, une image détestable du « deux poids, deux mesures » qui fait bien des ravages.

Qui peut croire, sauf dans quelques cellules obscures nichées rue de l’Elysée, loin des regards, qu’être ami d’Israël c’est fermer les yeux sur tout ce que fait ce pays. Qui peut croire un seul instant une pareille fable qui n’est qu’une imposture politique cachant mal une soumission mais qui place notre pays dans l’inefficacité – ou pire : le rejet – dans le monde arabe et qui produit une image négative de lui à travers le monde. Moins que Madame Alliot-Marie ce sont eux, en vérité, qui auraient du être sanctionnés. Allez-vous accepter leur tutelle pesante, constante et non-éclairée ?

Je dois à la vérité de dire que, le 28 juin 2010, M. Jean-David Levitte a reçu la mère de Salah, Madame Hamouri. Au cours de l’entretien auquel j’assistais et qui a été rendu public, le Conseiller a admis que la détention de Salah Hamouri était « arbitraire » puisque reposant sur une simple « intention » ainsi qu’indiqué dans le « jugement » d’un tribunal militaire, encore une fois.

Pourquoi donc une crise diplomatique avec le Mexique et pas la moindre exigence auprès d’Israël ? Un homme vaut un homme quel que soit son origine, n’est-ce pas ? Etre ami d’un pays ce n’est pas se taire quelles que soient ses aventures. Cela c’est l’inverse de l’amitié, c’est de la sujétion.

Et un jeune franco-israélien vaut un jeune franco-palestinien, n’est-ce pas ? Normalement. Sauf que ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

Monsieur le Ministre : 6 années de prison pour rien, aucune initiative à la mesure d’autres, aucune réception de sa famille par le Président, il faut mettre un terme à ce scandale d’Etat. Il faut donc faire vite, j’insiste : vite pour recevoir la famille Hamouri (qui n’a même pas été visitée lors du dernier déplacement sur place de votre collègue anciennement titulaire de votre poste). Et il faut faire plus que vite et fort pour obtenir sa libération et en finir avec cette situation, désormais très connue en France, qui révolte au-delà des opinions politiques. Vous pourrez constater que les soutiens sont de tout l’arc démocratique français en consultant le site de son Comité de soutien : www.salah-hamouri.fr

Il faut faire vite : déjà 6 ans de prison pour « rien ». C’est un préjudice incroyablement lourd et injuste que la  France, finalement, par son inaction et ses conceptions actuelles, fait subir à notre compatriote. 6 ans d’inaction. 6 ans… Salah avait 20 ans. Et vous allez « rouvrir » son « dossier » alors qu’il en a presque 26 aujourd’hui.

Ouvrez-le vite et ne le fermez pas ! Ne faites pas comme l’ont fait vos prédécesseurs ni les locataires d’obscures officines élyséennes qui n’ont de compte à rendre à personne et qui font pourtant la pluie et le beau temps en la matière qui vous occupe désormais de nouveau.

 

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre d’Etat, en mes salutations distinguées.

Jean-Claude Lefort

Député honoraire

 

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