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Paris, le 30 août 2012

 

 

M. François Hollande

Président de la République

Palais de l’Elysée

Faubourg Saint Honoré

75008 Paris  

 

 

 

 

 

 

Monsieur le Président de la République,

 

J’attache beaucoup d’importance à votre fonction et aux propos que vous tenez au nom de la France dans le monde complexe qui est nôtre aujourd’hui, un monde à bien des égards en transition. Un « ancien monde » cohabite avec un « nouveau » qui ne s’est pas encore pleinement installé, l’ancien le disputant sans cesse au nouveau.

Comme président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), j’ai porté naturellement mon attention sur vos propos concernant le Proche-Orient à l’occasion de votre intervention – la première – devant la Conférence des Ambassadeurs qui s’est tenue à l’Elysée.

Et je dois vous faire part, sans plus de circonvolutions, de mon plus vif étonnement.

La France, dites-vous dans ce discours, porte à travers le monde et en toutes circonstances des valeurs universelles, à commencer par celle du droit. Et s’agissant du Proche-Orient vous soulignez à juste titre que la solution passe par la création d’un Etat palestinien à côté d’un Etat israélien vivant en sécurité. Vous ajoutez : « Dans l’immédiat, je recommande aux autorités israéliennes de reprendre le chemin de la négociation dès lors que les Palestiniens ont levé bon nombre de leurs préalables. »

Cette prise de position appelle deux remarques de ma part.

La première concerne ces « préalables » que, selon vous, les Palestiniens auraient placés et qui auraient obstrué le chemin de la négociation ? Estimeriez-vous possible de négocier alors que se poursuit la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est – que la France, à travers tous vos prédécesseurs depuis le général De Gaulle, juge illégale, ceci depuis plus de quarante-cinq ans ?

Monsieur le Président : les Palestiniens discutent depuis 1993 avec les Israéliens. Plus de 20 ans ! Tout est connu de la position des uns et des autres. Tout. Et puis quoi ? Rien, les Israéliens poursuivent leur occupation sous les yeux de la communauté internationale qui, au mieux, proteste. Et puis quoi ? Rien, ça continue… Et la communauté internationale regarde, c'est-à-dire laisse faire contrairement à son objet qui est d’imposer la paix sur la base du droit international.

Les Palestiniens ont dès lors légitiment le droit de dire « Maintenant ça suffit ! ». Nous voulons négocier sur la base de l’application du droit international pertinent et non pas sur une remise en cause frontale de celui-ci. Est-ce cela que vous appelez « des préalables » ? Et nous portons, dîtes-vous, la valeur du droit partout dans le monde ? Et la Communauté internationale regarde et laisse faire, et cela depuis des dizaines d’années, laissant Israël bafouer impunément le droit international et les droits humains.

Ce n’est tout de même pas les Palestiniens qui occupent Israël, mais bien l’inverse.

Et on voudrait cantonner les Palestiniens, en plus, dans un tête à tête stérile et sans issue, vu les rapports de force, avec les Israéliens ? L’expérience a tranché : cette ancienne règle du jeu est caduque. Il en faut une nouvelle.

Et c’est là qu’intervient ma seconde remarque.

Pendant votre campagne électorale, vous aviez pris 60 engagements, dont le 59e affirmait notamment : « Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’État palestinien. » L’absence de reprise de cet engagement dans votre premier grand discours de politique étrangère signifie-t-il que vous y ayez renoncé ? Je rappelle que cette question fait l’objet, parmi la population, d’un très large consensus en France, toutes préférences politiques confondues, inclus donc, et par définition, dans l’électorat qui vous a porté aux plus hautes responsabilités de notre pays.

« Le changement c’est maintenant », avez-vous affirmé durant la campagne électorale. Cela vaut aussi pour la politique internationale de la France.

La France doit agir, avec ses partenaires, et non plus seulement se contenter de « payer » - de payer au demeurant à la place d’Israël, lui qui est responsable de la situation dans les Territoires occupés. La France doit être politique. Et active.

Vos propos sur la question israélo-palestinienne devant la Conférence des Ambassadeurs sont donc pour nous tout à fait inquiétants.

Pour l’heure, il est deux actes que la France devrait mette en œuvre sans attendre pour faire avancer les choses positivement, deux points politiques qui sont absolument et strictement conformes à vos engagements électoraux (point 59) :

-            reconnaître, de manière souveraine, l’Etat de Palestine comme l’ont fait déjà plus de 130 pays dans le monde, un Etat sur les bases de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. Et décider, sur cette base, d’un partenariat avec ce nouvel Etat reconnu par la France ;

-            annoncer sa claire intention de voter à l’ONU pour l’admission, pleine et entière, de la Palestine, comme 194ème Etat membre de l’Organisation.

 

Monsieur le Président,

La question palestinienne est le concentré des frustrations du monde arabe. Car il n’y a pas de conflit israélo-palestinien, il y a une occupation israélienne des Territoires palestiniens.

Combien de temps encore tolérerons-nous la continuation de cette situation ? Qui ne voit qu’elle est explosive ? Qui ne veut comprendre que, tôt ou tard et le plus tôt sera le mieux, les droits des Palestiniens trouveront à s’accomplir car ils sont irrépressibles ? On déclare de manière récurrente, et à juste titre, que la création d’un Etat palestinien est la solution et non un problème pour Israël, notamment en terme de sécurité. Alors quid du statu quo actuel qui ne fait que tout dégrader ?

Je vous en conjure, il convient de prendre en considération le fait que vos mots sont à côté des réalités et des exigences.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’assurance de mes salutations les plus distinguées.

Jean-Claude Lefort

Président de l’AFPS

Député honoraire        

 

 

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