Histoires
        de Prisonniers: Mua'ath Mohammad Samarah
         
        Rima
        Merriman écrit de Ramallah, Palestine occupée, Live from Palestine,
        2 Septembre 2004
        
        Traduit
        par DM
        Quand
        il raconte l’histoire de l’emprisonnement de son fils, Mohammad
        Samarah réfléchit à l’ironie du sort, porteuse en même temps de
        tristesse et d’inspiration. Son plus jeune fils Mu’aath (27 ans) est
        détenu dans une prison israélienne qui s’appelle Jalbou’. C’est
        une nouvelle prison au nord de Jenin située dans les collines de
        Jalboun, construite pour remplacer une ancienne prison qui portait le même
        nom et qui  se trouvait dans le village palestinien de Shatta.
        
        Mohamad Salarah explique que l’ironie réside dans le fait que sa
        famille vient d’un village de Jalboun, Noores. Les Israéliens ont
        effacé ce village palestinien, mais aujourd’hui, surplombant ses
        ruines, se dresse une colonie israélienne, dont le nom fait
        ironiquement écho à ce qui existait autrefois puisqu’elle
        s’appelle Nooret. Muhamad a l’impression que Mu’aath est retourné
        dans la région de sa famille de la seule façon qu’il pouvait y
        retourner.
        
        Un autre détail lié à la situation de la prison de son fils procure
        à Mohamme une certaine fierté si ce n’est du réconfort: la prison
        de Jalbou où Mu’aath purge une peine de 5 ans, est proche d’un
        autre village détruit, al Mazar, bien connu pour avoir abrité le
        combattant de la résistance palestinienne Farhan al  Sa'adi, pendu
        en 1936 par le Mandat britannique pour avoir participé à la rebellion
        de Izz al Din al Qassam. Qassam a été lui-même tué en 1935 à 
        Ya'abad, qui se trouve aussi dans la région de Jalboun .
        
        La nouvelle prison a la réputation d’utiliser des méthodes
        semblables à celles utilisées contre les prisonniers d’Irlande du
        Nord. En particulier, la cour, à l’extérieur des cellules ( la
        “forah” en Arabe”), est couverte de tôle ondulée, ce qui, dans
        cette région chaude, produit un effet de serre infernal. Mohammad ne
        peut être sûr de ces détails, car ni lui ni sa famille ne sont
        autorisés à rendre visite à leur fils. Mais c’est ce qu’il a
        entendu dire. La prison a été décrite par ceux qui y ont été incarcérés
        comme des “ quartiers de mort lente ».
         
        Quand
        les soldats sont venus chercher  Mu'aath le 30 Janvier 2002, à
        deux heures du matin, il habitait dan sun appartement de Ramallah que
        ses parents avaient loué pour lui quand il étudiait l’électricité
        et l’electronique à l’université de Birzeitr. Il avait obtenu son
        diplôme en 2000 et trouvé un emploi dans la compagnie de télécommunications
        Jawal. Son frère aîné, Rami était étudiant en informatique à
        l’université d’ Arkansas, à Fayetteville, dans le cadre d’une
        bourse d’études accordée par le gouvernement Clinton.
        
        Son deuxième frère, Nasr, diplômé en agriculture de l’université
        de Jordanie, travaillait avec le PARC ( Palestinian Agriculture Relief
        Committee) à Ramallah. Ses deux soeurs vivaient avec leurs maris, une
        à Toulkarem et l’autre en Arabie Saoudite. Ses parents vivaient à
        Toulkarem, où sa mère(Aisheh)  exerçait la fonction d’eseignante
        jusqu’à ce qu’elle prenne récemment sa retraite. Son père allait
        travailler tous les jours comme technicien de laboratoire à
        l’université de Birzeit ( Mohammad a un diplôme de chimie de
        l’université de Bagdad). Les parents de Mu’aath étaient avec lui
        dans son appartement de Ramallah la nuit où les soldats sont venus.
         
        Les
        soldats sont entrés, les bottes couvertes de la boue du terrain vague
        qui jouxtait l’appartement et où les enfants avaient improvisé un
        terrain de foot. Ils ont cherché les hommes de la maison, ont lié les
        mains de Mohammad et Mu’aath et les ont emmenés dehors. Ils ont
        vandalisé la maison, la remplissant de boue et détruisant le mobilier.
        Ils ont emporté trois valises qui appartenaient aux trois frères sans
        les ouvrir tout d’abord. Elles contenaient des affaires scolaires, des
        diplômes et des souvenirs. Ils ont arrêté Mu’aath et l’ont emmené.
        
        Le lendemain,  Mohammad et Aisheh sont allés à l’Institut
        Mandela pour les Prionniers Politiques pour obtenir des renseignements.
        Ils ont appris que Mu’aath était à la  Moskobiyeh, un centre
        d’enquête israélein à Jerusalem Ouest, où il était interrogé. L’interrogatoire
        a duré 45 jours. On leur a conseillé d’engager un avocat, ce
        qu’ils ont fait avec l’aide de l’université de Birzeit. Mu'aath a
        ensuite été transféré à Beit El, la base militaire israélienen de
        Ramallah près de la colonie de Beit El , où il a été incarcéré
        pendant un an et demi, pendant que son affaire suivait son cours. Ses
        parents n’avaient pas de droit de visite.
        
        La plupart des cas comme ceux de Mu'aath's se règlent grâce à
        un accord entre le juge et l’accusé. Les preuves retenues contre 
        Mu'ath consistaient en tout ce qu’il avait pu confesser au cours de
        l’interrogatoire ( qui inclut la torture) et ce que ses amis avaient
        pu dire sur lui, plus certaines appartenances qui sont considérées en
        elles-mêmes comme des délits contre l’état d’Israël.
        
        Les accusations étaient les suivantes :
        1.     
        Frequenter un certain lieu afin de fabriquer des explosifs.(Mu'aath
        avait seulement reconnu fréquenter le lieu)
        2.     
        Etre impliqué dans la préparation d’une opération.
        3.     
        Participer aux élections du conseil étudiant à l’universuté
        de Birzeit comme membre du bloc islamique. 
        4.     
        Participer à un camp du Hamas en1991 (Mu'aath avait alors douze
        ans)
        5.     
        Etre l’expert technique d’une cellule terroriste. Cette dernière
        accusation était basée sur quelque chose que les interrogateurs
        avaient trouvé dans une des valises qu’ils avaient emportées la nuit
        de l’arrestation. C’était la thèse pour sa licence qui traitait
        d’un système robotisé pour les explosifs.
        
        Le procès de Mu'aath's s’est tenu dans une petite pièce à 
        Beit El. Seuls deux parents par accusé sont autorisés à assister et
        les bancs réservés aux parents ont quatre places chacun. Son avaocat
        avait passé un accord avec le juge pour une condamnation de cinq ans
        avec une sentence additionnelle de « réserve » de trois
        ans. Les trois ans sont réservés à n’importe quel délit futur. Si
        Mu’aath était arrêté à nouveau et déclaré coupable après sa libération,
        trois ans seraient automatiquement ajoutés à sa nouvelle condamnation.
        
        Mohammad et Aisheh n’ont pas vu leur fils depuis son procès. Ils
        n’ont eu n’ont plus aucun contact avec lui sous quelque forme que ce
        soit, à l’exception de deux courtes lettres qui sont arrivées des
        semaines après qu’il les a écrites. Ils ont demandé un droit de
        visite par l’intermédiaire de la Croix-Rouge Internationale mais les
        Israéliens ont rejeté leur demande.
         
        Rima
        Merriman est écrivain freelance et spécialiste en communication. Elle
        travaille en Cisjordanie depuis quatre mois.