Retour

Logo-LeMonde.jpg   Article paru dans l'édition du 18 juin 2011

Israël est déterminé à employer la force
contre la prochaine flottille pour Gaza

L'assaut contre le « Mavi-Marmara » avait fait neuf morts
 parmi les passagers, en mai 2010

A moins de deux semaines du départ d'une nouvelle flottille pour Gaza, la détermination des responsables militaires israéliens est sans faille : aucun bateau ne sera autorisé à rompre le blocus maritime imposé par l'Etat juif afin d'atteindre le territoire contrôlé par le mouvement islamiste Hamas. Israël n'a pas l'intention de faire un usage immodéré de la force, mais si ses soldats « font face à la violence » d'une partie des passagers, « ils réagiront », ce qui signifie qu'il risque d'y avoir des blessés, et peut-être des morts.

Au cours d'une rencontre, jeudi 16 juin, à l'état-major de l'armée israélienne, avec un groupe de journalistes étrangers, un haut responsable de la marine n'a pas caché qu'il lui faut envisager « le scénario du pire », autrement dit une répétition de l'assaut sanglant lancé, le 31 mai 2010, par les commandos de marine contre les six bateaux de la première flottille, et notamment contre le navire turc Mavi-Marmara, qui s'était soldé par 9 morts et 45 blessés parmi les passagers.

Nul ne sait avec exactitude combien de bateaux de cette nouvelle expédition à vocation humanitaire vont prendre la mer, sans doute avant la fin juin. Les estimations varient entre dix et quinze navires, avec un total d'environ un millier de passagers, des chiffres qui pourraient être revus à la baisse. D'autant que les pressions politiques exercées depuis plusieurs semaines par certains gouvernements sur les quelque 23 organisations impliquées, pourraient en dissuader certaines.

C'est notamment le cas pour le Mavi-Marmara, qui est sponsorisé par la Fondation turque pour les droits de l'homme, les libertés et le secours humanitaire (IHH), une organisation réputée à la fois proche du Hamas et du gouvernement turc. Ankara n'est pas insensible aux demandes pressantes de l'administration américaine. Le président Barack Obama aurait lui-même appelé le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, pour le féliciter de sa victoire électorale de dimanche, autant que pour lui enjoindre de calmer un jeu diplomatique régional qui risque de nouveau de s'enflammer en cas d'arraisonnement de la flottille pour Gaza.

Il y a un an, lors de l'assaut contre le Mavi-Marmara, Ankara avait remporté la victoire de la communication sur Israël, en payant celle-ci d'une nette détérioration de ses relations avec l'Etat juif. Aucun des deux pays ne souhaite une nouvelle confrontation qui se solderait par des pertes en vies humaines. La Turquie encore moins, qui a un défi autrement important à relever avec la détérioration de ses relations avec Damas et l'arrivée de réfugiés syriens sur son sol.

La participation turque est cruciale, sans être indispensable au maintien de l'expédition maritime. A l'image de la France, qui a « déconseillé formellement » aux Français de monter à bord des bateaux de la flottille, « en raison des risques sécuritaires », plusieurs gouvernements s'attendent à une réaction musclée des autorités israéliennes.

Lesquelles autorités sont sûres de leur bon droit : « Le blocus maritime et sécuritaire de Gaza est légal, assure le haut responsable militaire israélien, s'il est effectif et complet. Il ne peut être sélectif : si nous laissons passer un seul bateau, nous perdons la base légale du blocus. Celui-ci est parfaitement en accord avec la loi internationale. Ces bateaux agissent contre elle et contre la souveraineté d'Israël. » Un raisonnement contesté par les organisateurs du convoi maritime.

A Tel-Aviv, le scénario est écrit d'avance : les bateaux de la flottille seront interceptés en haute mer, si possible pacifiquement. Ils seront ensuite remorqués vers le port israélien d'Ashdod, où leur cargaison sera débarquée et inspectée. S'il n'y a pas d'armes, de munitions ou de matériaux sensibles à bord, la cargaison sera acheminée, par la route, vers Gaza.

Mais, à l'état-major de Tsahal, on a aucune illusion : « Ces organisations ne veulent pas aller à Ashdod, parce qu'elles n'ont rien d'humanitaire. Ce qu'elles cherchent, c'est de forcer le blocus, pour délégitimer Israël. Les extrémistes d'IHH vont probablement utiliser la violence, fait valoir le haut responsable de la marine, parce qu'ils n'ont cure de sacrifier quelques chahid [martyrs]. »

« Nous ferons de notre mieux pour qu'il n'y ait pas, ou moins, de blessés », ajoute l'officier supérieur. Une déclaration d'intention peu susceptible de rassurer les militants qui vont prendre place à bord de la deuxième flottille pour Gaza.

Laurent Zecchini


Le taux de chômage des Gazaouis dépasse 45 %

Les responsables militaires israéliens n'en démordent pas : la flottille humanitaire n'a pas de justification, puisqu'il n'y a pas de « siège » de Gaza, notamment depuis que les autorités égyptiennes ont rouvert le point de passage de Rafah, à la frontière avec l'Egypte. Rafah n'est ouvert que pour les personnes et non pour les marchandises, conformément à un accord de 2005. Et le passage est moins libre qu'on le pense : outre que tous les Gazaouis qui veulent se rendre en Egypte doivent se faire préalablement enregistrer, les individus dont les noms figurent sur des listes noires ne peuvent sortir. En dépit d'une légère amélioration à l'été 2010, après la première flottille, les importations restent inférieures aux niveaux qui prévalaient avant la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, en juin 2007. L'amélioration de la situation économique à Gaza est donc relative : selon l'UNRWA, l'agence de l'ONU d'aide aux réfugiés palestiniens, le blocus israélien entraîne un taux de chômage de 45,2 % à Gaza. La situation sanitaire reste, d'autre part, très inquiétante, avec une carence de médicaments essentiels.


Retour