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Ha¹aretz, 24 avril 2005

 

Pour le sionisme, le temps de la maturité est arrivé
par Tom Segev

 

Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant


La dernière édition du mensuel des colons, Nekouda, crie misère. On y voit
sur la couverture une petite fille adossée à une clôture en fil de fer
barbelé, avec dans les yeux un air de martyr. L¹impression qui se dégage est
que le monde entier est contre eux, qu¹ils sont seuls et entourés d¹ennemis.
Ils sont aussi dépeints comme pitoyables et dans le besoin : la yeshiva (1)
de Netzarim lance un appel aux dons, " dans une période très particulière ".

Jusqu¹à maintenant, les colons se plaignaient surtout des atteintes à
l¹intégrité de la Terre, à la démocratie, à leurs biens, et à leur tissu
social et communautaire menacé par la mise en ¦uvre du plan de retrait de la
bande de Gaza. De temps en temps, ils envoyaient aux médias un message
d¹impuissance quasi hystérique : où irons-nous, personne ne nous parle. Une
femme d¹Alei Sinaï a dit cette semaine qu¹elle ne quitterait pas sa maison,
et que si les soldats la frappaient avec une matraque, elle se décomposerait
en mille morceaux comme un puzzle et mourrait sur place. On peut entendre
dans ces propos à la fois la complainte du " Cosaque détroussé " (équivalent
de notre arroseur arrosé, mais la nuance valait la peine d¹être rendue ­
ndt) et une détresse véritable.

Mais un habitant de Netzarim, Eli Feinsilber, émet dans Nekouda une plainte
d¹un genre nouveau : le retrait de Gaza dérobe aux colons juifs leur enfance
et les force à grandir. Feinsilber, enseignant à la yeshiva de Netzarim,
exige le droit de rester enfant. Le mouvement sioniste était une histoire
pour enfants, écrit-il, faisant allusion aux premiers pionniers. Ce
n¹étaient pas des considérations réalistes qui les animaient, mais plutôt
une ferveur juvénile : faire fleurir le désert, assécher les marais, créer
les infrastructures d¹un Etat, une disposition au sacrifice. " Certains
diront : Oce n¹était rien d¹autre que de la puérilité¹, et nous répondrons :
Oc¹est tout à fait exact, et c¹est cette puérilité qui a permis de créer
l¹Etat¹ ".

Historiquement, Eli Feinsilber a raison : la révolution sioniste a été
vécue, dès le début, comme une expression de rébellion adolescente. "
N¹écoute pas les leçons de morale de ton père, mais prête une oreille aux
croyances de ta mère ", écrivait le poète David Shimonovitch.
Au cours de premières années qui ont suivi la création de l¹Etat d¹Israël,
les dirigeants faisaient encore de la jeunesse une valeur importante, le
regard toujours tourné vers l¹avenir. De nombreux Israéliens ont perçu la
victoire dans la guerre des Six jours et les premières colonies juives dans
les territoires comme l¹aube d¹une ère juvénile.

Depuis, la plupart des Israéliens ont mûri, et Feinsilber ne le leur
pardonne pas : " cette flamme enfantine qui caractérisait le sionisme est
bonne aujourd¹hui pour l¹école maternelle, ce seront les adultes qui
régenteront tout ", écrit-il. " Comme un enfant qui grandit et qui abandonne
peu à peu ses rêves d¹enfant (comme le désir de se dévouer à la société en
étant policier ou pompier), et qui permet à la rationalité froide de
gouverner son jugement et les missions qu¹il se fixe, en fonction du critère
logique et sec selon lequel votre vie prend le pas sur celle de votre
prochain ".

Et voici le retour de l¹enfant prodigue. Un enfant de 30 ans retourne chez
ses parents et réinvestit sa chambre d¹enfant. Comme l¹a écrit Ehud Banaï
[dans une de ses chansons] : allongé sur le canapé, chez ses parents, il a
la fièvre, il est sans travail, sans amour, il regrette les histoires qui
ont bercé sa vie et demande à sa mère de lui raconter l¹enfant qu¹il a été,
et comment les premières pluies le ravissaient. Il y a quelque chose de vrai
dans cette description du retrait comme une séparation d¹avec un rêve
d¹enfant ; et il y a peut-être aussi quelque chose de vrai dans la
description de la colonisation juive dans les territoires palestiniens comme
une phase du projet sioniste.

Mais il y a également lieu de décrire le retrait comme une expression du
sionisme réel, qui a toujours préféré une solide majorité juive à un
territoire peuplé en majorité d¹Arabes. Le sionisme a toujours su transiger
sur ses rêves. En ce sens, depuis les origines, il a fait preuve d¹un
pragmatisme qui relève de l¹âge adulte. Le retrait de Gaza, lui aussi,
reflète une prise de conscience lucide et adulte : il est impossible de
régner sur les Palestiniens, et cela ne vaut même pas la peine d¹essayer.

Cela rend Feinsilber amer : " le plan de désengagement représente le
triomphe du rationalisme technico-pratique, qui écrase sous sa     botte
toute aspiration puérile ".
Ainsi parlaient, à peu de choses près, les enfants du rêve qui avaient servi
dans le Palmakh (2) : l¹Etat [nouvellement créé] n¹était pas à la mesure de
leur idéal. Dans une large mesure, cela a été une crise d¹adolescence, le
passage de l¹adolescence à l¹âge adulte. Pendant de nombreuses années, ils
ont porté en eux cette déception, mais il s¹est trouvé que cette déception a
constitué une source de grande force, car, au fil du temps, ils en sont
arrivés à occuper d¹importantes fonctions au sein de l¹élite israélienne,
dans les domaines militaire, économique, politique et de l¹éducation. La
guerre des Six jours offrira à beaucoup d¹entre eux une seconde occasion de
réaliser ce qu¹ils n¹avaient pas réussi à faire en 1948. Depuis, ils se sont
épanouis encore davantage.

Il est possible que quelque chose de la sorte arrive aux Peter Pan de
Netzarim et à d¹autres de leur génération : le traumatisme du retrait ne les
fera pas disparaître. Comme la génération de 1948, on attend d¹eux, non
seulement qu¹ils grandissent, mais qu¹ils trouvent leur place au sein de
l¹élite du pays : politique, armée, économie et culture. En ce sens, le
combat des colons pour préserver leur enfance est aussi un combat pour
façonner leur âge adulte.


(1) Yeshiva : séminaire talmudique
(2) Palmakh : acronyme de " plougot makhatz ", sections de choc. Ensemble de
commandos d¹élite, recrutant essentiellement dans les kibboutzim, qui avait
conservé une relative autonomie vis-à-vis de la Haganah lors de la guerre de
47-48, puis dissous par Ben Gourion après la création de l¹Etat d¹Israël.
Symbole essentiel de l¹ethos pionnier et idéaliste pendant les premières
années d¹existence de l¹Etat d¹Israël.

Source : La Paix Maintenant


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