AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


Élections en Palestine

[Le taux de participation, plus faible que souhaité, aux dernières élections
palestiniennes marque-t-il une désaffection vis-à-vis du politique ? Pour
Amira Hass, correspondante permanente de Ha¹aretz dans les Territoires, ce
serait, au contraire, un signe éminemment politique : à quoi bon se choisir
un gouvernement si les cartes sont aux mains d¹autrui. L¹occupation,
note-t-elle, ne se laisse pas oublier, qui marque la vie palestinienne de
son empreinte chaque jour ­ y compris celui des élections.]
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http://www.haaretz.com/hasen/spages/526006.html
Mercredi 12 janvier 2005

UNE ABSTENTION POLITIQUE

par Amira Hass
(trad. Tal pour LPM)


« Jusqu¹à cinq ou six heures de l¹après-midi, j¹étais heureux et fier, et puis tout a changé », dit l¹avocat Raji Sourani aux juges de la Cour d¹appel palestinienne, décrivant ce que des milliers de gens ont ressenti le jour de l¹élection.

La première impression de forte participation et de scrupuleux respect des lois et des règles fut saisissante. Mais, dans l¹après-midi, l¹inquiétude vint remplacer l¹allégresse. La participation était plus faible que prévue. L¹annonce faite par la commission électorale de l¹allongement de la durée du vote n¹avait rien d¹étonnant. « Il était tout à fait possible de l¹interpréter comme le souci que tous puissent voter, malgré les barrages, les retards [imposés par les] Israéliens, la peur », dit Sourani, décrivant toujours les événements aux trois juges spécialement réunis pour juger
d¹[éventuelles] irrégularités électorales.

D¹autres avocats assistaient à l¹audience, des collègues de Sourani au Centre palestinien pour les Droits de l¹Homme, qu¹il dirige, des chercheurs attachés au Centre, et trois observateurs internationaux. La plupart d¹entre eux, dont Sourani, avaient passé le jour des élections sur le terrain. Tout à coup, vers 17h30 en quelques lieux, et en plusieurs autres une heure plus tard, la confusion s¹instaura. Peu avant l¹heure de clôture prévue pour le scrutin, et deux heures avant qu¹il ne s¹achève suivant le nouvel horaire, les gens commencèrent à arriver en masse. La plupart étaient amenés en camionnette ou en taxi, et nul ne cherchait à cacher que les zélés chauffeurs étaient des militants du Fata¹h.

Ça et là, mystérieusement, l¹électricité sauta dans certains points de vote, et les vérifications se firent à la lueur des chandelles. On entendit des coups de feu aux abords d¹un ou deux bureaux. A la stupéfaction des observateurs, dont beaucoup avaient été formés trois mois durant par le CPDH, les registres électoraux et la liste autorisée d¹électeurs non inscrits sur les registres [1] furent remisés. Des consignes verbales, jamais officialisées par écrit, avaient atteint les responsables des bureaux, leur enjoignant de laisser voter toute personne munie d¹une carte
d¹identité.

Il était difficile de dissimuler ce [double] fait : la commission électorale était soumise aux pressions du Fata¹h, et le parti au pouvoir avait des raisons d¹être inquiet. Son principal rival, le H¹amas, qui avait appelé au boycott des élections, pourrait faire son beurre politique d¹une faible participation, prétendant que tous ceux qui s¹étaient abstenus avaient suivi ses consignes, qu¹il bénéficiait dans l¹opinion d¹un large soutien et que les choix politiques imprimés par le Fata¹h sous la direction d¹Abu Mahzen n¹étaient pas majoritaires. Mais le moyen choisi ­ contourner et violer les règles légalement établies par le Conseil législatif palestinien [2] ­ ont porté tort au Fat¹ah, entaché la commission électorale et confirmé la vieille antienne du H¹amas prétendant que le parti opposé ne pourrait jamais permettre la tenue d¹élections loyales reflétant vraiment les choix de l¹opinion.

Le plus absurde étant que le grabuge des deux dernières heures ne fit pas monter de manière significative le nombre de votants. Le CPDH requit la Cour [d¹appel] de statuer sur l¹illégalité de la décision prise par la commission électorale. Il ne demandait pas l¹annulation des résultats de certains bureaux, mais plutôt qu¹il fut publiquement affirmé que nul n¹est au-dessus des lois et que les autorités judiciaires ne laisseraient ni les instances politiques ni [aucune] autre faire obstacle au processus légal ­ afin que les résultats des très importantes élections au Conseil législatif, à venir
en juillet, ne puissent être discrédités auprès de l¹opinion. La demande fut rejetée pour vice de forme. Le CPDH en fut quelque peu déçu mais, comme Sourani le dit aux juges, la démocratie est un processus en marche, un apprentissage. Et cette requête en fait partie.

Reste à examiner les raisons de ce faible taux de participation : 45% des électeurs inscrits. La société palestinienne est extrêmement politisée. L¹abstention fut donc très politique, elle aussi. Elle prouve que l¹opinion palestinienne ne se berce pas d¹illusions quant à l¹identité de ceux qui régissent vraiment sa vie. Il ne s¹agit ni d¹Abu Mahzen, ni du FataOh, mais du gouvernement israélien et de son émissaire, l¹armée. Il ne fut à aucun moment possible de l¹oublier le jour de l¹élection. Ni au bureau de vote [du camp] de Jabalyah, une école touchée dans le passé par des missiles ; ni à Beit Lah¹ia, le bourg agricole, dans la bande de Gaza, dont les vergers et les serres furent détruits sur ordre de l¹armée ; ni au bureau de vote de Khan Yunis, qu¹on ne pouvait atteindre qu¹entre les décombres laissés par l¹armée défendant les implantations du Goush Katif ; ni à Tel Sultan, à Rafah, où les routes défoncées par les tanks de Tsahal [3] n¹ont pas encore
été réparées.

Quoi d¹étonnant à ce que, depuis des années, les activités du CPDH se soient largement, sinon majoritairement, consacrées à la domination exercée par Israël sur les Palestiniens. Au péril de leurs vies, les chercheurs du Centre rassemblent des informations sur les attaques militaires israéliennes [dans la bande de] Gaza, les destructions et la mort que l¹armée laisse chaque jour sur son passage, les champs fertiles abandonnés en friches, et les entraves draconiennes à la liberté de circulation. Malgré les très faibles chances d¹obtenir vraiment réponse, ils déposent diverses plaintes auprès de l¹armée et parfois des requêtes auprès de la Cour suprême, en Israël.

Ils endossent ainsi la blouse du professeur, et leur leçon porte sur l¹essence non démocratique d¹une société en situation d¹occupant. Les élèves, cependant, ne sont guère prêts à en tirer les enseignements.

NOTES______________________________________________

[1] Listes complémentaires à la refonte des registres électoraux palestiniens, conduite en septembre-octobre 2004 par le Comité central pour les élections (nommé l¹été dernier par Yasser Arafat). Précisant au passage des données statistiques jusqu¹alors de source israélienne, la campagne d¹inscription avait connu un large succès ­ sauf à Jérusalem-Est, du fait de la clôture des bureaux par la police (israélienne), et dans le nord de la bande de Gaza, où les combats faisaient rage. Voir l¹article de Danny Rubinstein dans Ha¹aretz, le 4 /11/04 (en anglais) :
www.haaretz.com/hasen/spages/494410.

[2] Le Parlement palestinien, constitué au sein de l¹OLP en exil à Tunis, et dont l¹élection en juillet devrait faire mieux connaître le poids des diverses tendances au sein de la société palestinienne, et permettre enfin leur expression démocratique plutôt que l¹équilibre de la peur.

[3] Acronyme de Tsvat Haganah leIsraël (Forces de défense d¹Israël).

Source :  La Paix Maintenant

 

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