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 du 4 septembre 2012

Gaza pourrait être privée d’eau potable dès 2016

Par Véronique Falez

C’est une course contre la montre qui se mène désormais pour sauver la popu­lation de Gaza d’une pénurie d’eau irré­ver­sible. L’Organisation des nations unies, dans un rapport publié fin août, alerte la com­mu­nauté inter­na­tionale : sans mesures immé­diates pour diver­sifier les sources d’approvisionnement en eau, les nappes phréa­tiques pour­raient devenir inuti­li­sables dès 2016, avec des " dom­mages irré­ver­sibles " sur l’aquifère d’ici à 2020.

La bande de Gaza puise aujourd’hui 160 mil­lions de mètres cubes d’eau chaque année dans ses seules réserves sou­ter­raines. Le ter­ri­toire ne compte ni lac ni cours d’eau. Les faibles pluies annuelles sont loin de com­penser les quan­tités d’eau pompées : les pré­ci­pi­ta­tions directes et l’eau qui s’écoule du mont Hébron ne four­nissent que 50 à 60 mil­lions de mètres cubes d’eau par an.

Résultat : le niveau de la nappe phréa­tique baisse au point de per­mettre l’intrusion de l’eau de mer, aspirée dans les sous-​​sols. A ces intru­sions salines s’ajoute la pol­lution de l’aquifère.

" La nappe phréa­tique est très proche de la surface du sol et le terrain est sableux et per­méable. Les eaux usées ne sont donc pas fil­trées natu­rel­lement, et les pol­luants passent dans la nappe ", note Hervé Conan, directeur de l’Agence fran­çaise de déve­lop­pement à Jéru­salem, qui par­ticipe à la construction d’une station d’épuration dans le nord de Gaza.

Or 28 % des habi­tants de Gaza ne béné­fi­cient pas d’un système d’évacuation. " Ils uti­lisent un trou pour les eaux usées, sous leur maison, explique Munther Shoblak, directeur général de la Com­pagnie de l’eau des muni­ci­pa­lités de la bande de Gaza. C’est une source directe de conta­mi­nation de la nappe phréa­tique : la concen­tration en nitrates atteint ici 150 à 200 mg par litre en moyenne, alors que l’OMS recom­mande de ne pas dépasser 50 mg. "

La salinité et la pol­lution rendent déjà 90 % de l’eau de Gaza impropres à la consom­mation sans trai­tement préa­lable. " Les Gazaouites uti­lisent l’eau du robinet pour se laver ou pour faire le ménage, et ils achètent l’eau qu’ils boivent, de l’eau sau­mâtre traitée, poursuit Munther Shoblak. Mais même cette eau-​​là n’est pas sûre. Seules 70 des entre­prises qui vendent de l’eau pour les citernes ont une licence et il existe plus de 300 dis­tri­bu­teurs privés, sans auto­ri­sation offi­cielle, et cette eau-​​là n’est pas contrôlée. "

Si l’on peut encore, aujourd’hui, traiter l’eau pour sous­traire le sel et les germes patho­gènes, les experts pré­voient que le niveau de salinité sera tel en 2020 qu’il deviendra impos­sible de recons­tituer la nappe. La seule solution consiste donc à ne plus uti­liser les eaux souterraines.

Un défi, alors que la popu­lation de Gaza, actuel­lement de plus de 1,6 million d’habitants, passera à 2,1 mil­lions de per­sonnes en 2020, pro­vo­quant une hausse de 60 % de la demande en eau douce (à 260 mil­lions de mètres cubes par an), selon l’Autorité de l’eau palestinienne.

Dès lors, Gaza n’a que deux options : à la marge, faire venir davantage d’eau d’Israël, qui fournit aujourd’hui environ 5 % de l’eau des­tinée aux habi­tants de Gaza. Mais surtout, miser sur le des­sa­lement de l’eau de mer.

D’où l’urgence de mener à bien le projet au long cours d’usine de désa­li­ni­sation porté par l’Union pour la Médi­ter­ranée (UPM). " La station d’épuration et les cana­li­sa­tions prin­ci­pales vers le nord et le sud de la bande de Gaza repré­sentent un inves­tis­sement de 450 mil­lions de dollars - 357 mil­lions d’euros - qui pourrait être financé pour moitié par des fonds arabes et pour moitié par des fonds euro­péens, détaille Hervé Conan. L’objectif est de ter­miner la levée de fonds en 2013 et d’achever les travaux en 2017. C’est un projet com­pliqué, car des­saler l’eau de mer nécessite beaucoup d’énergie et donc le rac­cor­dement de Gaza au réseau élec­trique égyptien, qui, sur le papier, est déjà prévu. "

La France s’est déjà engagée, en mars, à verser une par­ti­ci­pation de 10 mil­lions d’euros, pour tenter d’éviter une catas­trophe sani­taire annoncée.

 

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