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Le « Développement » de l’apartheid israélien : la Banque Mondiale , l’aide internationale et la ghettoisation de la Palestine

 

Document d’analyse de la Campagne des organisations civiles palestiniennes contre le mur de l’apartheid , 18 mai 2005 

                                                                                   Traduit par : Waroquiez D, Belgique

     Chaque jour en Palestine, des villages entiers protestent de manière active contre le mur de l’apartheid et l’occupant qui a volé leur terre, démoli leurs maisons et qui les a emprisonnés dans des ghettos où sévissent pauvreté et oppression.

Ils demandent que le Mur et les infrastructures d’apartheid avec les « routes de contournement »  pour Juifs seulement , les zones militaires et les colonies soient démantelés. Pas qu’ils soient « modifiés » ou rendus « plus tolérables », mais  entièrement détruits, demande qui a pour soutien  le droit international , y compris l’avis de la Cour Internationale de Justice (CIJ) et de nombreuses résolutions des Nations Unies. Mais malgré cela, la complicité de la communauté internationale par rapport aux crimes de l’occupant est impossible à cacher .

     Vu la réalité d’une situation où des enfants sont blessés mortellement par des tirs alors qu’ils participent  simplement à des manifestations pour le respect de leur propre droit d’existence ,  il  semble absurde de  parler de « développement » , sans d’abord mettre en avant l’occupation  raciste et coloniale qui perpétue pareille destruction .

Pourtant , le discours qui prévaut et  évoque le « développement économique » de la Palestine a choisi : au lieu de défier cette réalité (celle de l’occupation)  , il fait avec ( il l’intègre). Au lieu de s’attaquer à la réalité de l’occupation , ce discours ,au contraire , tend à la renforcer et à soutenir le contrôle total de la vie palestinienne par Israël.

      Le document directeur de ce type de discours  est le dernier rapport en date de la Banque Mondiale au sujet de la Palestine : Stagnation ou renaissance ? Le désengagement israélien et les perspectives économiques palestiniennes. Ce rapport met en évidence l’intérêt mutuel du capital global et de l’occupant sioniste, en faisant vigoureusement la promotion d’une vision de « développement économique » légitimée et fondée sur un soutien financier important au système d’apartheid à long terme qui sert de base au projet sioniste d’expulsion (des Palestiniens) .

     Le cadre véritable de la politique de la Banque Mondiale s’enracine dans son soutien explicite aux paramètres établis par Israël dans son plan  de « désengagement », une dénomination mensongère qui cache qu’en réalité Israël veut s’engager davantage dans le contrôle de la Palestine à travers l’aboutissement de  la construction du mur de l’apartheid et des mesures complémentaires de vol de terres et de ghettoïsation. La Banque décrit le « désengagement » en question comme un processus qui procure aux Palestiniens une quantité significative de terres  et un environnement idéal pour le développement .  En fait Gaza sera une prison totalement enfermée avec  un second mur  de fer haut de huit mètres et toutes les frontières , le littoral ,mais aussi l’espace aérien , seront contrôlés par les forces d’occupation .

En Cisjordanie, seulement quatre minuscules colonies doivent être évacuées, alors que pendant ce temps là par contre  46% du territoire seront annexés par la construction du Mur et des infrastructures d’apartheid qui facilitent l’expansion de colonies comme Ma’ale Adumim ou encore le Bloc de Gush Etzion .

     Contrairement  aux instructions de la Cour Internationale de Justice à la communauté internationale  « de n’apporter aucune aide ou assistance au maintien de la situation créée par la construction (du Mur )» , la Banque formule son plan complet pour les régions qui entourent l’état-prison  tel que délimité  par le Mur illégal de l’Apartheid . La Banque accepte que les colonies , les zones militaires et toutes les « régions dans lesquelles Israël a des intérêts et investissements » restent sous domination israélienne. Le Mur annexe la capitale palestinienne de Jérusalem à Israël , la Banque fait de même , Jérusalem ne fait pas partie de ses plans.

      Tandis que les Palestiniens sont emprisonnés et confrontés à un déni continuel de leurs droits et aspirations, la Banque dresse le portrait d’une situation où existe une opportunité économique en or de trouver une main d’œuvre docile et bon marché. Le schéma directeur  de la Banque qui évoque une  nouvelle économie basée sur l’exportation répondant  aux besoins stratégiques d’Israël et du capital mondial – et il faut aussi tenir compte de  la recherche de profits juteux pour les investissements israéliens et étrangers - inclut la destruction des terres agricoles palestiniennes et des marchés locaux par l’occupant.  En effet, les rapports de la Banque Mondiale ne tiennent pas compte de l’agriculture , secteur traditionnellement situé au cœur de l’économie palestinienne. Au lieu d’une politique d’opposition à la course d’Israël pour créer en Cisjordanie des zones industrielles, des barrages militaires et un système routier pour Juifs seulement , on a une politique qui reflète la stratégie générale de la Banque , on a une sorte de Guide qui pourrait s’appeler « Comment construire soi-même l’apartheid du 21ème siècle ».

     Comme c’est le cas pour toutes les autres populations du « Tiers Monde » que la Banque Mondiale soumet à l’économie globale , le rôle assigné aux Palestiniens est simple : produire à bon marché des marchandises à exporter vers les régimes qui se portent mieux, en renforçant la dépendance économique envers les systèmes du capitalisme global. La Banque insiste sur le fait que les Palestiniens doivent non seulement accepter la brutale occupation militaire , la dépossession et l’expulsion mais  aussi soutenir l’économie de leur agresseur en produisant des matières premières et industrielles. En plus, les Palestiniens qui sont emprisonnés à l’intérieur de murs sont désignés comme population captive , enfermés de force dans un système de dépendance envers l’occupant y compris en ce qui concerne leurs besoins les plus élémentaires. Israël a vidé la Palestine de ses ressources naturelles, volant environ 80% des ressources en eau naturelle , si on se base sur les chiffres annuels. Maintenant, à Gaza, la Banque établit que les Palestiniens qui ont été privés d’eau pendant des décennies devraient participer  à des accords commerciaux avec Israël à qui ils peuvent acheter à des « tarifs commerciaux israéliens » cette même eau volée par l’occupant.

     La convergence entre les sionistes et les mesures économiques de la Banque Mondiale est claire . Les investissements internationaux  transforment la destruction et la dépossession provoquées par la politique coloniale israélienne en nouveau projet-vitrine de la Banque Mondiale : une série d’états massifs industriels israéliens construits sur les terres palestiniennes annexées .  Ainsi le «  Parc  de la Paix » à Tulkarem par exemple : celui-ci sera construit  sur les terres agricoles volées au village d’Irtah , une terre qui a fait vivre pendant plusieurs générations une cinquantaine de familles et qui fait partie du patrimoine de la communauté et des familles. Il leur reste maintenant  une seule issue au niveau de l’emploi : devenir des travailleurs exploités dans un état industriel israélien entouré par des murs, des barrages de contrôle, des portes de prison.

     La Banque fait fi de l’illégalité inhérente de pareils états et au contraire se réjouit qu’ils vont procurer de l’emploi à des travailleurs à bon marché , dans des zones « avec un minimum de balises rouges » autrement dit sans syndicats, sans règles d’hygiène,  et autres droits pour les travailleurs . Les formes industrielles israéliennes les plus toxiques et les plus néfastes pour l’environnement seront transférées en Cisjordanie où les Palestiniens travaillent pour un salaire équivalent au quart du salaire en Israël  (ce qui est encore trop élevé selon les rapports de la Banque Mondiale ). Ils peuvent essayer de mettre en valeur ces « sweatshops »  en parlant d’eux  dans un contexte de  libération et d’indépendance mais en réalité ils ne représentent rien de plus qu’un dévastateur système d’exploitation raciale tel qu’on n’en n’avait plus vu depuis l’époque de l’Apartheid en Afrique du Sud.

     Pareils plans exigent que les marchandises et des quantités limitées de Palestiniens soient « autorisés » à circuler sur leurs propres terres , entre les ghettos isolés et coupés les uns des autres par le Mur et le réseau d’apartheid constitué par les routes pour Israéliens seulement. Donc, on propose un système avec des portes de haute technologie et des points de contrôle  pour que les Palestiniens qui passent par là ,conduits comme du troupeau, soient contrôlés. En fait, ce système que la Banque Mondiale  désigne comme « système alternatif de transport » et qui inclut des routes bordées de murs et des tunnels qui peuvent être fermés ou ouverts selon les desiderata d’Israël , sera un système de transfert pour la population palestinienne emprisonnée et il rendra impossible tout mouvement entre les ghettos et tout accès aux terres qui les entourent .

     En vue de contourner le droit international et de blanchir leurs crimes, la Banque Mondiale et Israël ont inventé un nouvel euphémisme derrière lequel ils cachent leurs propres intérêts : ils disent que c’est : « pour le bénéfice des Palestiniens ». La Banque justifie sa complicité avec le projet sioniste qui réclame le financement des points de contrôle que l’occupant  a utilisés pour enfermer les Palestiniens  et qui leur ont fait subir des humiliations et violences quotidiennement pendant des années, en disant que c’est pour répondre aux besoins des Palestiniens .

Les Etats-Unis ont déjà fourni 50 millions de dollars à Israël pour construire ces portes de prison et le gouvernement français a suivi en apportant à son tour 120 millions de dollars à Israël « pour le bénéfice des familles palestiniennes de Gaza » afin que l’occupant puisse moderniser les checkpoints.  Parmi ces systèmes « modernes » utilisés par l’occupant , il y a notamment des machines de contrôle d’espionnage qui prennent des photos des corps nus , à travers les vêtements. En plus d’être humiliantes et dégradantes , il se pourrait, selon beaucoup d’experts que ces pratiques causent à long terme de graves problèmes de santé provoqués par  les rayonnements utilisés.

Prétendre , comme le font les gouvernements , qu’ils aident les Palestiniens en donnant de l’argent au régime qui est à la base de leur souffrance, c’est non seulement  mettre le monde à l’envers mais  cela montre , en plus, combien ils (les gouvernements ) dénient tout droit aux Palestiniens à leur autodétermination.

     Pareil soutien fait que la Banque Mondiale devient un acteur de plus en plus puissant en Palestine. Le président sortant de la Banque Mondiale , James Wolfensohn, a été désigné coordinateur international du « processus de désengagement »  et il a déjà établi que son travail s’appuierait sur la politique de la Banque Mondiale, une politique qui ne prend en compte ni le Mur de l’Apartheid, ni l’occupation israélienne, ni la colonisation , ni les innombrables violations du droit international par Israël  . Et ceci ne concerne pas uniquement la Banque Mondiale. A tous les niveaux, les ONG, sont influencées  par cette attitude d’acceptation des crimes israéliens , et donc on voit  des projets qui visent tout simplement l’adaptation au  Mur et à l’occupation alors qu’il s’agit de faire en sorte que ce Mur soit démantelé , ce qui est la première et la plus importante des priorités. Il ne pourra vraiment  y avoir de développement que lorsque le Mur et les colonies seront démantelées, que l’occupation aura cessé et qu’un état palestinien indépendant et souverain sera établi. On  se demande franchement dans quel monde imaginaire vivent la Banque Mondiale et les sionistes qui pensent que les Palestiniens vont simplement rester  en arrière-plan et accepter l’annihilation de leur passé, de leur présent et de leur futur !

     En réalité, on voit que se matérialise lentement sur le terrain, le rôle assigné à l’Autorité Palestinienne à savoir : être un gardien de prison ayant pour fonction d’empêcher les Palestiniens de défendre leurs terres et leurs droits, et ce pour que soit créé un « environnement attractif pour les investisseurs ». Agir au nom du peuple palestinien signifie que l’Autorité Palestinienne et la Société Civile doivent se dresser contre ces projets , s’y opposer et les refuser complètement et pas simplement demander  qu’on les « modifie » ou qu’on « fasse partiellement marche arrière ».

     Les Palestiniens ne demandent pas des méthodes économiques de servilité ou des moyens de rendre le Mur et l’occupation plus « soutenables » . Les Palestiniens  veulent une véritable libération . Le fait que la Banque Mondiale ignore cela n’est pas un détail .Cela montre que la Banque a choisi consciemment de soutenir les exigences et la vision de l’occupant , à savoir l’expulsion et l’enfermement des Palestiniens dans des ghettos et la Banque Mondiale fait bien plus que souhaiter être complice de ce crime.

     Le partenariat entre Israël et la Banque Mondiale met à jour l’étendue du soutien international dont profite l’occupant. Sans les 5 milliards d’aide annuelle des USA , les investissements de la Banque  Mondiale et les contributions d’innombrables gouvernements, corporations et organisations , le projet sioniste n’est simplement pas soutenable.

Les individus et la société civile du monde entier ont la responsabilité de construire un mouvement de pression et d’isoler l’Apartheid israélien tout en renforçant la lutte du peuple palestinien pour la justice et sa libération.

Jamal Juma coordinateur Stop the wall Compaign en Palestine

Source : Dominique Waroquiez


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