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http://medias.lemonde.fr/mmpub/img/lgo/lemondefr_pet.gif                          Article paru dans l'édition du 26 mai 2011 page 5

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M. Nétanyahou multiplie les conditions pour la création d'un Etat palestinien

Par Sylvain Cypel

 

Devant un Congrès américain acquis à sa cause, le premier ministre israélien a refusé la référence aux lignes de 1967 et a exigé que l'Autorité palestinienne rompe avec les islamistes du Hamas.

 

Depuis plusieurs mois, des hommes politiques et des politologues israéliens s'inquiètent d'un « isolement » croissant de l'Etat juif sur la scène diplomatique. De ce risque, Benyamin Nétanyahou a voulu faire un atout. Après la rebuffade publique de Barack Obama, qui avait fait état de différends le 18 mai, il entendait montrer, en s'expliquant devant le Congrès américain, représentants et sénateurs réunis, mardi 24 mai, que quitte à être seul au monde, l'appui des élus américains constituait à ses yeux un engagement immensément plus important que celui de quiconque. Pari plus que réussi : en une heure, celui que l'on surnomme « Bibi » a reçu 26 standing ovations. La chaîne de télévision ABC a compté : le président Obama, lors de son discours sur l'état de l'Union devant le même cénacle, n'avait eu droit qu'à 25 ovations debout.

Jamais, peut-être, le premier ministre israélien n'a dit de manière aussi dénuée d'ambiguïté que « les Palestiniens partagent avec nous cette terre »(d'Israël) et qu'eux aussi « méritent un Etat indépendant ». Pour une « vraie » paix, il est prêt à des « compromis douloureux ». Mais rarement, il aura énuméré avec autant d'exhaustivité ses innombrables préconditions qui ferment la porte non seulement à une paix « finale et définitive », mais aussi à la simple ouverture de négociations.

Ainsi Israël n'accepte pas le principe de négocier un accord « sur la base » des frontières de juin 1967 (celles du droit international) avec des échanges de territoires, comme le propose Barack Obama, et « en aucun cas il n'y reviendra ». La Cisjordanie : « Les juifs ne sont pas des occupants étrangers en Judée et Samarie » et toute paix devra tenir compte des « changements démographiques dramatiques intervenus depuis 1967 », soit des 600 000 Israéliens qui y ont été installés. Israël maintiendra sa souveraineté sur Jérusalem, contrôlera pour longtemps la rive occidentale du Jourdain ; enfin, la future Palestine sera démilitarisée.

Et M. Nétanyahou a répété qu'« Israël ne négociera pas avec un gouvernement soutenu par des gens qui partagent la vision d'Al-Qaida ». Traduire : avec un président palestinien, Mahmoud Abbas, réconcilié avec le mouvement islamiste Hamas.

Mises bout à bout, ces conditions - M. Nétanyahou le sait, comme les Américains, les Européens et à peu près tout le reste du monde - sont autant d'obstacles à la possibilité, pour les Palestiniens, de jouir, un jour, d'un « Etat viable ». Comme l'a instantanément écrit l'analyste de la revue Foreign Policy Blake Hounshell« Le processus de paix est toujours mort. »

L'objectif du discours n'était sans doute pas de le ressusciter. D'ailleurs, en Israël, le vice-premier ministre, Moshé Yaalon, expliquait, la veille, que ce processus « dure depuis vingt ans et devrait durer encore cent ans ». Et Ehoud Barak, le ministre de la défense, avait donné son accord à la construction de 800 logements supplémentaires dans 13 colonies.

Reste un objectif moins apparent. Pour David Makovsky, du Washington Institute for Middle-East Policy, le numéro un israélien visait en priorité à faire échec à la proposition de vote en faveur de la création d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967 que plusieurs Etats entendent promouvoir en septembre à l'Assemblée générale des Nations unies. Il n'a évoqué ce point qu'incidemment. Mais Israël, selon M. Makovsky« est inquiet des conséquences juridiques internationales qu'aurait un tel vote », même s'il resterait symbolique.

En montrant que, malgré les dissensions, M. Obama, le Congrès et lui-même sont d'accord pour y faire échec, qu'à l'issue de son discours, Mitch McConnell, le leader républicain du Sénat, Harry Reid, son homologue démocrate, et Nancy Pelosi, l'ex-présidente démocrate de la Chambre, l'entourant, ont tous fait assaut de compliments sur la qualité de ses propos - terrific (« super »), a dit le sénateur démocrate -, M. Nétanyahou s'est aussi « adressé aux Arabes et aux Européens » pour les convaincre de l'inanité de s'opposer à un tel front commun et empêcher M. Abbas de conduire ce projet à son terme.

 

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