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http://medias.lemonde.fr/mmpub/img/lgo/lemondefr_pet.gif http://pubs.lemonde.fr/0/default/empty.gif Article paru dans l'édition du 07 octobre 2011

Après leur demande d'adhésion à l'ONU,
les Palestiniens se tournent vers l'Unesco

L'organisme des Nations unies dédié à la culture statuera à la fin du mois sur une possible reconnaissance de la Palestine comme Etat membre

Si l'objectif du président palestinien Mahmoud Abbas est de contraindre les diplomaties à prendre, une à une, des positions claires sur un dossier épineux, il a obtenu une première victoire symbolique à Paris, mercredi 5 octobre, onze jours après avoir demandé la reconnaissance d'un Etat à l'ONU.

Le conseil exécutif de l'Unesco a en effet approuvé par 40 voix sur un total de 58, un texte recommandant l'admission pleine et entière de la Palestine à cette organisation des Nations unies, dédiée à l'éducation, les sciences et la culture, où elle n'a qu'un statut d'observateur.

Pour que la Palestine transforme l'essai et devienne Etat membre de l'Unesco, la recommandation devra être adoptée par une majorité des deux tiers des 193 pays membres de l'organisation, lors de sa conférence générale, prévue du 25 octobre au 10 novembre.

Lors du vote du 5 octobre, quatre pays se sont prononcés contre la requête palestinienne : les Etats-Unis et l'Allemagne, sans surprise, mais aussi la Lettonie et la Roumanie - Israël n'est pas actuellement membre de ce conseil où aucun membre n'a droit de veto, à la différence du Conseil de sécurité de l'ONU. Quatorze autres pays se sont abstenus, dont la France. « La priorité est à la reprise des négociations » avec Israël, avait indiqué le Quai d'Orsay, quelques heures avant le vote. La France n'a plus d'ambassadeur près l'Unesco depuis la démission de Rama Yade, le 15 juin.

Présenté par la délégation des pays arabes, ce texte a pris de court plusieurs chancelleries. Il pourrait participer d'une stratégie palestinienne visant à présenter la même requête devant toutes les grandes agences de l'ONU, pour faire pression sur le Conseil de sécurité à New York. Celui est engagé dans une procédure d'examen de la demande d'adhésion déposée par Mahmoud Abbas, qui, du fait des pressions américaines, menace de s'éterniser. L'Unesco, a offert la première opportunité.

En prévision du vote à la Conférence générale de l'Unesco, l'Espagne a annoncé qu'elle voterait pour, tandis que la France devrait s'abstenir de nouveau. « L'Unesco n'est pas l'enceinte appropriée » et la conférence générale « n'est pas le moment », a indiqué Bernard Valero, porte-parole du Quai d'Orsay.

Chantage financier

Les Etats-Unis feront campagne contre. En visite à Saint-Domingue, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a « fermement recommandé » à l'Unesco de reconsidérer le vote de son conseil exécutif. « Quelles sont les frontières de cet Etat envisagé par L'Unesco ? Quelle est sa juridiction ? Personne ne sait car il s'agit de questions difficiles qui ne peuvent être résolues que par la négociation. »

Mme Clinton a évoqué une possible suspension de la contribution de son pays à cette organisation internationale. « Il est peu probable qu'ils mettent cette menace à exécution, jugeait cependant un bon connaisseur des arcanes de l'Unesco. Ils ne peuvent plus prendre toute une organisation en otage. D'autant plus qu'ils font campagne pour leur réélection au conseil exécutif. Ils ne pourront jamais l'obtenir s'ils nous coupent les vivres ».

Devant le conseil exécutif de l'Unesco, l'ambassadeur israélien, Nimrod Barkan a lui aussi évoqué l'incohérence qu'il y aurait à donner un siège « à un pays qui n'existe pas ».

L'écrivain Elias Sanbar, représentant de la Palestine, a pour sa part évoqué sur un ton consensuel « l'avenir meilleur » auquel les enfants des territoires autonomes sont en droit d'aspirer. Un siège à l'Unesco permettrait à la Palestine d'accéder à des programmes scientifiques ou culturels. Elle l'autoriserait également à présenter la candidature de nombreux sites ou édifices religieux, comme la basilique de la Nativité à Bethléem, à l'inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l'humanité, géré par l'Unesco.

Aux yeux des Palestiniens, une telle distinction n'aurait pas seulement des vertus de préservation et de promotion touristique. Elle tiendrait lieu de viatique politique, en protégeant les sites élus des menées israéliennes.

En février 2010, le gouvernement du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, avait annoncé l'inscription sur la liste de son patrimoine national, de deux lieux saints, vénérés par juifs et musulmans, mais situés en Cisjordanie occupée : le caveau des patriarches, à Hébron, et la tombe de Rachel, à Bethléem, également appelée mosquée Bilal Bin Rabbah. La décision avait été vivement critiquée par la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova ainsi que par Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU.

Benjamin Barthe et Martine Jacot (avec Jean-Michel Caroit à Saint-Domingue)

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