AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


 

La barrière ne sera jamais terminée

Amira Hass

 
Des milliers d’hommes battent leur femme régulièrement. Tous les quelques jours ou semaines un homme tue sa femme. Les hommes tuent des passantes, transforment des femmes en esclaves sexuelles, les violent, les harcèlent au travail, à la plage, dans la rue.

Les hommes, qui contrôlent les centres de pouvoir, perpétuent la discrimination économique des femmes dans la société.

En théorie, la moitié féminine de la société est menacée par beaucoup de membres de la moitié masculine. Mais personne ne penserait à imposer le couvre feu aux hommes, par exemple, quand un violeur en série est en liberté. Personne n’oserait suggérer, par exemple, de faire signer aux hommes un engagement de non violence domestique, sous peine d’emprisonnement ou de mise à pied. L’idée de mettre tous les hommes en détention préventive semble tout aussi imaginaire. De même que celle de faire des cours pour éradiquer de la conscience masculine le traitement des femmes comme une propriété privée.

La société et les décideurs choisissent les moyens de déjouer la violence civile sur la base des places respectives des agresseurs et de leurs victimes dans la société. Décider de quand une menace - physique, émotionnelle ou économique - sur de nombreux individus cesse d’être personnelle pour être stratégique, c’est-à-dire qu’elle attaque les fondations de la société, est politique. Ce n’est pas une science exacte. Les moyens de prévenir et de repousser cette menace découlent de cette décision.

Dans l’atmosphère publique qui s’est créée en Israël en 2001, les attentats suicides palestiniens ont été perçus comme un danger stratégique. La crainte éprouvée par chaque individu était évidente. Le fait que cette peur était nourrie par l’ignorance, l’oubli délibéré et la répression de la violence de l’occupation israélienne ne la rendait pas moins réelle. Mais les politiques israéliens ont manipulé cette peur et le font toujours. Ils ont présenté la menace qui pesait sur les citoyens israéliens comme une menace stratégique sur l’existence même de l’état. Ils ont tiré avantage de la crainte personnelle justifiée de beaucoup de gens pour avancer leur solution à la crainte et à la menace : la barrière de séparation.

Ils ont utilisé le consensus de peur que les attentats suicide créaient pour présenter la barrière, dans son tracé envahissant et destructeur comme la seule solution possible. Pourtant, le caractère de la barrière et son tracé étaient déterminés, non sur la base de la menace réelle, mais celle des plans politiques et fonciers d’Israël.

La construction de la barrière de défense est réalisée dans l’esprit de contrôle qui s’est développé ici depuis 1947, et n’a pas changé même pendant les années de négociation politiques à la fin du 20ème siècle. Dans la propagande israélienne, Israël est la victime attaquée, et par conséquent peut tout faire pour se protéger. Il n’y a pas de corrélation entre de sentiment subjectif de la victime et le pouvoir - militaire - objectif d’Israël et son solide statut international. Le tracé de la barrière - avec ou sans l’aval casher de la Haute Cour - promeut clairement l’intention d’annexer le territoire palestinien. Cette intention ne s’est pas arrêtée en 1994, avec les Accords d’Oslo, mais s’est accélérée.

Israël a usurpé les terres des Arabes israéliens et les a donnés aux Juifs, a privé les Arabes de l’accès aux terre définies comme appartenant à l’Etat, et a banni les résidents palestiniens de Cisjordanie de terres qui sont devenues synonymes de terres pour les colons juifs. De la même manière, il endommage gravement les terres palestiniennes publiques et privées le long de la barrière. Le processus de construction, de déracinement des arbres jeunes ou vieux, de démolition de serres et des puits combine l’arrogance avec le mépris envers quiconque n’est pas juif, et envers l’opinion internationale. Il est un élément de base, à la fois ouvert et caché, d’une stratégie globale d’usurpation.

Tout en employant le mielleux jargon militaire de « passages humanitaires », Israël transforme de florissants territoires palestiniens en désert, en un cynique retournement du vieux mensonge. Tout en parlant sans cesse de provisoire, la barrière marque la frontière entre Israël et des camps de prisonniers, et entre les camps et les colonies.

La barrière construite se poursuit, dans son énergique destruction, mais elle ne sera jamais terminée. Parce que, même lorsque sa construction sera terminée, elle perpétuera la politique d’annexion, d’usurpation et de rupture. Elle continuera à provoquer des désastres tout autour. Et de nouveau, en particulier pendant les pourparlers de retrait des Forces de Sécurité israéliennes d’une ville ou d’une autre, les Palestiniens donnent parfois l’impression qu’ils se sont habitués à leur dépossession et l’ont acceptée. Mais, après une période de transition, le bannissement prolongé donnera naissance à une nouvelle période de rébellion, qui conduira à des « solutions » israéliennes encore plus condescendantes, qui éloigneront de plus en plus toute chance d’un accord de paix équitable.

Publié dans Haaretz le 9 mars 2005 http://www.haaretz.com

traduction : Anne Jégou, Afps

 

Source : France Palestine
http://www.france-palestine.org/article1277.html

 

Ce texte n'engage que son auteur et ne correspond pas obligatoirement à notre ligne politique. L'AFPS 59/62,  parfois en désaccord avec certains d'entre eux, trouve, néanmoins, utile de les présenter pour permettre à chacun d'élaborer son propre point de vue."

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