AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   



Lettre à Kofi Annan

Palestiniens, Israéliens, et Internationaux militants de la solidarité
 
La lettre suivante a été présentée au Secrétaire Général des Nations Unies via le bureau des Nations Unies à Jérusalem, à son arrivée à Jérusalem le 15 mars 2005 .

Lettre signée par des dizaines d’Israéliens, de Palestiniens et de pacifistes étrangers.

A : M. Kofi Annan Secrétaire général des Nations Unies c/o UNSCO, Jérusalem

Cher Monsieur,

Nous vous souhaitons la bienvenue en Israël-Palestine. Vos interviews dans les médias israéliens semblent indiquer que vous essayez de vous attaquer à l’attitude négative envers les Nations Unies qui prévaut chez de nombreux Israéliens - un but important, dont la réalisation pourrait faciliter un rôle plus efficace des Nations Unies au sein du « Quartet » international, chargé de trouver une issue au conflit israélo palestinien. Votre décision d’assister à la cérémonie au Musée de l’Holocauste Yad Vashem à Jérusalem participe évidemment de cet effort, et de l’affirmation renouvelée des Nations Unies de s’opposer à toute manifestation de discrimination raciale et de persécution, dont l’extermination de six millions de Juifs européens est un exemple particulièrement horrible et terrible.

Cependant, votre visite a lieu à un moment particulièrement sensible, où toute action a des ramifications à long terme des plus importantes. Précisément à cause de l’importance de votre visite, le choix d’inclure certains sites dans votre itinéraire, et d’une exclure d’autres, est crucial. Comme vous l’avez dit récemment à la télévision israélienne, le Plan de désengagement de Gaza avancé par le Premier Ministre Sharon pourrait être une étape importante dans la mise en œuvre de la « Feuille de route », dont le but fondamental est une paix viable, la fin de l’occupation et la création d’un Etat palestinien viable.

Malheureusement, il n’y a aucun signe qu’Ariel Sharon envisage les choses de cette manière ; il a beaucoup de signes du contraire : non seulement les déclarations explicites de Sharon et de ses collaborateurs, exprimant une claire intention de s’approprier la majeure partie des terres de Cisjordanie, mais aussi des actions unilatérales sur le terrain pour mettre la main sur le territoire palestinien et l’annexer à Israël.

Nous voulons en particulier mettre l’accent sur la construction du dit « Mur de séparation », qui se poursuit. Dans toute la Cisjordanie, des communautés entières sont interdites d’accès, beaucoup d’entre elles perdant leurs terres : des villages comme Wallajeh, Nuaman, Jayyous, Ras Tira, Azzun, Marda, Nazlat Issa, Wadi Fukin, Beit Souriq et beaucoup d’autres villes palestiniennes, en particulier autour de Jérusalem (voir Abou Dis, Bethléem et A-Ram), sont coupées en deux par le milieu ou entourées et transformées en enclaves isolées, avec une perturbation énorme du commerce, de l’éducation, des services de santé et de chaque aspect de la vie quotidienne normale.

Un visiteur du Mur à Abou Dis peut voir de ses propres yeux des écoliers escaladant des brèches du Mur (souvent harcelés par la Police des Frontières), et aussi des hommes, pour chercher du travail afin de nourrir leur famille, des femmes avec des bébés dans les bras, et même des malades ou des personnes âgées qui doivent escalader pour aller au seul hôpital de la région. Ailleurs, dans des villages comme Beit Surik, Bila’in, Budrus et beaucoup d’autres où le Mur a été construit, les visiteurs peuvent observer les forces armées israéliennes utiliser quotidiennement des gaz lacrymogènes, des balles en « caoutchouc » et même des balles réelles contre des villageois non violents, protestant contre la confiscation de leurs terres - et aussi contre les pacifistes israéliens et internationaux qui prennent part à cette protestation. Au village de Jayyous, où le Mur a été construit en 2003, on peut voir des colons créant activement une nouvelle colonie sur des terres dont on refuse l’accès aux propriétaires palestiniens - dans la zone dite « de sécurité ». Cette frontière politique (l’intention réelle du Mur) crée des conditions dans lesquelles les colonies prospèrent et s’étendent, tandis que les Palestiniens craignent un transfert forcé : une forme de purification ethnique.

Votre visite à Jérusalem, en passant à une courte distance de là où tout cela se déroule, sans vous arrêter pour en prendre connaissance, sera interprétée comme une reconnaissance tacite, par vous et par l’institution que vous dirigez - une reconnaissance tacite de pratiques brutales dont la sécurité d’Israël est le prétexte plus que la vraie raison.

Nous n’avons pas à vous rappeler que la création de ce Mur a été fermement condamnée par l’écrasante majorité de l’Assemblée Générale des Nations Unies, que ses désastreuses conséquences au plan humain ont été décrites dans leurs moindres détails par le Rapporteur des Nations Unies, et que la continuation de sa construction se fait au complet mépris de la Cour Internationale de la Haye, l’instance à laquelle la communauté internationale a donné pouvoir pour interpréter la Loi internationale. Nous sommes sûrs qu’il n’est pas dans votre intention d’approuver - explicitement ou implicitement - de tels phénomènes. Cependant, c’est en pratique ce que vous feriez en n’incluant pas le Mur dans l’itinéraire de votre visite. C’est pourquoi nous - Israéliens, Palestiniens et pacifistes internationaux, vous demandons d’observer par vous-même le Mur et ses effets humains désastreux, qui auront un tel impact négatif sur le processus de paix et la viabilité future de la Palestine.

Nous attendons aussi avec impatience la création d’un Registre des Dommages causés par le Mur, et celle d’un système de compensation pour perte de revenu, d’éducation, de liberté de mouvement, de terres et de maisons, comme demandé par l’Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice et l’Assemblée générale des Nations Unies.

Quand, par le passé, le monde est resté silencieux, des atrocités ont été commises. Votre visite à Yad Vashem souligne ce principe. Quand, dans certains cas, les Nations Unies et la communauté mondiale ont tergiversé en réponse à la tragédie, cela a rendu possible d’autres tragédies. M. Annan, comme citoyens du monde nous prions pour que cesse cette tragédie inutile et injustifiée dans cette partie du monde, que le Mur et les colonies soient démantelés, et que justice soit rendue, les résolutions des Nations Unies appliquées et qu’une paix viable s’installe pour le bénéfice à long terme de tous.

Traduction : Anne Jégou, Afps

 

Source : AFPS
http://www.france-palestine.org/article1329.html


Ce texte n'engage que son auteur et ne correspond pas obligatoirement à notre ligne politique. L'AFPS 59/62,  parfois en désaccord avec certains d'entre eux, trouve, néanmoins, utile de les présenter pour permettre à chacun d'élaborer son propre point de vue."

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